Toujours les mêmes jeux chez Nintendo !

 

J’avais cet article en tête depuis assez longtemps maintenant –depuis la fin du dernier E3, pour tout dire- mais diverses responsabilités du monde réel (comment ça, il a déjà huit mois mon gamin ? Hein ? Tu veux dire que c’est mon deuxième ???!!! Houlà, faut qu’on arrête le sexe, chérie…) m’ont contraint à devoir le retarder un peu, mais finalement je m’y colle quand même, parce que bon, à un moment, il faut comprendre que c’est pas parce qu’on est en train de fermer sa gueule, qu’on a rien à dire…

Je vais donc tenter de revenir sur ce qui se cache réellement derrière l’annonce de Splatoon lors du dernier E3, non pas en terme de qualité ludique du produit ; mais les enjeux qu’il véhicule et pourquoi il m’a semblé être « l’annonce » (plus que Zelda) de ce Digital Event.

Nintendo ne fait pas de nouvelles IP !

Cette phrase, vérité établie des forums Internet de jeu vidéo (ouais, parce qu’ils en parlent pas trop sur le blog des Maternelles, hein…) qui se retrouve en diverses variantes, du type : « C’est toujours les mêmes jeux » ou « Bah, à part les Mario et Zelda » est certainement celle qui cristallise le plus la stigmatisation née de la sacro-sainte « guerre des consoles » ayant atteint son apogée durant l’ère de la Wii, et, bien entendu, est également une des plus grosses idées reçues du microcosme des jeux vidéo.

Déjà, il est totalement faux de croire que Nintendo n’a pas sorti de nouvelles licences durant l’ère de la Wii. Du moins, déclamer qu’il y eut plus d’expérimentations lors des premières années du GameCube (entre Animal Crossing, Pikmin, Luigi’s Mansion et autres) que sur toute la durée de son successeur démontre à quel point il est temps de se libérer des ½illères et des paradigmes pré-établis qui semblent définir ce que le jeu vidéo devrait être.

La raison de ce ressenti  naît en réalité d’une dichotomie entre les différents publics visés par l’une ou l’autre des consoles. Une des premières causes est que Nintendo n’a pas créé de nouveaux jeux pensés pour son public historique de joueurs (hormis quelques uns, comme Donkey Kong) et ceux-ci, de manière pour le moins fermée et conservatrice, ont relégué les WiiFit, WiiMusic et autres WiiSport aux rangs de « sous-jeux », oubliant par ce fait ce qu’ils étaient en réalité, c’est-à-dire de nouveaux jeux, nouvelles licences, nouvelles expérimentations, bref, de nouvelles IP, sans Mario, Zelda ou autre VRP virtuel de la marque, mais en imposant de nouveaux personnages assez inédits : Nous-mêmes ; ou plutôt nos alter ego virtuels, les Mii.

Ce sentiment a été également exacerbé par une autre attitude, totalement en contradiction avec celle énoncée plus haut, qui a pointé du doigt la disparition sur ce support de licences moins populaires en volumes de vente mais extrêmement appréciées par les fans que ce soit pour leurs qualités intrinsèques que pour l’image de marque qu’elles véhiculent, comme, par exemple, F-Zero (toute tentative de corruption d’un certain BaNDiNi en choisissant cet exemple ne serait, évidemment, que pure coïncidence…).

Bref, d’un côté : « Abandon de vielles licences » et de l’autre « Absence de nouvelles licences », à un moment, il faudrait quand même savoir ce qu’on veut… Ah, oui… J’oubliais… c’est vrai : Des nouvelles IP.

Calamar of Duty : Color Ops

Ce petit préambule pour en arriver doucement à notre réflexion : Quels enjeux se cachent réellement derrière l’annonce de Splatoon, jeu présenté en dernier lors du Digital Event pendant plus de six minutes ? Il a été l’événement au centre de l’événement. De là à dire qu’il fût « L’Annonce », il n’y a qu’un pas, que je franchis allègrement. Pourquoi lui plutôt que Zelda, qui a pourtant réussi à faire couler des litres de bave sur de nombreux claviers d’ordinateurs ? Parce que, simplement, des titres comme Zelda, Xenoblade, ou Mario sont attendus lors de l’E3… Mais cet inconnu de Splatoon, qui de prime abord pourrait paraître comme un « petit jeu », signe en réalité une grosse inversion de tendance chez BigN. Explications, Martine.

Loin de l’odeur du calamar avarié, Splatoon transpire l’ère 16-bit dans toute sa splendeur. Grâce à son atmosphère de Jouet-vidéo dégueulant ses couleurs saturées, il nous balance en pleine face la future promesse de joutes aussi débridées que passionnantes n’ayant d’égal que cette dose de fun et d’amusement que le jeu vidéo devrait être, et savait être à cette époque.

En outre, ce projet semble avoir les reins solides en terme de soutien, puisque il naît (et je sais toute la peine que je vais te faire, mon POV’ Olff…) au détriment d’un éventuel NintendoLand 2. Car il s’agit en effet de la même équipe, celle également derrière WiiSport, WiiFit et Animal crossing (EAD 2). Alors, vous commencez à percevoir où je veux en venir ? Laisser une jeune équipe aux commandes de ce projet, après qu’elle ait brillé (quoique l’on pense subjectivement des jeux précités) sur le devant de la scène « casual gaming » montre que, dorénavant, Nintendo n’hésite pas à confier le renouveau de sa stratégie destinée aux joueurs à ses nouveaux talents ; loin de l’image vieillissante d’un Miyamoto en fin de carrière qu’on lui prête à tort.

