S'il y a bien un jeu que j'attendais en cette fin d'année, ce n'est pas Dishonored ou Assassin's Creed 3 mais bien le nouvel opus de l'agent 47. Blood Money figure parmi mes jeux préférés, de ceux qui ornent mon top de leur classe et leur game design sans faille. Blood Money était la quintessence de la saga, avec une dizaine de missions parfaitement calibrés, et bénéficiant d'un level design extraordinaire. Absolution a pour but de redonner ses lettres de noblesse à la saga tout en tentant d'attirer les nouveaux joueurs en essayant de les amadouer avec les features du moment. Jeu dangereux.

Depuis les tout premiers trailers de gameplay et les preview ici et là, je m'étais déja fait à l'idée: cet Absolution ne serait pas un Blood Money 2. Et autant être clair dès le début, après avoir terminé le jeu en difficile (je voulais du challenge dès le début), cet Hitman Absolution N'EST PAS un Blood Money 2. Ceux qui s'attendent à avoir des cartes aussi complexes, grandes et touffues du dernier épisode seront probablement déçues. Pour ma part, j'attendais le jeu pour voir comment la saga a évolué en six ans, comment IO a tenté de garder l'essence de la série tout en la modernisant et en apportant des choses qui pourrait le rendre différent ou même meilleur.

Hitman Absolution est plus proche d'un jeu d'infiltration que ses prédécesseurs qui lorgnaient plus vers le puzzle game. Blood Money demandait au joueur d'observer tout le niveau, le cycle de ses cibles, ce qu'elles font et par quels moyens disponibles on pourrait faire passer son meurtre pour un accident. Et surtout, Blood Money demandait aussi d'anticiper la réaction des cibles face à certaines actions ce qui donnait l'avantage à 47 pour les avoir. Beaucoup de cibles étaient liés entre elle, notamment dans la mission de l'opéra Dernier Acte, où les deux cibles réagissaient l'une en fonction de l'autre. Ou encore la fantastique mission Château de Cartes, où le cycle n'en était plus un et il fallait prévoir toute la progression de chaque cible pour mettre son plan à exécution. Une méthodologie méticuleuse, géniale, avec une liberté d'action excellente (le jeu ne reprenait jamais la main du début à la fin de la mission, le contrôle de 47 était total).

Dans Absolution, les missions d'assassinat sont beaucoup plus classiques. On en a de deux types: soit la cible n'est pas au courant que vous êtes dans les parages et fonctionne sur un cycle classique, soit la cible vous traque et vous devez vous en occuper avant qu'elle vous repère. Le premier cas est le plus proche de Blood Money, notamment la mission du Roi du Chinatown, qui nous a été présenté dans les premières vidéos. Impressionnante par la densité des badauds présents sur place, la mission vous proposera un assassinat très classique, beaucoup moins subtile que dans Blood Money. Le cycle du Roi étant toujours le même, il suffira d'observer ses différents arrêts et d'agir en conséquence. Un système déja présent dans les autres, même dans Blood Money où certains cycles de cibles étaient aussi classiques, mais le problème c'est que dans Absolution chaque cible est indépendante et ne changera pas son cycle à moins d'être repéré.

Ce qui fait qu'au lieu d'avoir des missions plus subtiles, le jeu vous demandera de suivre chaque cible indépendamment au lieu de construire une vraie progression dans le scénario du niveau comme la mission du mariage dans Blood Money. C'est bien dommage, mais bien heureusement, cela reste toujours très plaisant à faire, d'autant que les méthodes sont quand même assez nombreuses (au moins 3 ou 4 de spécifiques pour chaque cible). Mais ces missions présentent probablement le plus gros défaut du jeu: le système de checkpoints. Blood Money proposait de sauvegarder où on voulait, Absolution vous offre des points de contrôle à des endroits précis, à activer quand vous voulez. Sauf que le gros souci de ce système, c'est que le checkpoint ne sauvegarde que votre position et votre inventaire, costume compris. Tout le reste du niveau est mis en reset, y compris les ennemis assomés ou tués. Encore plus gênant, les éléments préparés. J'en veux pour preuve cette mission où je décide de trafiquer la gazinière et de tirer dedans au moment où ma cible passe à côté. J'active un point de contrôle après le trafiquage, je meurs, je respawn et au moment où je tire, rien n'explose parce que le checkpoint n'a pas restaurer le fait que j'ai trafiqué le gaz. Frustrant et complètement aberrant, dans un jeu qui vous demande de concevoir un plan en manipulant le décor. Un défaut vraiment impardonnable, même si ça ne m'a gêné qu'une fois.

