22 novembre 2010 :

Après le petit déjeuner offert par un labo qui vend des anticoagulants, ma dernière semaine en ortho, qui se déroule à l'étage, peut commencer ! Tout ce que je peux dire, c'est qu'elle arrive à point nommé : le bloc commençait franchement à me rendre dépressif (je pense que vous l'aurez remarqué), et parler un peu aux patients me manquait.

La visite est d'abord menée par Alex, le PH. Je m'attendais à un sprint semblable à la dernière fois où j'étais dans le service, mais au final, elle fut assez longue. Pas à cause de problèmes médicaux en tant que tel, vu que la plupart étaient prêts à partir.
Ce qui était en jeu était la sortie : en effet, à chaque fois qu'Alex disait à un patient qu'il allait partir en direction d'un centre de rééducation, la cadre infirmière ou l'assistante sociale infirmaient à la seconde, vu que rien n'avait apparemment été noté à ce propos. D'où la promesse sucrée de futurs casse-têtes quant à la disponibilité des lits dans la semaine...

Le moment le plus marquant a été lorsque que mon chef a annoncé à une patiente qu'elle sortait le lendemain. Elle protesta en disant qu'elle ne pouvait pas faire la cuisine, alors qu'elle a un mari qui, bien que travaillant, est capable de l'aider. Le docteur a dû la sermonner sévèrement pendant plusieurs minutes pour qu'elle arrête de se trouver des excuses.
Ce n'était pas une scène très agréable à suivre, mais j'ai senti que l'inflexibilité dont il a fait preuve me serait nécessaire un jour.

Ensuite, R.zi a pris le relais. Les autres patients étaient là pour une durée nettement plus longue, c'est donc allé plus vite. Jusqu'à un patient, vu par lui et moi. Un homme qui se plaignait de douleurs sur sa jambe enclouée après une fracture. On soupçonne une infection au niveau de son foyer de fracture. Il prescrit donc un examen bactério. Au moment où l'on s'apprête à reprendre notre chemin, le malade paniqué, demande pourquoi nous n'avons pas regardé sa cheville.

R.zi et moi échangeons un regard interloqué.

Il nous explique qu'apparemment, on lui avait dit que celle-ci était fracturée. Je cours donc fouiller le dossier : pas de radio de cheville. Renseignement pris, l'interne n'en avait pas prescrit. R.zi, littéralement ulcéré de cette négligence de ce dernier, peine à contenir sa colère. Le patient, visiblement au bord de la rupture, s'est mis à pleurer. R.zi passera un long moment à tenter de le rassurer.

Deux chambres après, la visite se termine. Il est 11h, je sors discrètement du stage.

23 novembre 2010 :

Après le staff, rien, ou presque. Pas de visite en tout cas. Je traîne sur le comptoir et réponds au téléphone...
Voyant des docteurs au bout du couloir, je me décide à la rejoindre. Ils font de simples visites de contrôle.

Soudain, au détour d'un couloir, un pyjama vert apparaît : un infirmier de réa, venu s'enquérir de l'état de son cousin, arrivé aux urgences tôt ce matin-là pour une plaie de 15 cm au niveau du genou articulaire, ne saignant pas.
Le problème, c'est qu'Ossama, le FFI, l'avait présenté au staff comme une plaie simple, bien qu'ayant prescrit des radios. R.zi, qui vérifie les résultats sur le réseau, s'aperçoit qu'il s'agit en fait d'une fracture comminutive de la patella. Il est, encore une fois, ulcéré et le fait savoir à Ossama : ne jamais présenter au staff un patient dont le diagnostic est incertain. Message reçu...

Après cette leçon énergique, je le suis au négatoscope du couloir, où il prépare la présentation d'une patiente qu'il suit depuis un an.

Mère de famille d'une quarantaine d'années, 1m80 pour 106kg, 9 enfants (!), qui a été opérée d'un genu valgum. L'opération se passe correctement.
Malheureusement, elle chute sur cette même jambe, ce qui provoque une fracture du milieu du fémur. R.zi l'opère donc à nouveau, et met une plaque pour resynthéser l'os. De part ma grande expertise, je vois à la radio qu'il n'aurait pas pu mieux s'y prendre.

Pourtant, 6 mois plus tard...

Débricolage (c'est le terme qu'ils utilisent) de la plaque avec un os qui a visiblement du mal à consolider. Les patients obèses font quasiment toujours des complications post-opératoires. * a eu beau lui recommander un régime pour améliorer ses chances, elle a préféré prendre encore plus de poids...

Une fois les radios prises en photo, il m'offre une canette de Coca dans son bureau. Il en profite pour finaliser sur le net l'achat de son Audi A5, pour lui et sa petite famille. Il ne paiera pas la TVA, vu que la voiture sera livrée en Tunisie.

Il y retournera un jour. Quand ? Il n'a pas de date précise.

Il enchaîne ensuite avec de la lecture studieuse sur ScienceDirect : il a un hallux valgus à opérer aux alentours de midi, et révise donc à base d'articles sur le sujet.
Et histoire de bien enfoncer le clou, il a au moins cinq opérations de prévues demain, dont une pour le compte du chef de service. Sa journée sera longue...

L'opération approchant, je le quitte. Je me suis enfin décidé à aller en consultation, après un trimestre entier !
J'assiste aux consultations du Dr. D. qui consiste en majorité à observer la bonne marche du rétablissement des patients opérés dans le service.

A 12h30, je termine ma demi-journée.

Le 24 novembre 2010 :

Bon, aujourd'hui, c'est visite et puis c'est tout. J'ai d'autres plans pour ma matinée.
La visite est à deux chefs, aujourd'hui : π et C-H mènent la troupe, composée de moi et des externes italiens : Enrico, Giancarlo et Angelo.
Et nous avons eu droit un véritable spectacle de C-H, chanceux que nous sommes !

  • Premier acte : nous atteignons les chambres gérées par une infirmière intérimaire, en service depuis... aujourd'hui. Et bien évidemment, elle n'était pas au courant de tout, si ce n'est grand-chose. C-H lui assène donc une volée de questions bien spécifiques dont elle ne connait pas la réponse, puis la finit en l'accablant de remarques bien acidulées. Elle tente de se défendre en prétextant sa nouveauté, mais ça ne l'arrête pas ! π essaie de calmer le jeu, mais c'est trop tard : elle s'est enfuit en pleurant...
    Π a donc sermonné son cadet, devant nos yeux hallucinés par la scène...
  • Deuxième acte : autre infirmière, cette fois du service, qui a le malheur d'évoquer le chef du service en oubliant son titre de professeur. C-H l'interpellera dans toutes les chambres par son nom de famille pour lui rappeler sa faute...
  • Troisième acte : une autre infirmière, qui se trompe dans le nom du patient. Elle s'excuse : « J'ai louché... ». Il répond : « Oui, et bien louchez sur la bonne case, s'il vous plaît. » d'un ton sec.

Bonne ambiance !

Une fois la visite terminée, on se faufile vers les ascenseurs. Garde aux urgences ce soir...