Blog Game Over

 

Ce billet est la retranscription de celui paru sur le blog Game Over que j'anime sur Rue89. Vous pouvez le consulter dans son contexte original ici. j'en profite pour remercier RaHaN qui s'est prêté au jeu des questions (avant la publication de l'édito explicatif sur gameblog). Il a provoqué quelques réactions dans les commentaires, ce que je considère comme positif ;-).

L'affaire débute par une banale erreur d'Amazon. Jeudi dernier, le site de vente en ligne ouvre les précommandes pour le prochain titre phare d'Activision  : « Call of Duty Black Ops 2 ». Le problème, c'est que le plus gros éditeur mondial de jeu vidéo (Activision) n'a encore rien communiqué sur le sujet. Mais les sites spécialisés ont déjà repris l'info, le mal est fait.

Activision contacte rapidement les sites concernés par téléphone et courriel en leur demandant de retirer l'information au plus vite. La plupart s'exécutent mais pas Gameblog. Les conséquences ne se font pas attendre pour la rédaction parisienne. Désormais, ils ne seront plus invités aux événements de l'éditeur, ne recevront plus les jeux et ne bénéficieront plus des achats publicitaires de la firme française (Activision appartient au groupe Vivendi depuis 2007).

Un changement d'attitude qui aurait eu de sérieuses répercussions sur l'avenir du site comme Gregory Szriftgiser (alias RaHaN), rédacteur en chef de Gameblog le confirmait :

« Les conséquences sont graves pour Gameblog. L'annulation des campagnes réservées par Activision cette année sur le site représente un manque à gagner conséquent pour notre société, qui peut remettre en cause notre équilibre financier. En outre, nous ne serons pas invités aux événements presse des autres titres de cet éditeur (le premier en date étant une présentation à laquelle nous étions invités la semaine prochaine). Ils n'enverront plus les versions des jeux à la rédaction pour que nous puissions les chroniquer, nous devrons donc les acheter à leur sortie, et seront par conséquent en retard sur les autres sites. »

Cette affaire en rappelle une autre. Celle de la mise à l'écart de Gamekult par Sony début 2010. A l'époque, la critique mitigée d'un gros titre (Heavy Rain) mis en avant par Sony avait provoqué la rupture des relations avec cet autre site dédié aux jeux vidéos. Interrogé à ce propos, RaHaN répondait également :

« C'est la première fois que nous sommes blacklistés. On ne peut pas dire que la pratique soit courante, même si des précédents existent, bien entendu. Le cas de Gamekult est différent du nôtre, car à notre connaissance, Sony n'avait pas demandé à ce qu'un contenu soit retiré. Il s'agissait d'un différend d'une autre nature. Il y a eu d'autres exemples, notamment aux Etats-Unis, Kotaku a été blacklisté par Sony quelques temps également, et en avait informé ses lecteurs (aujourd'hui les choses sont rentrées dans l'ordre). Il y a également eu une polémique avec Eidos USA à l'époque de la sortie de Kane & Lynch : des pressions ont abouti au licenciement du journaliste de Gamespot à cause de sa note. »

Amazon avait bien ouvert les précommandes pour le jeu (Capture d'écran Gameblog)

Ce type d'évènement pose bien entendu la question de la liberté de la presse et de son indépendance. D'autant plus que le doute aurait pu s'installer vis à vis de confrères qui avaient rapidement modifié leur fil d'info en conséquence. Les critiques sur les jeux seraient elles soumises aux mêmes pressions  ?

« Les pressions de ce type sont relativement rares, mais existent. Il arrive souvent que des éditeurs ou des organismes de relations presse formulent des demandes, mais devant notre refus, ils s'en tenaient là jusqu'à présent. »

Dans la mesure où ce genre d'affaire jettait un doute sur l'intégrité et la neutralité des critiques portées sur les jeux testés, on peuvait se demander pourquoi ce secteur spécifique de la presse n'avait pas encore réagi. Une réponse commune à ces pressions pourrait-elle être envisagée  ?

« Non seulement nous pensons effectivement que c'est possible, mais plusieurs journalistes, de médias spécialisés ou généralistes, y compris nous-mêmes, discutons en ce moment même de la mise en place d'un Syndicat des journalistes de jeu vidéo à cet effet. »


« Nous pensons qu'il s'agit d'un malentendu »

Certains pourraient considérer que maintenir cette information relevait de l'entêtement. Dans la mesure où elle s'était répandue comme une trainée de poudre sur la Toile, il était de toute manière trop tard et Gameblog avait déjà accompli son travail d'information.

Il semble ce cette décision ait été prise par la filiale française d'Activision. En effet, le site Kotaku (anglophone) ayant interrogé leur contact à propos de cette affaire s'est vu répondre qu'Activision de blacklistait pas les journalistes :

« Nous pensons qu'ils s'agit d'un malentendu et nous travaillons à trouver une solution. »

Une information qui s'est confirmée mardi, puisqu'à midi, Gameblog informait ses lecteurs que ses relations avec Activision s'étaient à nouveau normalisées.