Au-delà de ça, IO a aussi modifié son système de costume. Si 47 peut toujours se déguiser comme il veut, le système de détection est maintenant plus délicat. La règle du jeu est simple: lorsque vous vous déguisez dans le même costume qu'un policier par exemple, ce policier émettra des doutes représenté par une flèche qui grandit si vous restez dans sa ligne de vue et qui disparaît une fois caché. Si la flèche est au maximum, le policier vous suivra et vous demandera de vous retourner. Au bout d'un moment, il vous repèrera et vous pourrez faire semblant de vous rendre afin de le maîtriser automatiquement une fois à portée et de l'asommer discrètement si personne n'a vu la scène. Le jeu part maintenant du principe qu'un individu du même costume que vous connaît toute l'équipe présente sur le niveau et vous repèrera potentiellement. Par contre, déguisez-vous en plombier et les policiers vous laisseront tranquille (mais pas les plombiers). Un système qui paraît logique sur le papier (surtout par rapport à Blood Money où on pouvait se balader aisément avec le bon costume). Sauf qu'en pratique, surtout en difficile, les ennemis sont très nombreux et vous repèrent trop vite et surtout de très loin. Quelqu'un qui est à l'autre bout de la pièce mais qui regarde dans votre direction vous repèrera. Vous pouvez vous cacher à des endroits précis en faisant semblant de faire une action (spécifique au costume), mais ces endroits sont assez peu nombreux.

Du coup, on passe beaucoup de temps à se cacher, même quand on est déguisé. Le déguisement ne servira au final qu'à gagner quelques secondes avant de vous faire repérer au lieu d'être grillé tout de suite. Le système est sans pitié et vous demandera d'accepter le fait qu'un individu connaît absolument tout le monde dans son entourage, sauf le cuistot indépendant du coin parce qu'il est tout seul, même s'il y est depuis quinze ans. Ça fait partie des règles du jeu, et sans ça, le jeu serait inévitablement trop facile, mais j'aurais aimé plus de subtilité et de marge de manoeuvre, car on se retrouve le plus souvent à se planquer derrière des caisses. Et la plupart des niveaux en zone public sera plus gérable en costume de 47 qu'en garde car ceux-ci vous soupçonneront. Ce qui fait que beaucoup de niveaux d'assassinat suivent un schéma classique avec principalement trois types de costumes: un costume militaire, un costume civil et un costume unique qui vous permettra de vous balader partout. Si vous comptez faire les missions le plus discrètement possible, le costume unique est souvent la solution la plus évidente, quand l'infiltration classique sera beaucoup plus compliqué. En testant quelques niveaux en normal, j'ai remarqué que le jeu était beaucoup plus permissif, et qu'il est presque moins frustrant et mieux de jouer en Normal au final, les niveaux de difficultés supérieurs se contentent d'augmenter la vitesse de repérage et le nombre des ennemis.

Au-delà de ces missions d'assassinat plus ouverts mais moins grands que dans Blood Money, on trouve plusieurs niveaux de pure infiltration où l'objectif étant souvent de sortir du niveau sans se faire repérer. Beaucoup plus linéaire même si les chemins sont multiples, j'ai était surpris de prendre du plaisir malgré tout parce que le jeu fonctionne toujours très bien. On se retrouve à du Splinter Cell Conviction, où on joue avec l'ennemi en attirant son attention ou en utilisant les éléments du décor pour les éliminer. D'ailleurs, c'est une des meilleures nouvelles features du jeu: la plupart des objets potentiellements dangeureux sont utilisables - du buste en marbre au tournevis en passant par la clé anglaise, le club de golf ou la bouteille. Les plus tranchantes peuvent être utilisés à distance pour tuer et les autres servent au corps à corps en les tuant immédiatement. On s'en servira souvent pour faire diversion, technique essentielle si on veut passer discrètement.

Ces missions linéaires trouvent par contre leur limite dans certains niveaux, notamment la fuite de Hope vers la fin du jeu, où vous devrez échapper à des ennemis. On en compte une bonne trentaine par niveaux (chaque missions étant divisés en plusieurs niveaux), et il est impossible de passer en force, 47 étant faible en difficile. Je me suis rendu compte alors en explorant un peu le niveau que le level design offre un passage presque tout tracé où on peut passer aisément les gardes sans tuer personne et sans se faire repérer, en basculant d'abri en abri sans problème. Une liberté finalement très limité, car le jeu vous intime très fortement de passer par là vu que les autres manières sont suicidaires. Un peu dommage, car le challenge devient pratiquement nulle (même pas besoin de faire diversion).

Un petit mot sur le fameux instinct, qui vous permet plusieurs choses: repérer l'ennemi et les éléments interactifs facilement, ainsi que leur ronde, pouvoir se dissimuler si l'ennemi avec un déguisement identique comment à vous soupçonner ou réaliser un assassinat multiples comme dans Red Dead en mettant le jeu en pause. J'ai essayé de ne pas me servir de la vision, mais la dissimulation est obligatoire en difficile. Le tir réflexe sauve aussi la vie. La jauge d'instinct se faire en remplissant certaines actions comme se cacher. Le système de scoring est présent directement à l'écran et vous récapitule toutes les actions faites dans la mission. C'est plutôt bien pensé car on sait en temps réel si on parviendra au rang d'assassin silencieux ou non, et les nombreux défis présent dans les niveaux permettent d'y retourner avec plaisir.

