C'est un petit logo bleu tout sympathique avec un cube en guise d'identification graphique. Gree Corp est une société que j'ai découvert à la Gamescom. Elle présentait une bonne douzaine de jeux mobiles. Les jeux mobiles, on les regarde souvent avec un petit air dédaigneux (nous les gamers), mais souvenez vous de ce nom et de ce logo. Vous allez certainement en entendre parler dans les prochaines années.


Une jeune société

Gree Corp a été créée en décembre 2004 par Yoshikazu Tanaka. La société d'origine japonaise monte en puissance en 2011 et débute une série d'acquisitions. Mais commençons par les débuts de cette entreprise. Au tout début, monsieur Tanaka développe une plateforme sociale sur son temps libre. Il ne s'attend pas à ce que son projet remporte un succès tel qu'il va le connaître. Mais, un mois à peine après qu'il l'ait mis en ligne, 10 000 utilisateurs se sont déjà inscrits. C'est à ce moment que le fondateur décide de créer son entreprise et d'y consacrer tout son temps.

Gree veut sublimer internet pour faciliter les échanges grâce au réseau. Son nom est même tiré de ce concept. Pour le comprendre, il faut nous intéresser à l'un des psychologues les plus importants du 20ème siècle : Stanley Milgram. Ce psychologue social américain est très connu pour l'expérience du même nom (Milgram), concernant la soumission à l'autorité. Mais c'est pour son autre trouvaille que Tanaka a choisi le nom de Gree. Monsieur Milgram a également développé la théorie du petit monde.

Le concept est simple. Il part du postulat que chacun puise être relié à un autre individu par une courte chaine de relations. En l'occurrence, il s'agirait d'une chaine à 6 degrés de séparation. En d'autres termes, cela signifie que deux américains choisis au hasard seraient simplement reliés entre eux par une chaine de six relations. Vous avez peut être entendu parler parfois d'une connaissance d'une connaissance qui connaissait quelqu'un de célèbre. C'est le même principe.

Le nom Gree est tout simplement l'utilisation anglophone des Six De « Gree » of separation. On comprend ainsi mieux la dimension sociale qui est donnée à l'entreprise.

Des jeux sur téléphones mobiles

Dès 2005 Gree se lance sur le marché des jeux sur téléphones mobiles (en tournant le dos au PC). A cette époque, elle est (presque) seule et rafle donc le marché. Sa progression est fulgurante et elle doit rapidement déménager (en 2006) pour suivre le rythme. L'année suivante, un accord est passé avec l'opérateur majeur de télécoms japonnais KDDI et une nouvelle plateforme est lancée ; EZ Gree. Cette nouvelle plateforme utilise un système révolutionnaire (pour l'époque) de localisation des publicités en fonction de la position des utilisateurs. Vous êtes en train d'utiliser la plateforme pour jouer via Gree, et c'est une pub pour le magasin qui se trouve à côté de vous qui est affichée...

En 2007 est lancé un jeu qui reste un OVNI pour la plupart des gamers que nous sommes ; Fishing Star. Le jeu est tout simplement devenu le premier jeu social au monde (selon Gree, je n'ai pas les moyens de vérifier comment se situe Angry Birds par rapport à ce dernier par exemple). Si c'est un OVNI, c'est parce que c'est un jeu de pêche...

En 2008, Gree entre en bourse. En 2009, elle est reconnu comme l'entreprise japonaise ayant connu la plus forte croissance. A cette date, cela fera en effet trois ans qu'elle aura été première dans cette catégorie. 2010 sera une année charnière. Gree se place en interface entre les développeurs et les joueurs et propose son application sociale sur les smartphones. C'est le début de l'internationalisation de la firme. Elle s'implante partout dans le monde et compte aujourd'hui onze bureaux répartis sur les cinq continents. Les accords se multiplient avec les développeurs et les éditeurs qui veulent voir leurs jeux arriver sur téléphones portables et en particulier sur les smartphones. Les jeux n'ont désormais plus de cibles nationales, mais mondiales. Depuis quelques années, on trouve des stands sur les plus grands salons pour se faire connaître aussi bien de la population des gamers, que des professionnels à travers le monde.

Aujourd'hui, la plateforme Gree représente 200 millions d'utilisateurs rassemblées autour de 7500 jeux.

Ce que propose Gree

A parcourir les pages de recrutement de Gree, on sent clairement qu'une certaine philosophie déjà existante dans la Silicon Valley s'est exportée. Le design, les tons de couleurs, ainsi que la nature des services proposés, font assez rapidement penser à une firme qui croque des pommes.

