Bonsoir à toutes et à tous !

Bon ça faisait un petit moment que je voulais aborder le sujet avec vous et
le récent post où je vous demandais ce que vous vouliez savoir me l'a
confirmé : oui, vous voulez le savoir !

Alors voici enfin la réponse tant attendue : oui la poule est bien
née avant l'œuf...ou bien...

Nan je rigole (en fait même pas je suis super sérieux face à mon PC, après
m'être enfilé une pizza salami / pepperoni que mon estomac est toujours en
train d'analyser pour voir si la date de péremption n'était pas passée
).

Bref, revenons-en à nos moutons, ou plutôt à nos concepts (huhu) car
aujourd'hui nous allons voir comment la production d'un jeu vidéo se déroule.
Alors avant de commencer, sachez que je base ceci sur mes expériences et mon
savoir personnel et que la façon de développer un jeu que je vais décrire ci-dessous
n'est en aucun cas universelle et qu'il existe autant de façons de faire qu'il
existe de studios de développement (et de personnes utilisant l'expression
«célesto-cosmique »
) sur cette planète.

 

Au commencement...

Oui, j'aime les titres à l'allure biblique, ça donne un petit air sérieux
(ou pas). Donc nous sommes en l'an 20XX (ha ha ! Encore une autre référence
diabolique
) et disons que le studio A souhaite développer le prochain meilleur jeu de
poneys de l'univers.

La toute première étape sera d'avoir une idée. Bah oui, ça semble bête dit
comme ça n'empêche que c'est quand même la toute première étape. Dépendant du
studio ça peut être une idée de génie d'un des employés ou, une idée que le
boss a eu alors qu'il était allongé dans son jacuzzi (oui j'aime les jacuzzi).
Bref, quelqu'un a eu l'idée de faire un jeu de poneys (et ça c'est la classe). Pour l'instant cela ne
va pas plus loin que ça, c'est juste une idée générale. Elle a du potentiel créatif et commercial (je vous remercierai de ne pas troller sur les poneys,
ce sont des créatures comme les autres
).

 

Le noyau dur

Une fois que cette idée de base a intéressé les dirigeants du studio, on
crée ce qu'on appelle couramment dans l'Aveyron : la Core Team. Une sorte de noyau dur, composé
de peu de personnes en général, souvent des Seniors (des gens expérimentés, pas
des personnes âgées, rhalala, suivez un peu ! ;)
).

Ce noyau dur est composé en général des différents corps de métiers que
contient un studio : programmation, art, design, animation, son... Ceci pour
une raison très simple, c'est que lorsque l'on commence un jeu, en
pré-production donc, on étudie la faisabilité du projet à tous les niveaux.
Donc autant avoir un spécialiste de chaque domaine et expérimenté si possible.

Cette Core Team va donc réfléchir à ce qu'elle pourrait développer de cette
idée. En général c'est le moment le plus créatif du développement d'un jeu, car
bien souvent c'est là que l'on joue avec les idées les plus
folles, car les contraintes sont moindres (pas d'éditeurs par exemple). Et ensuite on commence à sélectionner les idées qui semblent coller le plus à l'univers et
à les prototyper.

Le prototypage inclus généralement un designer et un programmeur (parfois aussi
un artiste
) qui vont commencer à créer un niveau test, vide, qui leur servira
de bac à sable pour faire évoluer l'idée, itération après itération...

Personnellement j'adore ce moment car on peut penser à des trucs de
ouf-malade et sortir un peu des sentiers battus. Bien sûr on est tout à fait
conscient que toutes les idées ne finiront pas dans le jeu final mais ça fait
du bien de pouvoir « jouer » avec les idées les plus folles.

 

Publisher 4, la résurrection

Alors attention, faut pas s'imaginer que la pré-production c'est du pur fun
et qu'on vient au boulot juste pour voir un poney partir en ragdoll vers l'infini
(*note cette idée pour un jeu futur*). Non la pré-production est un moment
crucial du développement d'un jeu. Car à la fin de celle-ci le studio doit être
capable de savoir si il va pouvoir le développer pour en faire un vrai jeu. Et
puis aussi durant la pré-production, c'est le moment où l'on cherche un éditeur
pour le jeu. Et cela signifie qu'au milieu de nos niveaux « bacs à
sable » il va falloir en tirer quelque chose de concret, le mettre bout à
bout, dans un niveau cohérent (si possible qui déchire sa maman) pour pouvoir
le vendre à l'éditeur.

Car c'est vraiment cela, il faut le lui vendre. Il y a tellement de jeux et
de studios de développement sur le marché aujourd'hui que l'éditeur va être
vraiment sélectif (et pis aussi parce que ça va leur coûter la blinde de
thunes
). Il faut donc savoir être « sexy » comme l'on dit chez nous.
Alors non, ramener une strip-teaseuse pour faire son show lorsqu'on leur montre
la démo n'est pas le côté « sexy » auquel je pensais (quoique je suis
sûr que ça pourrait marcher
). Mais il faut savoir mettre en avant les
« features », les parties du jeu qui le rendent unique sur le marché.

Ce qu'il faut savoir c'est qu'une fois qu'un éditeur signe, il s'attend à
voir des résultats, et fréquemment si possible. On appelle cela des
« milestones », ce sont en fait des états des lieux de l'avancée du
jeu à des dates précises. Autant dire que généralement lorsque l'on signe avec
un éditeur, la récréation est finie. Pas dans le sens où ça devient chiant de
travailler, mais juste qu'il faudra désormais produire des résultats fréquents,
et de qualité, sous peine de ne plus avoir de financement.