Ce futur titre n’est rien de plus ni de moins que la réponse de BigN à l’ensemble des attentes et du besoin de reconnaissance que la fan base de la marque n’a de cesse de demander. Qui, sérieusement, ne s’est pas dit, à la vue des premiers instants de la vidéo : « Mais, qu’est-ce que c’est, ce truc ??? » ; tandis que, petit à petit, insidieusement à chaque seconde supplémentaire se dessinait sur son faciès un petit rictus… Si... Vous savez… Celui qui vous soulève la commissure des lèvres et laisse un large sourire sur votre visage désormais trop peu habitué à voir de la couleur dans des jeux vidéo modernes, à fortiori lorsqu’il s’agit de jeux de tir….

Voilà enfin du Nintendo pur jus ! 100% frais, 100% vitaminé, 100% coloré, 100 % fun, 100% décalé ; 200 % Jeu vidéo ! Après, que le titre nous intéresse ou pas, qu’il soit un genre auquel on souhaite jouer ou pas est une autre question, uniquement personnelle et basée sur nos propres goûts ; mais indéniablement, la promesse de « quelque chose » existe. Et, surtout, ce « quelque chose » nous est adressé, à nous, joueurs, et pas à un public de casual gamer.

 

Alors, Qu’est ce qui se dessine à l’encre de seiche ?

Laissons les fruits de mer à leur querelle multicolore pour reprendre le concept même de « nouvelle IP ». Deux écoles de pensée émergent en général ; d’un côté, ceux qui veulent de nouveaux personnages à chaque génération de console, indépendamment du type de jeu ; et de l’autre ceux qui vénèrent la règle du : « Un genre : Une licence ». J’en termine avec Splatoon, en remarquant qu’ici, Nintendo comble les deux attentes d’un coup : D’une, en créant un jeu de tir multijoueur qui manquait au catalogue de la firme, et de deux, en nous laissant incarner des céphalopodes mutants, plutôt que nos Mii (ou Mario).

Au niveau de la conception même de ces « nouvelles IP », le processus créatif des équipes de Nintendo fait montre d’un grand talent, non seulement parce que les qualités de prise en main, l’intérêt ou le degré de finition ne sont jamais mis en défaut, mais surtout parce qu’il fait preuve de bien plus d’intelligence et de subtilité que de créer des itérations répétitives d’un même genre. En terme d’image, il serait même très risqué de proposer uniquement de nouveaux personnages sur des structures ludiques pré-établies. Et, de toute façon, c’est aller à l’encontre de tout ce qui caractérise l’esprit de la marque.

Non, en réalité, Nintendo cherche exactement l’inverse : en faisant abstraction du lien qui peut exister entre Propriété Intellectuelle et genre, le processus de création s’attache à veiller à ce que ce soit la structure ludique elle-même qui se lie, justement, à la Propriété Intellectuelle. La différence vous semble minime ? Bien au contraire. C’est elle qui permet la co-existence de genres semblables sur une même machine. Mario Kart et F-Zero ; Mario Bros et Donkey Kong, appartiennent à des catégories similaires, mais leur différenciation ne naît pas simplement de leurs univers propres. F-Zero n’est pas le pendant futuriste de Mario Kart, au même titre que Donkey Kong n’est pas une version simiesque de Mario, c’est la structure du jeu elle-même, et non sa direction artistique qui créée la distinction entre eux : bien qu’il s’agisse de Plateformers 2D, l’interprétation du level design d’un Donkey Kong est aux antipodes de celles d’un Mario.

Ce qu’implique cette approche singulière, c’est qu’elle ne définit pas une « nouvelle IP » uniquement en terme de licence, et, de fait, ce qui fait une des grandes forces de Nintendo devient également une grosse faiblesse. Les différences entre un New Mario en 2d, un 3D World linéaire, et un (hypothétique) Super Mario 64-2 exploration sont peut-être évidentes en terme de système ludique, elles en deviennent éminemment subtiles et complexes à expliquer en termes markétiques, surtout lorsque l’une des cibles principales est le grand public.

C’est ce rôle d’ambassadeur qui incombe cette fois à Splatoon, et c’est un choix stratégique risqué, mais extrêmement pertinent et encourageant. Il incarne à lui seul un renouvellement non seulement sur la forme (licence, personnages, IP) mais également sur le fond. En s’appropriant les codes d’un genre populaire (le shooter multijoueur) pour y intégrer des mécaniques plus subtiles et stratégiques (le taux de remplissage de peinture, plutôt que le nombre de headshots) sans toutefois renier l’héritage d’une accessibilité immédiate ni verser dans la surenchère inutile d’hémoglobine, il donne une vision claire d’une certaine philosophie du jeu vidéo.

Et apparemment, si l’on en croit le nombre de dessins, fan-arts et autres pastiches qui ont émergé sur l’Internet suite à son annonce, c’est indéniablement déjà une réussite. Le succès d’estime est d’ores et déjà assuré, reste à savoir maintenant si le succès commercial sera, lui, au rendez-vous. Car derrière ces quatre calamars qui se jettent des pots de peinture à la figure se joue la question suivante : Assiste-t-on à un simple coup d’essai ou la définition d’une nouvelle orientation dans la politique de Nintendo ?

ReBus.