Cédric n'en revenait pas. Il l'avait déjà vu plusieurs fois aux infos, lu de nombreuses interviews...et cette fois-ci il était réellement là ! Raijin, le héros qui manipulait la foudre. Il faisait partie des Super-héros les plus en vue. Il était aussi le plus mystérieux. La plupart du temps, il fuyait les médias, se contentant de faire son travail et de disparaître. Et pourtant, aujourd'hui, il était là, leur avait adressé la parole et les avait même félicité, lui et ses partenaires. Comme ses amis, il restait bouche bée devant ce héros à la notoriété immense.

  « Raijin, tu es donc venu une fois de plus te mettre en travers de ma route.

— Ondine, aussi longtemps que tu marcheras sur le chemin du crime, je serai là pour te faire obstacle !

— Ça c'est de la réplique de Super-héros, s'écria un Arcimboldo tout excité.

— Je suis ma route sur un bulldozer. Dresse-toi face à moi et tu finiras écrasé. »

Tout en prononçant ces paroles, Ondine lança les trombes d'eau de la Seine qui volaient derrière elle et les envoya fracasser Raijin. Une décharge apparut et en un clin d'oeil, Raijin s'était déplacé à la vitesse (c'est un peu le cas de le dire) de l'éclair. Il lança du bout de ses doigts des petits arc électriques que la terrifiante Ondine esquiva en quelques mouvements acrobatiques.

  Sous les yeux des Inutiles, une bataille titanesque faisait rage. D'un coté, d'énormes quantités d'eau tentaient d'écraser Raijin, et de l'autre coté, des éclairs jaillissaient. Entre toute cette foudre et toute cette eau, on se serait cru en pleine tempête.

  « On ferait mieux de s'écarter, le pont est complètement trempé, on risque de prendre le jus à tout moment, s'était écriée Lumen.

— La petite a raison. Cuistot annule la transformation de tes mains, là tu es un vrai paratonnerre, ajouta Tear.

— Je vais nous faire apparaître des bottes en caoutchouc ne bougez pas » avait ajouté Textil.

 

  Dans le van, Mike et Pascal attendaient avec anxiété. Ils n'avaient plus aucune nouvelles de leurs amis. Il semblait que l'oreillette de Gaëlle avait été mise à mal. Mike tapotait nerveusement sur le volant.

  « Tu n'as pas à t'inquiéter. Ils sont plutôt bons en vérité. Et si les choses tournent mal...enfin je veux dire, puisque tu as l'air déterminer à l'utiliser...se risqua à dire Pascal après un silence qui lui avait paru interminable.

— Je préfèrerais éviter d'avoir à l'utiliser. J'ai confiance en eux...mais c'est peut-être bien trop dangereux de les laisser affronter un super-criminel.

— Ils y sont allés de leur plein gré. Contre mon avis, contre le tien. Et toi comme moi ne pouvons rien y faire. Je veux dire, je n'ai pas de pouvoirs, et une fois que ces gens auront complété leur entraînement, je ne suis même pas sûr de pouvoir rivaliser avec eux. Michael, tu leur fais confiance depuis le début. C'est peut-être pas le moment de flancher, tu ne crois pas ?

— Je suppose que tu as raison. Mais ça me tue de ne pas savoir ce qu'il se passe là-bas »

Après un petit moment, les regards de Mike et Pascal s'écarquillèrent en même temps, alors qu'il leur sembla que la foudre venait de tomber non loin du pont.

 

  Ondine continuait de commander à l'eau. Et la masse aquatique était obéissante, renversant les fourgons de police qui encadraient les lieux. Les péniches à la peau rouillée, qui reposaient sur le dos du fleuve, se mirent à danser la tectonik sous les coups répétés d'une onde de plus en plus brutale. Ondine semblait s'amuser à tenter d'écraser Raijin qui paraissait être insaisissable. Parfois, c'était une grande vague qu'elle invoquait afin de l'écraser, parfois c'était des gouttes qu'elle lançait à toute vitesse, comme des balles de revolver. Elle se mit ensuite à scruter les déplacements luminiques de son ennemi. Elle le faisait courir, tout en essayant de déterminer quelle était la portée de ses déplacements sous forme d'éclair. Elle voulait le piéger au moment où il reprenait sa forme humaine.

