Le 20 janvier 2011 :

Après cette semaine, n'ayons pas peur des mots, merdique, autant dire que ma motivation est proche du néant aujourd'hui. [NDL : je commence déjà à appâter le chaland pour mes prochains billets, hm...]
Je prends mon Vélib', je me fraye un chemin dans les bouchons du soir de Paris et j'arrive. Avec une demi-heure de retard...

18h38 : A peine j'entre, plein d'appréhension, et je vois que c'est le bordel. Les lits en attente sont pleins, une altercation a lieu avec une patiente, les bruits des multiples scopes résonnent en cœur dans toute la salle.
Le chef présent est celui de ma dernière garde. Pas de trace de mon coexterne. Je le sens mal, ce soir...

18h43 : Une des chefs présente me prévient que mon coexterne est au bloc de viscéral. Le pauvre... Et me prévient qu'il y aura sans doute une suture du cuir chevelu à faire. J'attends donc.

18h58 : Les externes de D4 présentes toute la journée passée commencent à s'en aller. Elles me racontent la journée de fou qu'elles ont eu, alors qu'il ne neige pas et qu'il n'y a pas de verglas. Il y a des jours comme ça...
Dommage qu'elles ne soient pas restées, elles étaient « sympa ».

19h08 : Tous les « scopés » sont partis, les urgences retrouvent un semblant de calme.

19h40 : Je me suis... absenté quelques minutes. Les urgences sont redevenues totalement sereines. J'arrive pile pour voir la chef avec le patient dont elle me parlait tout à l'heure. Un homme avec des séquelles d'AVC qui a chuté. Une simple éraflure sur le cuir chevelu.
Je l'aide à nettoyer la plaie, elle me remercie chaudement. Ensuite, nous discutons éducation, vu qu'elle cherche un collège pour son fils aîné...

20h00 : Téandra, ma chef en question, s'en va enfin se reposer. Pourquoi les meilleurs partent les premiers ? Et je taille mon crayon avec un scalpel. Passionnant, non ?

20h15 : En transmettant le message d'un patient à un chef, celui-ci me prévient que le bloc de plastique a appelé pour un externe. Bon...
Avant ça, je vais chercher la proche d'une patiente en salle d'attente, puis, je vais dans la chambre de garde. Ils attendront un peu...

20h48 : Bon, j'ai terminé, et à contre cœur, je me décide à aller au bloc. On verra ce qu'il y a à y faire...

20h52 : Je tombe enfin sur mon coexterne du soir, Alexandre. Il vient de quitter le bloc viscéral et s'apprête à aller manger. Quant à moi...

21h00 : J'entre dans le bloc de chirurgie plastique (non sans m'être perdu juste avant), où le chef du soir me salue amicalement, en pressant de vite m'habiller. Après m'être exécuté, il me présente le patient sur la table : un jeune motard qui a fait une mauvaise chute et qui s'est double-fracturé la mâchoire.

La première étape consiste à attacher les arcs dentaires supérieur et inférieur avec deux pièce de métal pour ensuite les lier à l'aide de fil de fer, afin d'immobiliser la mâchoire. Je coupe donc du fil de fer pour le compte de l'interne et du chef.
Etonné de voir des plasticiens faire de la chirurgie maxillo-faciale, je leur demande s'ils font cela souvent. Le chef me répond :

 

« - Ah, mais on fait de tout ici ! Des seins, des lambeaux, de la face, des carotides...

- Des carotides ? Vous en prenez aux vasculaires ?

- Non, haha, on leur laisse ceux qui n'ont pas d'argent ! »

 

D'accord... Sinon, il se montre très compréhensif : il dessine la silhouette et le nom des instruments à même la table pour m'aider à me repérer (et à ne pas faire de bêtise, surtout).

22h00 : N'ayant rien mangé depuis midi, je commence à me sentir un peu faible.
Le chef n'a aucun problème à me laisser sortir souffler un peu, et m'envoie même dans la salle de détente des infirmiers de blocs. Là-bas, ils se sont montré aux petits soins, m'offrant le couvert et même une part de galette. J'ai fait la connaissance d'un infirmier bon ami du Pr. Deg, qu'il connait depuis l'externat.
Il me chantera ses louanges avec une énergie rare. Il l'apprécie vraiment beaucoup...

22h30 : On me rappelle au bloc. L'immobilisation de la mâchoire est faite ; ils s'attaquent donc à la réduction de la fracture articulaire mandibulaire.
Ils font une entaille au niveau de la base de la mandibule puis se frayent un chemin en grattant sous les structures nobles (vaisseaux et nerfs) pour rester au contact de l'os.
Déjà que ce fut long et fastidieux de les voir se battre avec la curette, grattant au fur et à mesure, ce le fut bien plus quand il eut fallu poser une petite plaque pour resynthéser les morceaux d'os.. Le temps de trouver une bonne position de réduction, créer les trous à la perceuse, et trouver des vis à la bonne taille (il en manquait, apparemment). Un temps infini.

Ensuite, il a fallu poser deux plaques au niveau du menton pour recoller les deux morceaux. Je regrette d'avoir été dans l'impossibilité de prendre des photos, parce qu'atteindre l'os mentonnier en ouvrant l'intérieur de la bouche, c'est impressionnant.
Rebelote, perceuse, plaque, vis... Ce serait sans doute allé un poil plus vite si je n'avais pas fait tomber le moteur. Mea culpa...

Ceci fait, le chef est allé se coucher, vu qu'il a une opération le lendemain à 8 heures.
Comme je le craignais, son départ a réveillé les velléités de petit chef de l'interne (« Allez, plus vite ! », « Action, action, action !! », « Allez, concentre-toi ! »). Il s'est employé à recoudre la lèvre qui était fendue au niveau de la commissure et toutes les autres ouvertures faire en peropératoire.

J'ai recousu une plaie au menton qu'il avait et hop, enfin terminé.

02h15 : Je suis si usé et fatigué que je me décide à prendre un repas avec Fanny, l'externe de médecine. On a parlé partiels, et ça nous a rendu encore plus dépressifs qu'on ne l'était déjà.

02h40 : Je retourne dans ma chambre sans demander mon reste, trop crevé.

03h39 : Et je finis d'écrire tout ça. Dodo.
Je remarque qu'une prothèse mammaire traîne sur le lavabo. Pas très agréable à malaxer...

04h30 : Alexandre revient enfin. Il a dû subir une deuxième perforation colique. J'ai vraiment été plus chanceux que lui, pour le coup...

07h45 : Je me réveille dans un spasme et regarde l'heure. Nous pouvons rentrer chez nous !