A l'heure où la communauté des blogs de Gameblog se livrent à un débat animé sur la véritable nature du jeu vidéo et son "casualite aigüe", moi, de mon côté je me suis fini tranquillou Heavy Rain, qui est un peu pris entre deux feux, un jeu sans en être un, une expérience tourné vers le grand public tout en faisant du pied aux hardcore gamers...

Heavy Rain est un "jeu" qui a fait couler beaucoup d'encre lors de sa sortie. Certains l'ont adoré, d'autres l'ont détesté. Pour ma part, c'était un jeu à faire obligatoirement. Une expérience. Ayant fortement apprécié le précédent jeu de Quantic, Fahrenheit, malgré bon nombre de défauts et une ambition qui descend en chute libre. Et du coup, je considère clairement Fahrenheit comme une espèce de prototype d'Heavy Rain. Fahrenheit proposait un choix et des conséquences sur l'histoire similaire à Heavy Rain, principalement au début lors du premier meurtre que l'on commet avec le premier personnage de la façon qu'on veut, puis en dirigeant la femme flic par la suite. Le reste du jeu est sympa mais pas à la hauteur du début. Heavy Rain, c'est beaucoup mieux construit.

Les deux jeux partagent aussi d'autres similitudes: le héros accusé à tort, l'omniprésence d'un phénomène climatique (la neige dans l'un, la pluie dans l'autre), une utilisation de la caméra similaire et une approche musicale forte. Seulement, Heavy Rain peut se targuer de ne pas partir dans le fantastique pur et reste dans une approche plus terre-à-terre, avec au centre le fameux tueur aux origamis. L'identité de ce personnage joue évidemment sur le twist final, même si on sent le truc venir au fur et à mesure. Malgré tout, le jeu bénéficie d'une histoire vraiment accrocheuse, que l'on peut façonner soi-même.

S'il est évident que bon nombre de cheminements ramène toujours vers la piste principale, mis à part la fin, on reste quand même happé par cette histoire et les multiples choix qui s'offrent à vous. La principale qualité du titre est son asbence de game over, détruisant pour le coup les règles d'un jeu. Interdiction de recharger une partie si vous pensez avoir raté un évènement sous peine de passer à côté d'une histoire qui sera totalement la vôtre. Le fait de pouvoir continuer la partie même après un échec permet au joueur de faire directement face à ses choix. C'est d'ailleurs pour ça que le jeu n'est pas un jeu à proprement parler, mais plutôt une expérience interactive: pas de points de vie, pas d'objets à collecter, pas de game over, juste une histoire qui avance face à vos choix. Une histoire dont vous êtes le héros.

Et je remercie M. Cage pour être aller à fond dans son idée, en tentant contre vents et marées d'imposer ses idées et allant jusqu'au bout des choses. J'aurais aimé qu'il aille encore plus loin, proposant encore plus d'embranchements sur toute la durée du jeu, chose très difficile à faire sur une production de jeu, et ce qui a été fait sur Heavy Rain est déja énorme. Même le début, que beaucoup jugent mollasson, est intégré dans l'histoire de façon logique: la routine de la vie quotidienne, un véritable reflet sur notre existence, qui se retrouve basculé en quelques minutes. Après, que l'on parle d'oeuvre d'art, perso, je m'en balance, c'est comme pour tous les arts, chacun y voit ce qu'il veut. Ce que j'ai vu, c'est une histoire prenante, où j'ai eu le sentiment d'avoir vraiment eu une influence sur la destinée de mes personnages, ce que je retrouve de plus en plus dans des jeux comme Mass Effect ou Alpha Protocol. Mais Heavy Rain s'est essentiellement concentré dessus, en balançant d'un revers de main tout le reste, tout ce qui fait d'un jeu un jeu. Et c'est pour ça qu'il est intéressant.

Mais voilà, la seule petite chose qui fait passer Heavy Rain à côté du titre exceptionnel, c'est au niveau de sa réalisation. D'habitude, je ne suis pas trop regardant sur ce détail, surtout quand le reste passe devant. Sauf qu'ici, c'est directement intégré dans le soft: les émotions, le jeu des comédiens, le fait qu'on y croit et qu'on vive l'histoire. Sauf que là, par moments, quelque chose cassait l'émotion. Ces regards de poisson morts. On pourra dire tout ce qu'on veut sur la motion capture, ça marche super bien sur l'ensemble du corps mais le visage et en particulier les yeux, ça ne marche pas. J'attends de voir un jeu comme LA Noire pour voir ce qu'on peut faire de mieux, mais dans Heavy Rain, j'avais constamment l'impression que les personnages regardaient dans le vide, qu'il n'y avait aucune étincelle dans le regard, qu'il n'y avait pas cette petite chose qui rendent des personnages vivants. Et pour le coup, je regrette qu'il n'ait pas ajouté une petite pass d'animation traditionnelle pour le jeu des regards.

Pire, à certains moments, j'avais l'impression que les comédiens ajoutaient des mimiques de bouches ou de sourcils pour tenter de montrer des émotions. A certains moments, les personnages clignaient des yeux vingt fois en 30 secondes, ce qui est ridicule pour un être humain (un exemple en tête, la scène avec Madison à l'hôpital, parlez à l'infirmière à côté de la chambre, vous allez vous rendre compte...). C'est con, mais j'ai toujours trouvé que les jeux japonais réussissaient plus souvent à saisir l'étincelle du regard... Le fait de concentrer le jeu sur l'histoire et ses personnages fait que le jeu des acteurs a un rôle beaucoup plus primordial que dans les jeux plus classiques. C'est d'ailleurs pour ça que le studio a beaucoup misé sur son propre studio de mocap. Malheureusement, question expressions faciales, ce n'est pas encore au point. Et sur un titre comme ça, c'est impardonnable.

Heureusement, j'ai fait abstraction de ça pour me concentrer sur l'histoire, vraiment prenante et bien écrite. Les fins que l'on peut avoir sont vraiment différentes, et ça donne envie de faire plusieurs fois le jeu en expérimentant certaines choses, mais du coup en se forçant à ne pas écouter son instinct. Mais c'est ça avant tout, Heavy Rain. Une expérience.