  Elle évalua à peu près la distance que Raijin pouvait parcourir lors de ses déplacements instantanés. Pas plus de deux mètres en général. Satisfaite, elle fit déferler de l'eau sur lui, il esquiva. Au moment où il reprit sa forme, une pluie drue tomba sur lui, manquant de le trouer de part en part. Il esquiva par chance, utilisant une fois de plus sa méthode d'esquive favorite, mais deux mètres plus loin, elle prépara un autre piège, qui prit la forme d'une masse d'eau sphérique flottante dans les airs qui explosa comme une mine d'eau à haute pression dès qu'il repparut. Soufflé, Raijin reprit ses esprits et tenta une esquive. Le regard d'Ondine se dirigea à peu près deux mètres plus loin, et elle se prépara à piéger une dernière fois son adversaire quand une lumière rouge frappa son ½il et la força à baisser ses paupières. Lumen venait de la gêner, offrant à Raijin de précieuses secondes de répit qu'il mit à profit pour se déplacer à nouveau, après un bref sourire de gratitude à Gaëlle, et de lancer une décharge électrique légère à Ondine qui fut projetée vers l'arrière.

  « Ces insectes sont plus une gêne qu'autre chose, persifla la cruelle en se tournant vers Lumen.

— Ce combat est entre toi et moi Ondine, déclara Raijin.

— Vous voulez tous jouer aux super-héros, mais vous ne valez rien, pas plus toi qu'eux ! »

Ondine tendit les doigts et cinq autres masses sphériques apparurent. Elle se rapprochèrent de Lumen, Tear, Textil, Cuistot et Arcimboldo avant d'envelopper leurs têtes, de sorte qu'on eut l'impression qu'il portaient un scaphandre. Un filet d'eau apparut ensuite, reliant les têtes des Inutiles à Ondine.

 

  « Alors, héros, comment vas tu les sauver ? Ils vont se noyer si tu ne réagis pas vite. Si tu fais un pas vers moi, j'augmente la pression de l'eau et je leur broie le crâne. Et si tu me balances une décharge, ils la ressentiront aussi grace à ce lien aquatique. Au final tout ce qu'il te reste à faire, c'est choisir leur mort.»

Raijin les regarda tous, ne sachant que faire. Ondine avait raison, ses options étaient limitées. Il observa les lieux, il vit qu'Ondine s'était adossée, encore choquée par le coup précédent, contre l'une des rambardes du pont aux grillages cadenassés par des hordes de touristes amoureux. Vaincre Ondine, c'était tuer les cinq innocents qui étaient sous sa coupe, attendre, c'était les laisser se noyer. Pous la première fois depuis qu'il avait développé ses pouvoirs, Raijin hésitait...

 

  Arcimboldo avait du mal à respirer et à concentrer son esprit. Il ne parvenait même pas à utiliser ses pouvoirs et il lui semblait que sa conscience s'évaporait. Il était sous l'emprise d'Ondine, et il se demandait si c'était là que tout allait se terminer. Sa vue était troublée, et il luttait de toutes ses forces pour ne pas laisser échapper le peu de souffle qui lui restait dans les poumons. Il ne voyait plus ses amis, qui étaient devenus des ombres inquiétantes, des formes grotesques avec une tête bien ronde. Il ne pouvait plus respirer, il ne pouvait plus crier, il ne pouvait qu'attendre...attendre...

