Le 5 décembre 2010 :

J'ai passé une nuit exécrable. En plus d'avoir eu du mal à m'endormir, j'ai dû m'occuper en urgence de mon petit frère qui a eu un épisode d'énurésie. Autant dire que mon réveil a très vite sonné. Trop même, à en traîner un peu plus au lit, à mon grand désarroi...

08h30 : En arrivant, je croise les externes de samedi. Les pauvres sortent tout juste du bloc de digestif, où une greffe a eu lieu dans la nuit. Le tarif ? 6h de bloc...
Je tombe ensuite sur mon co-externe et ami, Emmanuel. Je lui ai promis une visite guidée, vu que ce dernier a eu auparavant ses gardes à l'Hôpital Saint Camille, à Bry sur Marne. C'est donc sa première à Mondor ! Je lui distille mes conseils de vieux con, comme répondre le moins possible au téléphone. Pourquoi ? Il verra bien...

Emmanuel et moi, c'est un peu le duo bon flic/mauvais flic. Avec sa tête d'enfant de cœur, il ne peut faire que le bon, haha ! :p

09h16 : Les docteurs partent prendre leur petit déjeuner. C'est à ce moment que tous les proches qui étaient dans les alentours nous demandent quand est-ce que machin sortira, quand est-ce que l'interne de spé viendra voir truc, ça fait trop longtemps qu'on attend.
Mais on en sait rien, arrêtez de nous fusiller du regard !

09h27 : Le chef nous a vus dans notre coin de comptoir. Trop tard pour fuir ! Il nous dit d'aller voir deux patients : une chute et une douleur thoracique. Oui, bon, d'accord, sauf que nous ne sommes qu'externes de chir'... On y va, mais il ne faudra pas qu'ils se plaignent de la qualité de nos observations... Heureusement, Anne, notre co-externe de médecine, se propose pour aller voir le cas le plus complexe. Nous allons donc voir la chute.
Une vieille dame qui a eu une faiblesse des jambes en allant aux toilettes et qui s'est fait un méchant bleu sur la hanche. On remplit le dossier, le médecin arrive entre temps.
Prescription d'un scanner.

10h03 : Premier coup de téléphone. Proche qui demande le devenir d'une patiente, mais je suis incapable de donner une réponse.

10h15 : Un médecin ordonne à Emmanuel de prendre le téléphone. Il répond. Comme je l'avais prévu, c'est une dame qui s'enquiert de l'état d'une aïeule hospitalisée.
Le voyant peiner à fournir une réponse satisfaisante, je m'empare de l'ordinateur pour consulter l'historique des entrants. Finalement, je trouve l'info et il peut raccrocher. Malheureusement, l'interne se trouvait par là et engueule le pauvre Manu comme du poisson pourri : il n'a pas demandé l'identité précise de la personne qui l'a téléphoné. Un peu d'indulgence quand même, c'est sa première...

10h30 : L'interne nous agresse encore en nous ordonnant d'aller voir une plaie dans un box. Une fois la tornade à reproches passée, je me dis que c'est une bonne occasion de montrer la prise en charge d'une suture à Mondor à Manu. Nous nous rendons donc dans le box, sans manquer de saluer la patiente. Pas de réponse. Nous réessayons, sans plus de succès.
Et là, je me souviens du motif d'admission lu sur l'ordi : agression. Apparemment, elle semble encore en état de choc. A moins de 50 cm d'elle, elle ouvre finalement les yeux. Je lui explique la raison de ma présence, et lui demande avec quel instrument a-t-elle été blessée. Elle marmonne difficilement, mais je complète tout seul : un coup de poing.
Délicatement, je soulève sa mèche pour voir une bosse grosse comme la moitié d'une balle de tennis, surmontée d'une plaie pas plus large que le chas d'une aiguille.
Je lève les yeux au ciel pour maudire l'interne entre mes dents, mais je me reprends aussitôt : quitte à être là, autant se rendre utile. Je nettoie l'hématome à la Biseptine et pose un stéri-strip, plus décoratif qu'autre chose. Nous la laissons se reposer...

10h42 : Au comptoir, une patiente nous demande un pistolet. Manu et moi nous mettons en quête : sur tout l'étage, aucun de disponible... La vérité est ailleurs...

11h10 : Bon. C'est calme. Zéro suture pour le moment.

11h30 : Un appel du bloc. Hmmmm... En salle 3. De l'ortho ! Ah, j'y cours ! Une fois en tenue, je rencontre William, un des chefs arrivés en novembre et Arnaud, un interne avec qui j'ai déjà eu une garde. Au programme : ostéosynthèse de deux épaules pour des fractures-luxations survenues lors d'une crise comitiale. On ouvre et l'on se rend compte de l'enfer à l'intérieur : la surface articulaire est en morceaux, impossible de faire quoi que ce soit pour les réunifier.
Changement de programme : ce sera une prothèse totale de tête humérale. En tout, 3h d'opération en musique (William est fan de Musiq Soulchild...).
Pour la deuxième épaule, qui ne nécessite qu'un enclouage, pas besoin de ma personne. Je vais manger...

15h15 : Veau et pommes «rissolées»... Sans doute le moins pire repas que j'ai mangé en garde ! Manu me rejoint, et je lui offre un RedBull... L'effet est immédiat !