Hum...ok, bon passage un peu sérieux j'en conviens mais il fallait le préciser
car comme dirait notre ami Joker, le pilote du Normandy dans Mass Effect :
« It wasn't all sunshine and bunnies ».

Bon, (et là je souris déjà à l'intérieur de moi-même car si quelques
développeurs lisent ce blog ils savent au combien ce que je m'apprête à écrire
n'est pas souvent suivi à la lettre
) à la fin d'une pré-production
« normalement », un studio est censé avoir tout le projet sur papier
ou en prototype et prêt à partir en production. Cela signifie que lors de la
pré-production on a mis le train sur les rails et que lors de la production on
lance le train à pleine vitesse.

Héhé...Mais bien souvent ce n'est pas le cas, et il arrive fréquemment
d'ajouter des features, même majeures en plein milieu d'une production. C'est
l'un de nos grands « fail » du jeu vidéo, ne jamais vraiment réussir
à se tenir aux objectifs que l'on s'était fixé (qui a dit « report de
jeu ? »... ;)
).

Mais attention, cela n'est pas forcément une
mauvaise chose !

Car si l'on se tenait à ce que l'on a écrit uniquement à la fin de la
pré-production, et bien vous n'auriez par exemple jamais connu la Nanosuit ! En effet
elle fut ajoutée en plein milieu de la production de Crysis 1, pour la plus
grande joie des Level Designers de l'époque, qui ont du ajuster leurs niveaux
aux nouvelles normes (bah oui, quand un joueur peut sauter 2 mètre ou 10 mètres, ça change un
peu la donne !
).

 

Moteur...Action !

Et c'est parti pour la production ! C'est au début de celle-ci que l'on
fait grossir l'équipe d'un coup pour pouvoir finir le jeu dans les temps. Et
c'est durant cette phase de production que l'on voit si la pré-production a
correctement été menée ou pas. Si l'équipe ne sait pas vraiment vers quel but
elle va, et bien ça veut dire que la pré-production a été organisée à l'arrache
(ouech). Et vice-versa.

La production consiste à développer donc tous les objectifs que la Core team s'est fixée en
pré-production. On développe donc les niveaux du jeu, les modèles 3D des
personnages et du décor, la musique du jeu, les animations nécéssaires,
etc...Bref, on fait le jeu à proprement parler.

Je vous parlais précédemment des « milestones », ces checkpoints
pour l'éditeur. Et bien je tiendrai à les replacer ici, car non seulement elles
sont bien présentes durant la production (logique) mais elles sont généralement
également annonciatrices d'heures supplémentaires et de « crunch
time » (celui-là même qui me fait retourner au boulot demain ;)).
Donc niveau travail, c'est un peu par vagues, avec des périodes où les
développeurs rentrent chez eux à heures normales et d'autres où l'on se
souvient difficilement que l'on a eu une vie autrefois...

C'est aussi lors de la production que l'on commence à vraiment communiquer
sur le jeu, à savoir c'est là que vous voyez les trailers, les images, etc...

On commence également à réaliser des « focus tests », où l'on fait
essayer le jeu à des personnes étrangères à la boite mais correspondant au
public cible. Ces tests sont super importants pour les développeurs car non
seulement ils apportent un œil nouveau sur le projet mais également ils
permettent aux créateurs de voir ce qui fonctionne ou pas sur les joueurs.

Pour moi c'est une période un peu moins fun que la pré-production d'un point
de vue créatif mais d'un autre côté c'est une période super quand on commence à
voir le jeu prendre forme et surtout quand on voit le retour des joueurs. Bien
souvent les développeurs se défendent fortement lorsque les joueurs
« attaquent » leur bébé lorsqu'un trailer est mis en ligne mais au
fond c'est bien normal, sachant que ces mêmes personnes ont sacrifié pas mal de
temps pour réaliser ce jeu.

Il n'y a pas beaucoup plus de choses à dire à propos de cette étape car
c'est vraiment la continuité de la pré-production.

 

La sortie, c'est par là

Et arrive enfin le temps des previews et des reviews ou « tests »
comme on dit en France. Alors là d'un point de vue de développeur, c'est là que l'on croise
les doigts. Car le sort du jeu n'est désormais plus entre nos mains, mais entre
celui des journalistes et des joueurs. Et comme nous le savons tous, le
bouche-à-oreille fait énormément dans ce milieu. Donc on espère que les
journalistes vont aimer et surtout que les joueurs aussi !

Je me rappelle du raz-de-marée de bonne reviews faites à Crysis premier du
nom. D'un côté les gars à Crytek étaient super contents et super fiers d'avoir
travaillé sur ce projet mais après quelques jours, leur réaction était plus du
genre : « bon, comment on va surpasser ça ??? ». Donc c'est
assez important le retour que l'on a de l'extérieur, même pour la suite des
évènements ;).

Et enfin, une fois que cette période est passée, c'est uniquement la passion
des joueurs qui le fera vivre, ou pas, au-delà des mois de commercialisation.
Et si on travaille sur un tel jeu, c'est la plus belle récompense du monde.

 

Sur cette belle citation digne d'un Peter Molyneux, je m'en vais sur mon
tapis volant vers le soleil couchant...

 

David Grivel