 

  Raijin pesait le pour et le contre. S'il utilisait une décharge légère peut-être...mais cela restait dangereux. L'un des Inutiles était peut-être cardiaque, et puis l'eau n'allait elle pas empirer les choses ? Il vit les visages masqués déformés par la détresse, en train de cracher de précieuses bulles d'air. L'espace d'un instant, il se demanda s'il n'était pas mieux d'abréger leurs souffrances...pourtant il se refusait à les laisser mourir. Il regarda le visage d'Ondine, elle arborait un sourire malsain. « Alors ? J'attends d'avoir le coup de foudre à nouveau mon chéri ! » Elle se repaissait de la détresse de Raijin. Soudain, son sourire s'effaça brièvement. Elle renifla, son petit nez gigota, puis elle poussa un petit éternuement. C'est alors que tout se joua. Ce petit moment de déconcentration la vit perdre l'emprise qu'elle avait sur les scaphandres d'eau, libérant les Inutiles qui, tombant à genoux, inspiraient l'air, certes un peu pollué, parisien à grande bouffées.

  Raijin ne perdit pas de temps. Tendant sa main, il envoya une décharge énorme sur Ondine, qui, accolée au grillage, lui-même constellé de cadenas, devint une mini centrale électrique. Ondine poussa un terrible hurlement alors qu'elle était électrisée. Le choc la propulsa ensuite dans la Seine, dans laquelle son corps disparut de la vue de chacun.

 

  Victorieux, Raijin poussa un soupir de soulagement en regardant au-dessus de la rambarde. Les Inutiles vinrent le rejoindre, cherchant toute trace d'Ondine, sans succès.

  « Elle est morte ? demanda finalement Cuistot.

— Peu de chances. Je l'ai déjà affrontée et elle a connu pire.

— Ceci dit, elle a disparu, observa Tear.

— L'eau c'est son élément. Elle s'est enfuie et va probablement panser ses blessures avant de revenir. Vous avez eu de la chance les gars.

— Oui c'est une chance que vous ayez pu trouver un faille Raijin, sourit Arcimboldo.

— C'est uniquement parce qu'elle a éternué que j'ai pu l'attaquer. Sans ça, je ne sais pas ce qu'il serait advenu de vous.

— Elle...elle a éternué ? Claire se mit à regarder partout autour d'elle, sans rien voir de familier.

— Je vais devoir y aller, je n'aime pas trop palabrer avec les journalistes. Et je vous conseille d'en faire autant. Y a rien de pire pour les héros. Ils ont tendance à les pourrir. Vous avez fait du bon boulot en tout cas. C'était dangereux, mais très courageux de vous être interposé. J'espère vous revoir un de ces quatres. D'ici là, restez loin de la foudre...Kuwabara kuwabara... » sur ces mots, il disparut en un éclair, laissant là les apprentis héros, encore hagards après leur combat.

 

  Raijin s'était éloigné de quelques rues à peine quand il s'arrêta brusquement. Une ombre se tenait devant lui, une silhouette qu'il ne connaissait que trop bien.

  « Tu n'es pas venu filer un coup de de pouce Kratos ?

— Non, j'observais juste, répondit le super-héros dans sa tenue iconique.

— Ils auraient pu mourir là-bas.

— Ce n'est hélas pas arrivé. Je ne comprends pas pourquoi tu les as aidé, Pikachu. Tu veux quoi, qu'ils nous tournent en ridicule ? T'as vu les pouvoirs de ces bouffons ? Se transformer en salade de fruits, ou en cuisine équipée...une vraie insulte pour nous autres...

— Je pensais que l'insulte pour nous autres étaient ceux qui peuvent, mais ne font rien. Ces gens, je les trouve admirables, pas comme... »

Raijin n'eut pas le temps de finir sa phrase, car Kratos lui avait donné un coup de poing titanesque sur le ventre. Puis, l'attrapant brutalement par le cou, il le fit voler jusqu'à le plaquer contre un mur qui s'effrita sous la violence du choc. Raijin cracha un peu de sang.

  « Pas comme qui ? Moi ? Tu ne me trouves pas admirable, Pikachu ?

— Tu...me fais mal...