Mais en dehors de proposer un réseau unifié de distribution, que propose exactement Gree ?

Tout d'abord, Gree est aussi un développeur. Aujourd'hui, ce sont 17 jeux qui ont été entièrement conçus par la firme nippone. Ensuite, Gree, c'est aussi une plateforme mise à disposition des développeurs tiers afin qu'ils puissent profiter d'un système d'applications sociales facilement intégrables à leurs projets. En outre, il existe également des applications qui permettent de rendre facilement compatibles des développements sur les deux grands OS du moment ; Par exemple, si vous décidez de travailler avec le kit de développement de Gree sur iOS, votre jeu pourra être recompilé pour fonctionner directement sous Androïd et tous les téléphones en étant équipés. Ainsi il sera utilisable sur l'écrasante majorité des smartphones du moment.

Gree propose également tout un système de gestion de publicités ciblées grâce à une gigantesque base de données. Soit en passant par sa propre agence du publicité, soit en offrant tout simplement ses services à d'autres agences. Souvent, dans les jeux Gree, il existe des carottes pour pousser l'utilisateur à essayer d'autres jeux ou applications. Par exemple, lorsqu'un élément intéressant d'un jeu peut être acheté pour avancer plus vite, ou avoir des unités plus puissantes, Gree offre des unités gratuites à ceux qui téléchargent d'autres jeux ou apps. Comme le cheptel de jeux Gree est de plus en plus important, il y a une certaine synergie avec tous ces systèmes. L'utilisateur est invité à découvrir d'autres jeux gratuits en étant récompensé et l'annonceur est content d'attirer plus de monde.

Gree est également devenue une société d'investissement. En sélectionnant des projets étudiés, elle soutient les développements qui ont un intérêt pour toutes les activités qui tournent autour de son business. Cela peut être du domaine du graphisme (UltiZen Games), du développement (Mobicle Co) ou encore de la publicité (istyle). Vous allez voir avec le chapitre suivant que Gree est une société qui a de quoi investir...

Les finances de Gree

Certes, la bourse ne fait pas tout, mais une rapide analyse (je ne suis pas économiste, loin de là) va nous permettre de mieux cerner où se trouve Gree dans le paysage ludique par rapport à quelques repères connus.

Tous les chiffres utilisés ici sont issus des données du Financial Times recoupées avec celles de Boursorama. Les conversions ont été effectuées à l'aide du convertisseur XE.com. Nous allons simplement nous focaliser sur le chiffre d'affaire et les bénéfices nets de quelques entreprises. Tout d'abord Gree qui nous intéresse aujourd'hui. Chiffre d'affaire 1,6 milliard d'euros, bénéfices nets 486 millions. Commençons doucement avec Ubisoft qui propose un CA d'un milliard pour des bénéfices de 37 millions. On constate rapidement que le ratio bénéfices / CA (la marge nette en langage bancaire) est très nettement en faveur de la société japonaise.

Allons maintenant visiter deux poids lourds de l'industrie. Electronic Arts et Activision Blizzard. EA affiche des bénéfices nets s'élevant à 60 millions d'euros pour un CA de 3,2 milliards. Activison est encore un peu plus haut en CA puisque la firme culmine à 3,7 milliards d'euros pour 84 millions de bénéfices. A noter que les chiffres d'Activision sont ceux de 2011, son exercice fiscal se clôturant en fin d'année (décembre). Vous l'aurez compris, en plus de connaître une croissante énorme, Gree engrange des bénéfices monstrueux avec une marge nette colossale. Les bénéfices de Gree sont presque six fois plus importants que le plus gros éditeur de jeux vidéo traditionnel.

Si on veut effectuer une comparaison avec un acteur semblable à savoir Zynga qui propose des jeux « sociaux » plutôt sur PC au départ (avec Facebook en support principal), on trouve un CA de 911 millions d'euros pour des bénéfices nets de 323 millions. De plus, ce chiffres sont ceux de l'année 2011 avant que Zynga ne se trouve dans la passe actuelle, c'est à dire une baisse drastique de bénéfices (son année fiscale se termine en décembre comme pour Activision).

Je pense ici avoir suscité quelque intérêt de votre part. Reste à voir ce qui nous concerne réellement, c'est à dire les jeu que Gree développe, édite ou soutient. C'est ce que je ferai après en avoir essayé la majeure partie dans le second volet de ce dossier (les jeux de Gree).