J'avoue, je me suis trompé. Pourtant, ça partait d'une vraie rancoeur contre Capcom, un éditeur qui part sincèrement dans une direction où il s'éloigne de plus en plus du jeu japonais, et dont j'ai suffisamment parlé ici et. Resident Evil 6 m'avait clairement refroidi avec ses deux démos, avec son game design douteux, ses problèmes de caméras et des situations vraiment très étranges. Je m'étais promis de ne pas l'acheter à moins de quinze euros. Les précédentes soldes du Xbox Live ont fini par me convaincre, ainsi que certains avis, beaucoup plus positif que la moyenne générale. Ayant malgré tout passé de bons moments sur le cinquième épisode, je me lançais dessus.

Première surprise, une MAJ arrange les problèmes de caméra et on a la possibiltié d'éloigner celle-ci du personnage afin d'avoir une meilleure visibilité. Ça règle déja 50 % des problèmes que j'avais eu sur la démo. J'enchaîne donc les quatre campagnes, en commençant par celle de Léon et en terminant par celle d'Ada. Une fois fini le jeu (en alternant parfois en Amateur, je ne voulais pas me prendre la tête, et le jeu étant parfois radin avec les munitions), j'ai compris que je m'étais trompé. Je m'excuse donc solennellement de l'avis expéditif opéré ici, basé sur des démos qui représentent bien mal un jeu incroyablement généreux et franchement plaisant. J'irais même jusqu'à dire qu'il est meilleur que le 5, sur de nombreux points. En tout cas, je cesserais de me faire un avis définitif sur une démo que je n'ai pas aimé et qui cache un bon jeu (l'inverse est aussi le cas).

Premier bon point: la coopération. Je n'ai pas fait tout le jeu en coop, mais une chose est sûre, c'est peut-être le jeu en coopération à deux le plus grisant que j'ai pu voir. Les jeux en coop ont cette manie de ne jamais vouloir pénaliser l'un ou l'autre joueur, en le confrontant à une meilleure situation que son voisin, au risque de le décevoir (ce qui est stupide, mais les lois du marketing sont impénétrables). On se retrouve souvent avec des jeux où les personnages ont les mêmes compétences, les même situations, et que la coopération se résume à se couvrir l'un ou l'autre, ou à changer de position pour aider son partenaire, mais avec un personnage strictement identique à l'autre, dans ses capacités, dans sa personnalité. Resident Evil 6 a eu l'intelligence, pour chacune de ses campagnes (excepté peut-être la bonus, celle d'Ada) de créer un background et un cheminement propre à chacun des personnages. Certes, on effectuera les mêmes actions assez souvent, mais chacun des personnages bénéficie de ses propres mouvements, de son inventaire, de ses capacités et surtout de ses situations. Jake est plus agile et se bat plus au corps à corps, tandis que Cherry est plus légère, et se sert plus souvent de ses armes à feu. 

Le jeu a la bonne idée de créer une histoire qui fait intervenir constamment les deux personnages, qui vivent donc leur propre histoire. Chacun a ses motivations, chacun vivra son aventure, et il est presque plaisant de refaire l'aventure avec l'autre personnage afin de voir les différences. Je ne compte pas non plus les passages où vous devrez compter sur l'autre, en étant souvent séparé et obligé d'être seul tout en aidant son pote. Une véritable coopération avec des personnages uniques, bien plus que dans le 5 où Sheila servait principalement à ouvrir des portes, même si on sentait déja les prémices. Evidemment, on aura quelques séquences en véhicules où l'un devra tirer tandis que l'autre conduira en évitant les obstacles. Une complicité évidente entre les deux joueurs et un vrai plaisir qui proposera de jolies surprises pour certains passages, notamment la fin de la campagne de Chris et Piers.