— On est un certain nombre à les trouver agaçants ces minables-là. Y a quelques super-héros qui n'aiment pas qu'on marche sur leurs plates-bandes. Alors écoute moi bien espèce de putain de Japfag dégénéré : on t'aime pas beaucoup à la base, mais si en plus tu aides ces mecs, tu pourrais bien avoir de lourds problèmes. Tu piges ?

— Oui...

— Oui qui ?

— Oui Kratos.

— Monsieur Kratos pour toi tête de n½ud ! » gronda le super héros avant de coller une énorme baffe à Raijin qui l'envoya voler vers des poubelles. Kratos s'épousseta et calmement, il prit son envol, prêt à suivre son emploi du temps chargé, qui comprenait dans l'ordre la signature du contrat Coca Cola Zero, la rencontre avec les enfants malades de l'hôpital Necker (ca le faisait profondémment chier, mais bon), un passage à la télé pour une émission en direct, un gala de charité où il devait faire acte de présence et enfin un peu de repos auprès des quatre call-girls qu'il avait engagées pour la fin de la soirée.

 

  Lionel Devreaux sortait de sa douche. À la télé on arrêtait pas de parler de l'attaque d'Ondine. Il appela un de ses hommes de main afin qu'il aille lui chercher ses habits, mais personne ne répondait. Il pesta un moment, allant dans sa chambre. Son garde du corps était endormi. Il lui donna des giffles pour le réveiller, mais son homme de main ne faisait que grogner. Pestant contre la fainéantise de son employé, il passa une chemise sur son dos, et enfila un pantalon très classe, dont le prix était l'équivalent du PIB de la Moldavie. Il se dirigea vers le living-room pour trouver trois hommes à lui, endormis eux aussi devant la télé. Après les avoir garnis d'insultes et soupiré de lassitude, il se dirigea vers la grande baie vitrée qui était ouverte sur la ville-lumière qui portait bien son nom à cette heure de la nuit. D'un geste nonchalant, il la ferma, mais il sursauta quand il vit une silhouette gracile qui se tenait derrière lui, dans le reflet de la vitre. Et alors, il comprit ce qu'il se passait. Il n'avait pas besoin de voir le visage de la silhouette baignée dans l'obscurité pour comprendre de qui il s'agissait.

  « Nyx, je pensais vous avoir dit de ne jamais venir ici.

— Lionel, je pensais vous avoir dit de ne jamais essayer de m'entuber, répondit-elle d'une voix de velours, alors qu'elle remettait son gant droit.

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, répondit calmement, bien que son visage commença à pâlir, Devreaux.

— Vous êtes un mauvais payeur, et je n'aime pas ça. Vous êtes en retard sur mon paiement, le regard lumineux de Nyx était si froid qu'on en ressentait la morsure.

— Je...j'ai eu des contretemps...bien entendu vous serez payée comme il se doit, la voix de Devreaux chevrotait à présent.

— Main droite et tu dors...susurra Nyx en retirant son gant gauche et en rapprochant ses doigts de Devreaux qui, tremblant comme une feuille, s'était plaqué contre le mur.

— S'il vous plaît...s'il vous plaît Nyx...

— Main gauche et tu es...l'index gauche de Nyx se rapprochait de plus en plus de Devreaux.

— J'ajoute 50% de la somme en plus de ce que je vous dois et je vous la reverse dès demain, une enveloppe dans la boîte postale que vous m'avez indiqué ! Il avait crié ces mots d'une traite, sans même prendre le temps de respirer, n'osant même pas regarder le doigt de la mort pointé sur lui.

— Vous ne voulez pas me voir débarquer ici de nouveau demain soir. » répondit Nyx, en déposant un petit baiser moqueur sur la joue grasse de Devreaux. Elle se retourna, enfila son gant gauche et sortit par la porte. Devreaux, dont les jambes tremblaient avec force s'affala au sol, et, îvre de peur, se mit à sangloter comme un enfant.