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Un jeu sorti de nulle part
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Personne n'attendait Ico. Créé par un groupe que l'on appellera ensuite
la Team Ico, ce jeu a en fait été commandé, développé et distribué par
Sony. Très clairement, il semble évident qu'ils ne s'attendaient pas à
un gros succès, le jeu ne correspondant en rien aux attentes de la
plupart des joueurs. Du coup, le jeu est resté plutôt confidentiel et
n'a pas rencontré un grand succès public, du moins pas en termes de
ventes, car le succès d'estime lui a été considérable.

Depuis, une solide renommée s'est bâtie autour de la Team Ico, d'autant
plus que leur second jeu, Shadow of the Colossus, s'est fait davantage
remarquer. D'ailleurs, le (relatif) succès du second jeu a poussé
certains nouveaux joueurs à vouloir découvrir Ico. Le jeu a donc été
réédité récemment et vendu neuf à un prix très attractif.

Sorti en mars 2002 (merde, déjà huit ans !!), Ico est resté un jeu assez confidentiel mais a conquis définitivement une frange de joueurs
ouverts à une façon de penser différemment le jeu vidéo.

 


Ico...un jeu qui vous en apprendra un peu plus sur la nature du silence, des ombres et de la lumière, et des liens que l'on peut tisser avec un être qu'on aime sans même chercher à savoir qui il est. J'ai évidemment choisi de vous montrer la scène de la rencontre avec Yorda, sublime et irréelle.

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Un jeu de plateforme ?
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Si on regarde les choses froidement, Ico n'est pourtant pas un jeu
révolutionnaire. A bien considérer les choses, il s'agit de déjouer les
pièges d'un gigantesque donjon labyrinthique dans un mélange de
réflexion/plateforme qui a déjà été vu, et qui ne constitue en rien une
nouveauté dans le monde du jeu vidéo.
Pourtant, quand on joue à ce jeu, on n'a pas vraiment le sentiment de
jouer à un jeu de plateforme, parce que notre attention est sans cesse
accaparée par d'autres choses, par des découvertes qui ne se situent pas au niveau des mécanismes de jeu, du gameplay, mais plutôt de
l'ambiance, une ambiance incroyable qui n'appartient qu'à ce jeu.

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Une nouvelle forme de poésie
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Le jeu nous met dans la peau d'un jeune garçon nommé Ico. Le scénario,
extrêmement intriguant, gardera ses mystères et se montre plus suggestif qu'explicatif. Les premières images nous montrent des hommes cagoulés à cheval qui emmènent un jeune homme dans un endroit retranché, une sorte de prison/donjon construit au beau milieu d'un vaste lac.

D'emblée, on sent qu'il y a quelque chose d'inhabituel face à ce jeu. On réfléchit, puis on comprend pourquoi on ressent ce presque malaise: il
n'y a pas une parole.
Pas un mot, rien. Que dalle. Nada.
Pas d'explications, pas de longs textes introductifs, on ne sait pas
pourquoi ils sont là. Le silence est pesant et on finit par se rendre
compte que le jeune garçon porte des petites cornes sur la tête, et
c'est bien ce qui explique que les villageois l'isolent et le mettent
dans cette prison.
Une fois enfermé, il ne semble pas décidé à se laisser mourir là, et c'est là qu'on prend le contrôle du personnage.

Premiers constats : le donjon dans lequel on se trouve est énorme,
immense, et il est vide. Il n'y a pas de musique, et nous entendons
uniquement les pas du garçon qui résonnent fortement, ou bien l'écho de
son souffle ou de sa voix. Et puis, presque lointain mais bien présent,
le vent, le vent qui souffle et qui trouve des chemins dans ce vaste
endroit.
Un escalier se trouve là, un escalier en colimaçon qui semble n'en plus
finir tellement il est haut. Poussé par une drôle de nécessite, on se
met à grimper, grimper, grimper encore. Après quelques acrobaties, on se retrouve tout en haut, et là on découvre...une cage.
Dans cette cage, recroquevillée, se trouve une gracieuse silhouette
blanche. La silhouette d'une jeune femme d'un blanc immaculé, dont on ne sait évidemment strictement rien (on finira par savoir qu'elle
s'appelle Yorda). Alors on va la libérer...et c'est une véritable fuite à deux qui va commencer, et qui va vous occuper environ huit heures (oui, le jeu est malheureusement assez court).

Les graphismes sont très particuliers. Ils sont magnifiquement beaux,
ressemblant presque à des toiles de peintre, avec un rendu visuel très
particulier, et un jeu sur les lumières absolument magnifique. Du coup,
on regarde, on s'arrête, on prend le temps de bouger l'angle de la
caméra pour s'imprégner de certains décors, de certaines images, et sans s'en rendre compte, on devient complètement accroc à ce jeu envoûtant,
plein de silences, de lumières, de bruits bizarres et de beauté. C'est
de la poésie vidéoludique, ni plus ni moins.

