Joyeux squidersaire !

Et oui, Splatoon a déjà 1 an. Le patrimoine génétique des parents voulait logiquement que la future progéniture de Nintendo ait encore une casquette et une moustache pour réinventer le genre du TPS multi-joueurs en ligne. Mais Nintendo, toujours trop frileux et peu confiant, préfère lui donner une identité loin des standards familiaux, l’habiller différemment de ses frères aînés … au cas où on ne l’aimerait pas, que l’on rejetterait, et qu'il finisse moqué de tous par son impopularité liée à un genre peu commun avec ses aïeuls.

Pensé, adapté et développé pour une Wii U qui peine en juin 2014 aux côtés d’une PS4 et Xbox One pleines de tant de promesses et que les gens s’arrachent, Splatoon fait figure d’OVNI à l’E3. Rares sont les professionnels qui voient en lui le futur jeu star de la marque qui va squatter le TOP10 des charts pendant près de 6 mois après sa sortie. On ne peut pas trop les blâmer non plus, car Nintendo est dans le même état d’esprit avec sa nouvelle licence. Pourtant les petits sites spécialisés « BigN » et autres blogs sans envergure qui ont pu mettre la main dessus y voient tout de suite le potentiel du soft.

Après deux timides Bêta de quelques heures seulement, le jeu sort avec un contenu volontairement pauvre. Pour ne pas effrayer ses fanboys peu enclins à jouer avec ce type de gameplay sur sa console de salon, Nintendo veut que l’on apprivoise tranquillement son nouveau bébé, que le joueur grandisse avec. Tout le contenu final est déjà sur le disque (un peu comme les DLC Capcom mais en gratuit !) mais sera distillé au compte-gouttes au fil des semaines suivantes. C’est un procédé assez étrange qui surprend au départ mais la mécanique se met en route tranquillement pour qui y adhère.

Le bouche à oreille fonctionne, la communauté grandit rapidement au point de détrôner l’enfant chéri de la famille, la star MK8, malgré son DLC2 sorti juste avant Splatoon !!!

Jetez l’encre, on reste au port RJ45 !

Autrefois fœtus peu mis en avant parce que Nintendo le pensait fragile, aujourd’hui on a un beau bébé joufflu d’un an ! Pourtant sa santé est fragile à cause d’une tare familiale honteuse, enfin mise au grand jour et à la vue de tous à cause du genre même de Splatoon : le ONLINE.

Dernier constructeur à proposer des parties online sans supplément pécuniaire, Nintendo voit sa communauté gronder et réagir sur les forums, miiverse ou twitter. Les joueurs sont devenus exigeants, ils veulent jouer tous ensemble sur un pied d’égalité technique.

Depuis la sortie de MK8, comme les joueurs ne peuvent interagir directement entre eux vocalement, on voit poindre sur Internet par ci, par-là, des réflexions sur des problèmes de jeu en ligne. Vu le secret autour de la technique employée par Nintendo, on met ses problèmes sur le dos d’un joueur et de sa connexion en mousse. Pour pallier ces désagréments, on privilégie le Mode Régional même s’il n’y a pas moins de joueurs à certaines heures.

A l’arrivée de SSMB WiiU, on a encore pointé du doigt la connexion de merde de l’adversaire, faute d’explication valable et encore moins de mode régional… A l’image d’un pansement sur une jambe de bois, on a optimisé nos box en ouvrant nos ports, notre NAT, remplacer le WiFi par un câble réseau mais rien y fait, le problème perdure … probablement un souci de netcode alors ? Mais quoi de plus intransigeant qu’un TPS multi online pour confronter sa connexion internet au reste du monde ? Splatoon sera le juge … et le bourreau !

Devenus populaires, les boîtiers de capture vidéo vont rapidement dévoiler aux yeux de tous, les carences de Nintendo sur ses jeux online. Youtube déborde alors de vidéos (tagguées splatoon et lag) témoignant de l’inconfort de jeu à travers le monde. Qu’on soit européen ou américain, le coupable est rapidement désigné : c’est le joueur japonais !!! Sans pouvoir l’expliquer, on constate, lors de duel, que le joueur nippon est privilégié. Un tir suffit pour vous « one shot », alors qu’avec une arme identique, vider votre réservoir n’a aucun effet sur lui ! Ils sont aussi bizarrement plus rapides, et vous pouvez avoir jusqu'à une à deux secondes de retard sur le rythme de jeu (peinture qui ne s’affiche pas, etc).

