L'infâme séance de codage qui précède chaque visite...

Le 10 janvier 2011 :

Aujourd'hui, j'arrive en retard au staff. Tous les patients ont changé depuis le week-end.
Cela n'empêche pas Frédéric de commencer dare-dare la visite et de me reprocher de ne pas connaître les patients... arrivés ce week-end... J'essaie subtilement de le lui faire comprendre, mais bon, il faut croire que le lundi est méchant avec tout le monde.

Bref, je reste un peu lire les dossiers, puis à midi, je m'envole.

Le 11 janvier 2011 :

Jour calme, aussi. Raison de plus pour vous présenter un peu les patients du jour.

Pour commencer, deux hyperplasies parathyroïdiennes non cancéreuses, qui entraînaient des taux anormalement élevés de calcium (ces glandes intervenant dans leur métabolisme). Thyroïdectomie totale pour ces deux patientes, donc.

Ensuite, un patient d'une cinquantaine d'années venu pour une gangrène du pied gauche, complication de son AOMI. Son historique est lourde : pontages fémoro-poplités en il y a sept et deux ans, amputation du premier rayon du pied droit le mois précédent, et là, amputation du bas de la jambe gauche.
Malgré tout cela, il est étonnamment souriant et ne laisse transparaître aucun signe d'abattement. Il y a des patients devant lesquels on se demande d'où leur vient cette force...

Et enfin, un patient de 83 ans que la réa a envoyé. Il a eu une brutale perte de force dans les jambes, et est resté quelques heures face contre terre avant que son concierge n'appelle les secours.
Apparemment, la seule chose qu'ils ont découverte est un AAA, même s'il y a peu de chance que cela soit la cause de son mal. Autant le garder ce soir pour voir comment il évolue.

A part ça...

Le 12 janvier 2011 :

Une des patientes thyroïdectomisée est partie, au vu du taux satisfaisant de sa calcémie post-opératoire, remplacée par une patiente quasi-identique. La deuxième patiente de la veille a une calcémie trop basse, mais veut absolument partir. Elle le fera cet après-midi.

Mon patient amputé va bien, malgré l'aspect mal cicatrisé de son moignon. Il ne pourra pas aller en centre de rééducation tant que celui-ci ne sera pas correctement soigné. Il retournera donc dans les jours qui viennent chez lui, avec une infirmière qui passera lui faire un pansement tous les jours.

Le vieux monsieur d'à côté, quant à lui, ne va pas mieux, voire même empire : son urée augmente et son hémoglobine, plaquettes et lymphocytes ne font que baisser. Et son AAA, on ne va clairement pas l'opérer : il est bien trop limite pour subir quoi que ce soit. Il sera envoyé en gériatrie demain.

Et la visite demain. Ah, oui, la visite...

Le 13 janvier 2011 :

Les deux Nicolas étant absents pour cause de séance de dissection dans le cadre de leur enseignement d'anatomie, nous nous répartissons leurs patients. La veille, Nicolas Z m'a confié trois de ses patients. Ses approximations et ses incertitudes lorsque je l'interrogeais auraient dû me mettre la puce à l'oreille. Non, elles me l'ont mises, mais j'ai choisi de passer outre, me fiant à sa promesse que tout était dans les observations. Grossière erreur...

Le premier patient était partie. Maigre consolation.
Devant le Pr. Alr, j'ouvre le livret bleu du deuxième patient. Et là, je vois que les dernières notes sont de Marion, qui avait ce patient une semaine auparavant.
Celles-ci sont logiquement caduques. Plus je m'empêtrais dedans, plus je voyais le professeur faire des efforts de plus en plus importants pour rester zen.

Bon, troisième patient ; l'opération subie est plutôt simple, mais la partie Examen Clinique de l'observation est réduite à sa plus simple expression. Je vois juste écrit : « ventre gonflé ». Je lis donc ce que j'ai sous les yeux, sans trop de conviction. La seconde d'après, j'entre dans la chambre, et je me doute de la monumentale connerie que j'ai prononcée : il avait le nombril qui formait un monticule à lui tout seul. LE SIGNE de la hernie ombilicale.
Comment a t-il pu l'omettre dans son compte-rendu ?

Quand on est arrivé au niveau de mes patients, pas d'erreur, mais j'étais totalement décontenancé.
A la fin de la visite, Edwige m'a pris à part pour me dire que je n' « étais pas assez impliqué », que j'avais un « niveau nettement inférieur aux autres », et m'a comparé en pointillé avec l'externe du trimestre dernier, qui n'a pas validé à cause de ses absences répétées. Ça fait plaisir !

Je ne sais pas comment ça va être demain, mais là, j'ai juste envie de tout envoyer balader.

Le 14 janvier 2011 :

Aujourd'hui, j'arrive en retard au staff. ©
Un nouveau cycle commence. Nous nous répartissons à nouveau les patients, et j'ai la chance de garder les mêmes.

Je me décide à faire une observation récapitulative de mon patient souffrant d'une AOMI. Je me sentais même prêt à lui faire un examen clinique complet, mais je ne le sentais pas très enthousiaste aujourd'hui. J'ai donc préféré lui épargner cela.

Pour ne rien vous cacher, j'étais en mode boudeur au début, mais la matinée avançant, j'ai vite digéré les résidus de rancœur qu'il me restait. La plupart de mes lits étant vides, j'ai suivi Edwige et je me suis échiné à trouver un rendez-vous d'ophtalmo à une de mes nouvelles patientes, révoquée pour une ischémie rétinienne récemment détectée.

Journée zen, quoi. Content de ne pas remplir la dernier page de mon carnet sur une mauvaise note.

Il faudrait que j'en publie les quelques premières annotations, c'est assez cruel pour l'ado que j'étais à l'époque...