Evidemment, il faut adhérer à l'histoire très Z du jeu, avec plein de bons sentiments et de gros rebondissements, mais elle a l'avantage d'avancer facilement, de se suivre aisément, et se permet même d'avoir une structure assez cohérente entre tous les scénarios. On prend du plaisir à guetter les scènes et à scruter les intersections entres les scénarios, et une fois la campagne d'Ada en main, on a toutes les clés pour prévoir les situations du jeu en repensant aux autres campagnes et aux moments où elle interagit. Cela permet même d'expliquer certaines séquences certes prévisibles, mais qui témoignent d'un schéma plutôt soigné. Toutes les séquences des campagnes ne sont pas excellentes (celles de Chris en Ethonie ne sont pas franchement géniales), mais je reconnais que plus l'histoire avançait, plus les passages étaient chouettes et les situations sympathiques. Plus encore, le jeu bénéficie d'une variété des situations assez exemplaires, qui me rappellent beaucoup plus un RE4 qu'un RE5 à bien des égards: passages dans des mines, monastères étrangemment gothiques, montagnes en plein blizzard, ruelles chinoises. Le jeu multiplie les décors et les situations épiques, et se permet même de ne pas être vilain, loin de là, grâce à des jolies ambiances et une multitudes de détails un peu partout. L'épicness couplé à des WTF constants font que le rythme baissera très rarement, et si on accepte le fait que ce Resident Evil 6 devient un vrai jeu d'action dans l'univers de Resident Evil, on prend son pied, tout simplement.

Et c'est aussi grâce à sa jouabilité revue (tir en mouvement, youpi!) que cet épisode est supérieur au précédent. Moins statique, plus fluide, plus agréable, cet épisode pose un système de plongeon qui devient vraiment jouissif une fois qu'on arrive à s'y faire. D'une touche de direction et de saut pendant qu'on vise, le personnage peut plonger dans toutes les directions et continuer à tirer à terre tout en pouvant bouger. On évite les attaques simplement tout en continuant à attaquer et à rester très mobile. Ce n'est pas complètement parfait, mais on commence à prendre du plaisir avec une jouabilité qui est enfin compatible avec le grand tournant de la saga: une vraie mobilité dans des situations qui ne sont pas toujours là pour faire stresser le joueur. Il reste encore à mettre plus de patate dans les armes et à offrir au joueur une souplesse amélioré pour le corps à corps qui est sympathique mais pas toujours transcendant. Le cover n'est pas non plus très intuitif et est vraiment la faiblesse du gameplay de cet épisode, et qu'on utilisera finalement assez peu. Le jeu vous demande en plus de souvent viser précisemment, surtout sur les monstres qui mutent très souvent. Mutations fort bien représentés d'ailleurs dans le jeu, mention spéciale à certains boss, excellent dans leurs transformations.

Des QTE en pagaille, un survival qui se transforme vraiment en TPS, des zombies armés de toute parts. Resident Evil 6 est-il devenu un tripe A vulgaire, qui a succombé aux sriènes des grosses productions? Non, surtout pas. Parce que là où des Call of Duty, Ghost Recon et autre Battlefield mettent en avant un sérieux implacable, Resident Evil 6 verse dans le nanard grandiloquent, le scénario sans retenue qui ne va jamais dans la demi-mesure, quitte à rendre les boss increvables pour les faire affronter trois ou quatre fois histoire de rendre la situation encore plus épique que la précédente. Il assume tout de bout en bout, en piochant dans sa mythologie conséquente et en créant un véritable déluge de n'importe quoi, de plaisirs coupables comme lorsqu'on regarde un film d'action en criant haut et fort que c'est mauvais et mal joué mais en souriant intérieurement parce qu'il a ce petit truc débile qui vous a plu.

Resident Evil 6 vaut ce qu'il vaut, mais il est excellent, parce que ce sont des japonais qui veulent ressembler aux américains, et qui est symbolique de la situation de Capcom. Dans un excès de folie, Capcom a jeté tous ses moyens pour faire de ce sixième épisode un jeu marquant, un jeu qui parle à l'Occident mais avec la pointe de folie et de WTF des japonais. Une innocence qui rend le jeu justement si jouissif, parce qu'on a cette impression de faire tout dans la bonne direction alors que c'est l'inverse, et que c'est justement cette attitude, cette volonté d'en mettre plein les yeux qui rend le jeu si attachant, si attrayant. Resident Evil 6 est une ode à ces plaisirs coupables bien fichus, cette compilation de scènes d'actions qu'on a toujours voulu vivre, cette générosité qui pourrait devenir écoeurante s'il n'avait pas aussi bien varié toutes les campagnes, et c'est une ode à l'aventure à deux, avec un partenaire qui prend le même plaisir que vous mais qui vivra sa propre aventure, à vos côtés. Le jeu n'est pas sans défaut, mais il délivre de l'action sans limite, enfantine, parfois débile, sans être vulgaire, et il le fait bien. Et surtout, sans se prendre la tête en tentant d'afficher un semblant d'intelligence dans le scénario, en se concentrant sur une structure très efficace et en n'oubliant jamais ce qu'il est, un jeu avant tout.