16h09 : Un officier de police judiciaire m'appelle au sujet de la patiente que j'ai vue à 10h30. Il me pose quelques questions à son propos et me fait transmettre un message à sa destination.

17h00 : Manu se sent pousser des ailes et suit l'interne partout ! Quant à moi...

17h54 : Arnaud descend pour hospitaliser une patiente avec une fracture du col. Il me dit qu'on aura besoin de moi au bloc ; bon prince, je laisse Manu en profiter.

18h00 : Ils s'en vont donc, me laissant au comptoir avec Anne.

19h00 : Un calme inhabituel règne aux urgences. Pas de nouveaux entrants, des médecins qui se précipitent sur chaque patient revenant de l'imagerie tellement ils s'ennuient... Ah, c'est si bon.

19h20 : Bon, à peine écris-je cela qu'on a un blessé pour moi dans un box. Anne, qui s'ennuie, m'accompagne et m'épargne la rédaction de l'observation sur l'ordinateur. J'en profite pour évacuer le trop-plein de plaisanteries douteuses accumulées toute la journée durant.
Plaie de la pulpe du cinquième doigt gauche, traitée avec du fil 4.0. Sans problème !

20h40 : Pendant un long moment, Anne a réclamé notre départ vers la salle de détente pour dîner. Je lui disais d'attendre 21h (vu que je suis un mange-tard). Et juste avant 21h, c'est le déferlement de patients. La loi de Murphy à l'œuvre...
M'en voulant un peu, je l'accompagne voir sa prochaine patiente : une volubile dame de 63 ans, entrée pour un malaise. Elle nous décrit ses diarrhées qu'elle a subi toute la journée, et son traitement contre la bronchite, qui peut avoir des effets secondaires semblables aux symptômes qu'elle décrit. Logiquement, je pense au plus simple... Je lui fais un examen neurologique. A part un pique-touche un peu poussif, je ne détecte rien d'anormal. Je m'apprête à aller le présenter à Cyril, le CCA du soir, lorsque je remarque un patient avec un bandage à la main...

21h40 : Je lui trouve un box, le montre à Cyril qui me donne le feu vert. Plaie à la main de 3cm, droite, nette et simplissime. Je m'en débarrasse très rapidement, sauf que Cyril a disparu pendant une demi-heure. Heureusement qu'il n'y a plus grand monde, parce que je l'ai fait attendre, le pauvre blessé. Et lorsque mon CCA revient, je me rends compte que j'ai oublié le vaccin antitétanique. On part lui administrer en vitesse et au revoir !

22h35 : Une fois libre, je remarque Cyril qui va voir la patiente d'Anne. Chouette, l'occasion d'avoir le fin mot de l'histoire !
Cette fois, le fils est présent et narre une tout autre histoire : en plein repas familial, la mère a effectivement fait un malaise, mais s'est ensuite montré incapable de tenir un verre ou des olives en main. Lors de l'arrivée des pompiers, elle tenait un discours incohérent. Et ça elle s'était bien gardé de nous le dire, vu qu'elle ne s'en souvenait plus...
C'est à ce moment que Cyril de mettre à jour ses techniques secrète de maître urgentiste.
Il lui demande de faire des gestes simples à une main : elle y arrive sans mal. Mais dès qu'il demande des mouvements qui impliquent les deux mains (anneaux imbriqués, colombe...), elle ne parvient plus à se coordonner. Anne et moi sommes époustouflés...
Il lui prescrit un scanner cérébral et au suivant...

23h15 : Patiente qui a chuté en se cognant à un coin de table et qui hurle de douleur à chaque fois qu'elle respire trop fort. Je pense fracture de côte, Anne n'a pas d'idée. Je lui fais un ECG...

23h22 : ...et elle repère une fibrillation auriculaire non détecté ! Joie !
Manu ressort du bloc. Le chien jaune a déjà mangé avec les ortho...

23h56 : Le scanner de la patiente neuro est arrivé sur l'intranet. On repère une calcification bizarre dans le thalamus, mais rien de probant. On appelle l'interne de neuro de garde.

00h26 : Quelques ECG faits à droite à gauche, et j'arrive à temps pour voir l'examen de l'interne de neuro. Pour résumer, elle était incapable de déterminer ce qui se trouvait dans sa main gauche les yeux fermés. On lui avait même mis sa main droite dans sa main gauche : elle était incapable de deviner que c'était la sienne...
Il a même refait le pique-touche au niveau des jambes : elle était incapable de sentir ce qui était sur sa jambe gauche. Je l'avais vu, mais je n'avais pas considéré cela comme important. Je suis dégouté...

01h45 : La radio de ma supposée fracture de côte est arrivée : pincement vertébral sans complication. Ouaouh ! Les cent fautes ! Je me sens efficace ce soir...
Après cela, Manu et moi pouvons aller nous reposer. Quant à la pauvre Anne...

02h00 : Je donne le bon d'admission au fils de la patiente neuro et nous allons enfin manger. Je me prends un RedBull, j'ai trop soif. Les cent fautes...

03h12 : Il s'en est passé des choses... Je viens de terminer d'écrire avant que la fatigue n'efface tout. Au lit ! Ou pas, vu ce que je viens de boire...

07h45 : Ce fou de Manu part à son staff. Perso, je rentre chez moi !