Ado, j'étais friand des magazines de jeux vidéos. Tilt, Joystick et ensuite Joypad. Je n'ai jamais trop apprécié Player One. Je trouvais le ton trop enfantin et les critiques sans sévérité (bref, je n'étais pas dans la cible). Comme beaucoup de mes amis, je rêvais de pouvoir devenir "testeur" comme on disait à l'époque. On ne parlait certainement pas de journalisme et encore moins de presse spécialisée. Si vous avez lu ma petite présentation, vous savez que j'ai eu la chance de pouvoir toucher un peu ce rêve.

Excitation de toucher les dernières consoles et les tout derniers jeux encore en phase de développement. Pour les cartouches de jeu, il y a avait encore des circuits imprimés (EPROM) sans enveloppe à insérer dans les machines. Des trucs incroyables !

Mais il s'est passé une chose à laquelle je ne m'attendais pas. Et cela reste vrai pour les quelques critiques rémunérées que j'ai à faire aujourd'hui. Le plaisir de jeu peut s'estomper, voir disparaître complètement lorsqu'on est dans le contexte d'une critique. Plusieurs raisons à cela.

Une montagne de boulot

D'abord, il y a la quantité de choses à faire. La charge de travail en gros. Entre les news à rédiger, les enregistrements de voix off, la rédaction des commentaires (qui sont minutés et doivent donc être formatés presque à la seconde), la coordination au montage (le monteur n'était pas joueur et il fallait lui faire comprendre à quelle image correspondait un commentaire particulier), et l'enregistrement des phases de jeu, il n'y a plus beaucoup de temps pour jouer de façon sereine. Et quand on "joue", on essaie d'optimiser au maximum. Du coup, la moindre vie perdue génère un stress supplémentaire. C'est autant de temps perdu qui se répercute sur toutes les autres contraintes du planning.

Alors non, c'est un fait, les critiques de jeux vidéo ne terminent pas tous les jeux auxquels ils jouent. Alors qu'en tant que joueur, je mettais (et je le fais toujours pour les dont je fais l'acquisition personnelle) un point d'honneur à toujours les terminer. S'il est possible de se faire une bonne idée de la qualité d'un jeu d'action ou d'une simulation en quelques heures, un jeu d'aventure par contre nécessite un investissement important pour découvrir les rouages du scénario. Imaginez qu'il faille tester dans la même semaine un Fable 3, un World of Warcarft et un Dragon Quest 9... Evidement cela dépend des affinités de chacun dans une équipe et de la taille de cette dernière. Mais comme souvent on est pressenti pour s'occuper d'un genre (X aime les simulations, Y les jeux d'aventure...), il peut y avoir des périodes très chaudes à négocier.

On ne joue pas, on travaille

La manière de jouer est également totalement différente. Au lieu d'avancer dans un jeu et de faire des choix qui auraient reflété la personnalité du joueur et ses choix, il faut essayer de se mettre à la place de ceux qui vont payer le jeu et de leurs différentes manières de jouer. D'où une certaine dichotomie ; Il faut représenter les joueurs et donc être dans l'esprit joueur, mais aussi avoir le recul nécessaire et une relative neutralité pour viser l'objectivité. On sait bien que c'est peine perdue dans la mesure ou il faut toujours prendre en compte l'affect, mais c'est en tout cas un centre de cible à viser.

Prenons l'exemple de Fable 3. Il y a tellement de choses à faire dans ce jeu, tellement de scénarios possibles, qu'il faut impérativement gérer plusieurs sauvegardes pour essayer plusieurs possibilités et vérifier si les arguments avancés sont valables et réels. Au lieu de vivre une aventure personnelle, on joue en essayant de trouver des incohérences ou au contraire des cheminements logiques. Dans un jeu de simulation automobile, on va essayer de prendre les virages sur le rail pour voir si ce n'est pas plus rapide que de le passer normalement. Bref, l'œil et l'éclairage changent dans la position d'un critique. Un peu comme quand un professionnel du cinéma (ou un passionné averti) regarde un film. Il ne peut s'empêcher d'analyser la photographie, les choix de cadrages et les transitions entre les scènes. Quitte à rater un tantinet l'immersion dans l'histoire.

Pour mieux jouer, tout arrêter

 

Il y a même eu des périodes ou c'en était échoeurant. Les choses à faire pour hier, une news à cracher en 5 minutes, un papier à sortir absolument alors que matériellement, il est quasi impossible d'avoir ce qu'il faut pour en parler de façon exhaustive. Est ce que ce n'est qu'une question de charge de travail par personne ? Une perte de passion en route ? Je n'en sais rien. Toujours est-il que j'ai retrouvé le gout et le plaisir de jouer après une difficile (et imposée) abstinence. Parce que mine de rien on se rend compte vraiment de ce que l'on avait, que lorsqu'on l'a perdu. Attention, je ne regrette absolument rien et je suis heureux du chemin parcouru.

En tout cas, j'espère que les gars de GameBlog s'éclatent (ils en ont l'air) et qu'ils auront toujours le temps de faire les choses correctement. Bravo pour le boulot abattu, merci et bon courage !