En sus, le jeu se permet d'avoir une plastique irréprochable. Entre les rues sombres de Chicago, les boîtes de strip-teases et autres, le jeu est très varié et propose des ambiance excellentes, des jeux de lumières bien fichus (parfois trop) et la gestion de la foule ne fait que renforcer l'aspect technique. Plus encore, j'adore les petits saynètes des jeux et les discussions des personnages dans les niveaux, qui vous apporteront souvent des indices en les écoutant mais aussi permettent de mettre de la vie dans les niveaux. C'est assez rare de le souligner, mais en arrivant dans les niveaux et en voyant les personnages s'affairer de toute part, on a l'impression de débarquer à un moment quelconque de leur vie et pas à un moment précis. On a pas l'impression que tous les petits évènements du quotidien arrive comme ça, et qu'avant d'arriver dans leur niveau, tous les personnages font leurs petites affaires. Un ressenti qui permet d'effacer le syndrome du jeu où chaque PNJ réagit en fonction de votre présence et qu'on imagine pas avoir une vie lorsque vous ressortirez du niveau.

Cet Absolution a le mérite aux joueurs de proposer une variété de situations et de possibilités. Là où les autres épisodes forçaient presque le joueur à la jouer discret (une alerte faisait venir tous les gardes, ou presque), ici le joueur a les outils pour s'en sortir en utilisant la force, car les améliorations de gameplay le permettent. Une gaffe dans une pièce relativement fermée et gérable en réagissant vite sans que les autres ennemis de la carte s'en rendent compte. Cet épisode possède cet atout: en réduisant un peu trop le côté puzzle game de Blood Money sans pour autant ôter son importance, le jeu reste de qualité lorsque ça tourne mal et l'IA des gardes est suffisamment riche pour pouvoir s'en tirer si on réagir rapidement. Même si ça peut faire peur aux aficionados (dont je fais partie) qui ne jure que par classe et discrétion, j'ai trouvé cet apport muscle plutôt réussi dans le sens où il ne dénote pas avec le reste - 47 n'est pas invincible, même s'il peut planquer un sniper dans sa veste, un détail un peu fâcheux quand même.

Hitman Absolution est difficile à juger. Alors qu'IO change profondemment le système de jeu en enlevant différentes features (grimper dans les ascenseurs, cacher des objets pour passer les fouilles, qui ont disparu ...) qui participait au plaisir du précédent opus, le studio tente de moderniser en rendant le jeu plus spectaculaire, plus narratif (histoire sympathique au passage, avec des personnages assez hauts en couleur, il est vrai), plus accessible mais ironiquement plus punitif lorsque les fans de la série tentent de jouer en difficile. Le jeu apporte beaucoup de qualités tout en apportant de nouveaux défauts, et certains sont impardonnables (les checkpoints). J'ai pris mon pied à finir le jeu, même si je n'ai pas retrouvé le même plaisir que Blood Money. Il est certainement en-dessous, mais Hitman Absolution est loin d'être un mauvais jeu. Plus dans le plaisir immédiat, moins de puzzle-game, la réflexion y est présente à plus petite échelle. On prévoit beaucoup moins de chose, mais on réagit plus à l'instinct, les phases de shooting étant beaucoup plus flexibles qu'avant et permettent de réagir très vite si la situation tourne mal.

Absolution apporte un souffle cinématographique à la série, en le modernisant, mais sans enlever du challenge. Le jeu devient vraiment difficile en difficile, mais est tout à fait gérable. Il ne privilégie jamais l'action, et même si beaucoup de joueurs ont perdu patience, chaque niveau est faisable en infiltration, même si certaines situations donnent l'opportunité d'y aller franco. Le jeu reste largement plus ouvert que la moyenne, et je ne saurais que conseiller le jeu aux amateurs de jeux d'infiltration autre que Splinter Cell, parce qu'il vaut le coup. Au final, il faut accepter le fait qu'Hitman Absolution devienne un mélange d'infiltration pure et d'assassinat. Ça serait dommage d'être déçu de ne pas avoir la complexité d'un Blood Money, car Absolution propose un jeu néamoins excellent, plus condensés, plus immédiat, moins prise de tête tout en étant assez malin. Il lui manque un peu de subtilité par moment, et plus de complexité dans les vraies missions d'assassinat, qui restent néamoins excellentes. Cependant, ceux qui attendaient un Blood Money 2 devraient passer leur chemin.