Quand Nintendo nous prend pour des poires !

Le jeu en ligne est très récent chez Nintendo et le constructeur/éditeur n’est vraiment pas spécialisé dans ce domaine, au contraire d’autres éditeurs qui développent sur PC depuis longtemps. De plus la location de serveurs est assez coûteuse.

Traditionnellement gratuit sur PC (car financé par l’achat du jeu), Microsoft, puis Sony, ont décidé de le faire payer aux utilisateurs de leurs consoles par un judicieux système d’abonnement (ou membership si vous êtes dans une salle de sport à Hong-Kong). Au fil du temps et à force de surenchère, le service s’est agrémenté entre autres d’un genre de Game On Demand. Il est évident que Nintendo ne peut rivaliser avec les deux géants. Il choisit de conserver la gratuité mais ce choix a forcément des répercutions pour les joueurs. Donc voulant contrôler au mieux ces coûts, Nintendo décide de passer par un système de « Peer To Peer » (pair à pair) plutôt que le système Serveur dédié/client plus conventionnel mais surtout plus performant pour le jeu en ligne.

Pour les plus novices des lecteurs, je vais expliquer le plus simplement possible la différence entre les deux systèmes, merci aux lecteurs aguerris de ne pas me tenir rigueur de cette vulgarisation technique.

Le système serveur/client permet à la partie d’être hébergée par le serveur. Tous les joueurs d’une même partie sont connectés à un serveur unique. Le serveur contrôle la partie et reçoit en permanence les données des joueurs (clients), se met à jour et renvoie immédiatement à chaque joueur les nouvelles données, c’est le tickrate. Tout ça se fait très vite, c’est de l’ordre de quelques millisecondes. Bien sûr, cela dépend surtout du type de connexion de chaque joueur et de la distance avec ce serveur, on appelle ça le ping (comparable au temps de réponse d’un écran). Dans le domaine des jeux de tirs qui demande d’avoir des réflexes de ninja, ce ping est très important. Plus il est bas, plus vite vous aurez les toutes dernières données du serveur. Suivant l’exigence du jeu de tir et le tickrate du serveur, le seuil de tolérance de ping peut se situer à 100 ou 150 millisecondes maximum. Un joueur qui a un ping supérieur envoie des données en retard au serveur. Faute de données ponctuelles, le serveur spécule alors en envoyant des données hypothétiques voire contradictoires avec les données réelles du joueur « muet ». Les autres joueurs qui subissent le « lag » de ce joueur le voient alors disparaître et réapparaître de manière aléatoire. Pour éviter ce genre de désagrément, les serveurs « kick » les joueurs ayant un ping trop élevé. Les éditeurs font en sorte d’avoir des serveurs répartis équitablement sur tous les continents pour que tous les joueurs aient un ping convenable. Le coût de ces serveurs dépend de sa puissance technique (processeur et RAM à l’instar d’un PC) et du trafic généré (transfert de données).

Le système de « Peer To Peer » (P2P) choisit par Nintendo est surtout connu du grand public pour l’échange de données au travers de eDonkey ou Kazaa et plus récemment BitTorrent, mais montre le côté « cheap » d’un système qui n’est surtout pas fait pour un échange ultra réactif de données. Nintendo dispose tout de même de serveurs « maisons » qui permet aux joueurs de se retrouver sur des « hubs » (salons d’accueil) avant de jouer ensemble. Le serveur fait un petit test de connexion chez chaque joueur. Celui dont la connexion est la meilleure (basé sur le débit descendant, montant et le ping) hébergera la partie. La partie ne sera pas hébergée sur les serveurs Nintendo ! C’est-à-dire que ce client (le joueur avec la meilleure connexion) deviendra le « serveur » le temps de la partie, tous les autres joueurs seront connectés à lui pour envoyer et recevoir des données. Si le joueur qui héberge la partie (« hoster ») habite à deux pâtés de maison, il y a des chances que votre ping soit très bas. Par contre si l’hoster est de l’autre côté du globe, votre ping peut dépasser la seconde !!!