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Jouer de façon différente
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Le plus marquant dans ce jeu, c'est le lien silencieux qui se crée
progressivement entre le jeune garçon et la jeune fille. Le garçon va
vite se rendre compte que Yorda est menacée lourdement par des ombres,
qui surgissent par moments du sol, qui viennent la prendre et veulent
l'engloutir dans les ténèbres...il faut alors se jeter sur eux, armé
d'un bâton et frapper comme un damné jusqu'à ce que ces ombres
disparaissent en fumée.
Très vite, la survie de Yorda devient une priorité. En maintenant une
touche de la manette, vous l'appelez et elle vient vers vous, vous lui
tenez alors la main, et vous l'aidez. L'air de rien, cette façon de
jouer est carrément révolutionnaire et magnifique car les joueurs de jeu vidéo sont habituellement enfermés dans des mécanismes que l'on
pourrait qualifier d'égoïstes. Le joueur est habituellement entièrement
tourné vers sa propre survie/victoire/progression. Dans Ico, ce n'est
pas vous qui êtes menacé directement, mais votre amie inconnue. Et sa
protection va rapidement devenir une obsession. Je me souviens encore du malaise qui me prenait lorsque pour venir à bout d'un niveau il fallait que je m'éloigne d'elle pour aller déclencher un mécanisme qui nous
permettrait d'avancer. C'est une quasi-panique qui me prenait lorsque je ne la voyais plus à l'écran, et que je savais qu'une ombre pouvait
surgir alors que je me tenais éloigné.

Penser à l'autre avant de penser à soi, trembler pour la sécurité de
quelqu'un qu'on aime sans trop savoir pourquoi et qu'on sait menacer par des forces obscures...tout cela change avec finesse et sensibilité avec tout ce que nous avons l'habitude de voir dans les jeux,et c'est
incontestablement le point fort du jeu, ce qui le transforme en un
étrange chef d'oeuvre inimitable.
Je ne veux évidemment rien révéler pour ceux qui auraient la chance de
ne pas connaitre ce jeu et qui veulent le découvrir, mais il se passe
quelque chose à un moment et là...on ressent...enfin, je ne peux rien
dire !

Vous l'aurez donc compris, il s'agit de réussir à s'enfuir d'un vaste
donjon avec une jeune et mystérieuse personne que l'on a trouvée sur
place. Le jeu a beau être court, c'est une leçon de level-design tant
les niveaux du donjon sont conçus intelligemment. Dès le début du jeu,
on voit des zones qui nous sont totalement inaccessibles, et par
lesquelles on passera bien longtemps après, en se disant: "aaaaaaaaah
mais oui, je me suis trouvé là au début !". L'organisation du donjon,
les énigmes pour progresser, l'agencement des niveaux, tout est maîtrisé à la perfection et on prend un plaisir dingue à progresser dans ce
labyrinthe. C'est un jeu lent, contemplatif, émotionnel.

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L'art de suggérer
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Je l'ai déjà dit, tout dans ce jeu repose sur la suggestion. On suggère
des émotions, du vécu, de la douceur...le joueur se pose mille questions durant son périple, et il n'aura presque aucune réponse. Il y a là un
véritable tour de force car le joueur n'est pourtant pas laissé sur sa
faim. C'est à lui de faire un cheminement intérieur, de ressentir ce jeu et son univers dans ses tripes, et d'imaginer ce qui va autour.
Il s'agit là pour moi d'un principe extrêmement moderne. On n'impose
rien, on laisse penser que. On laisse le joueur s'imprégner doucement de tout ce qui l'entoure et de ce monde qui garde ses mystères.

Pour conclure, je dirais que ce jeu constitue une expérience radicale,
qui fait voir le jeu vidéo différemment, et qui oblige le joueur à
revoir ses certitudes en matière de jeux.
Nous sommes face à un jeu à forte valeur artistique, qui fait appel à la sensibilité et à l'intelligence, qui est doté d'une ambiance totalement unique en son genre et qui repose sur des mécanismes de jeu transcendés par cette relation sublime et protectrice qui se développe entre deux
êtres dont ne sait quasiment rien.
Ico est la meilleure réponse possible à tous ces détracteurs du jeu
vidéo qui ne voient dans ce média qu'un appel à la violence mâtiné
d'images vulgaires et choquantes. Il s'agit là de l'exact opposé.
A se procurer de toute urgence...

Verdict : 10 / 10


Des ombres et de la lumière, bienvenus dans Ico...

L'arrivée à cheval du mystérieux garçon. Il a des cornes, il est différent, il faut l'isoler...

Ne pas la lâcher, jamais...lui tenir la main parce que rien n'est plus important que cela...

Elle parle une langue inconnue, elle est semblable à une ombre blanche. Qui est Yorda ?

Attaquée par une ombre...mais elle ne l'aura pas...oh non, j'y veillerai...

Bon, elle va devoir m'attendre ici, je vais devoir la laisser quelques instants et je déteste cela...