Et oui, car la particularité du P2P est qu’il n’y a pas de limitation locale (pour rappel, c’est la fiabilité dans l’échange des données entre clients qui est important dans ce système, pas la rapidité), donc des joueurs du monde entier peuvent se rencontrer. Avant Splatoon, aucun joueur n’avait affronté des joueurs des autres continents sur un jeu de tir. En voilà une belle première mondiale …

Pourtant y’a pas 56 cas …

Pour des jeux comme Animal Crossing, le système du P2P est idéal car il ne demande pas un rafraîchissement élevé des données de chaque joueur présent.

Avec Mario kart 8, on a pu constater les limites du système. Et encore là, les échanges de données se limitent aux positions des joueurs et des items balancés en vrac sur la piste. Certes, il y a désormais 12 joueurs qui peuvent voler un peu partout sur la piste mais tout de même ! Nintendo, conscient d’un problème potentiel sur une des plus populaires licences multi-joueurs online, avait prévu le truc en ajoutant un Mode Régional. Cela permet de limiter les joueurs sur un seul continent, donc de réduire localement le ping.

Que dire à propos de Super Smash Bros Wii U, pourtant il n’y a que 4 joueurs dans une arène en 2D mais le lag pourrit le jeu là où il faut placer des coups et des contres au « frame » près … et puis quand votre adversaire « pop » un peu partout, c’est juste un régal !

La palme revient quand même à Splatoon. Au-delà du simple concept de TPS online où le principe est de « fraguer » le gars d’en face, ici, il faut étaler sa peinture un peu partout. Vu la topographie des cartes, toute cette peinture, (deux couleurs étalées abondamment pendant 5 minutes parfois) doit générer un flux de données trop important pour la connexion d’un particulier (aussi bonne soit elle).

Technologiquement, les japonais bénéficient de réseaux fibrés THD (Trés Haut Débit) qui peinent à arriver sous nos latitudes. Ils sont majoritairement « hosters » des parties et sont donc ainsi avantagés en bénéficiant de précieuses secondes dans les duels par rapport aux américains et européens. Faites un simple test de connexion (speedtest.net par exemple) entre un serveur près de chez vous et un autre au japon, vous constaterez que votre ping peut être 10 fois supérieur au pays du soleil levant …

Certainement conscient du problème, Nintendo a inventé le mode régional temporaire !!! Environ toutes les 3 semaines, un tournoi « splatfest » a lieu dans une région du monde (PAL Eur, NTSC US ou NTSC Jap). Cet évènement monopolise le jeu pendant 24 heures (en gros, on ne peut jouer qu’au mode principal du jeu). Le seul avantage de cette journée est qu’il est généralement régional et que vous souffrirez un peu moins du lag. Pendant le splafest japonais, vous avez de grandes chances d’améliorer votre ratio frag/death avec des parties hébergées plus près de chez vous… seulement quelques heures de bonheur dans ce monde de brutes.

Il reste encore une parade à cette latence en ligne, les parties privées. Pour peu que vos amis n’habitent pas tous dans les DOM TOM, il y a de grandes chances qu’ils soient de la métropole et possèdent une box avec une connexion correcte. Dans ce mode, pas besoin non plus d’être 8 absolument, on peut même choisir les cartes et les modes de jeu que l’on souhaite sans contrainte horaire voulue par Nintendo et son système unique de « maps » imposées... La fluidité du jeu n'en est alors que meilleure. C’est évidemment ce système qui est privilégié à l’occasion de différents tournois organisés par le site Splatoon.fr. Seul inconvénient, on ne peut pas gagner de points permettant d’upgrader ses équipements !

Vous l’avez compris : le système de P2P n’est pas adapté aux jeux vidéo qui demandent précision et rapidité. Encore à ce jour, je ne comprends toujours pas pourquoi Nintendo s’évertue à ne pas proposer de mode régional dans tous ses jeux onlines à l’instar de MK8.

A défaut de profiter actuellement d’un online convenable, on croise nos petits doigts pour qu’enfin Nintendo propose un online moderne avec sa future NX. En espérant que les journalistes spécialisés posent les vraies questions sur ce sujet pourtant très préoccupant, car la vitesse du proc ou la quantité de Ram, on s’en tape quand on joue à un vrai bon jeu original !