Petit jeu indépendant deviendra grand. Premier né du studio danois Playdead, Limbo n'a pas bénéficié d'affiches dans le métro, ni de matraquage
publicitaire à la télévision ou dans les journaux. Pourtant l'enfant
prodige a suscité bien des émois lors de sa sortie sur le XBLA  la
semaine passée : avalanches de critiques positives, cris de joie en
pagaille et surtout la promesse de vivre une Expérience.

 

Cette différence, ce petit truc en plus, Limbo a réussi à l'imposer dès ses premières apparitions. La hype a
subi un gros level-up lors du dernier Independant Games Festival, où il a remporté pas moins de deux prix. Le clou final est arrivé lors de l'E3, au terme duquel l'équipe de
développement relevait des nominations et acclamations nombreuses et
méritées sur différents sites majeurs américains. Tous les regards étaient donc dirigés vers la bête de concours danoise, déjà qualifiée de géniale découverte inattendue digne du top du top du
XBOX Live Arcade. Des attentes hautes, très hautes, pour un jeu aux
multiples qualités et difficilement critiquable, notamment de par ses
origines modestes.

Inutile de s'embarrasser d'un paragraphe pour vous décrire le début de l'histoire. Sachez simplement qu'un jeune garçon part à la recherche de sa sœur dans les limbes (d'où le titre,
je ne vous apprends rien). Ce n'est de toute manière pas la trame qui
frappe d'abord chez Limbo, mais clairement son identité graphique, très
prononcée. Un noir et blanc éthéré qui rappelle obligatoirement
l'expressionnisme allemand (référence culturelle, check), un personnage
en ombre chinoise qui se démarque d'une forêt floue en dégradé de gris
derrière lui, quelques bruitages, une ambiance de conte macabre pour
enfants, une lumière feutrée qui perce  entre les arbres, difficile de
ne pas accrocher. On est loin, très loin d'un antédiluvien Blade Warrior. De plus l'animation très soignée confère une réelle impression de livre illustré interactif. Une réussite artistique claire et nette, sans
éclaboussure.

La fluidité de l'ouvrage est également
exemplaire. Le jeu se déroule selon un scrolling horizontal classique,
le joueur enchaînant les énigmes à résoudre, comme une suite de tableaux disposés les uns après les autres. Pour se faire le gameplay est très
simple : un bouton de saut et un bouton d'action (principalement pousser / tirer des objets ou des leviers). Toutefois de nombreux pièges vous
attendent, octroyant au titre le fameux statut de « die and retry »,
mourir pour mieux appréhender le terrain et essayer de faire mieux la
prochaine fois. La cruauté fait partie intégrante du jeu : les décès
sont violents, bruts (il est possible de désactiver le sang noir dans
les paramètres), des cadavres jonchent le sol, des pendus guettent votre arrivée. Pire encore, il faudra parfois utiliser les dépouilles
jonchant votre parcours pour pouvoir progresser. Malgré des emprunts aux peurs enfantines (comme l'araignée) et la jeune allure de son
protagoniste, Limbo n'est pas à mettre entre toutes les mains.

Malgré cette approche générale de
progression par l'échec, la frustration ne devrait pas trop être de
mise, car les check-points automatiques sont pléthore, permettant de
conserver une certaine limpidité des manœuvres. Il faut avouer qu'en
étant un minimum rôdé au genre, vous ne devriez pas avoir de réelles
difficultés à avancer, à part pendant les derniers chapitres qui
compliquent la donne. Si les énigmes sont astucieuses et réalisées avec
talent, elles ne possèdent pas autant d'innovation qu'un Braid ou un
Portal, qui vous obligeaient à triturer certains neurones encore
inédits. C'est vraisemblablement sur ce point que Limbo manque la
première marche sur le podium du classique instantané et
révolutionnaire. Certains regretteront également la progressive
industrialisation des décors, après une mise en bouche plus inquiétante.

Avec un minimum de temps devant vous, il est même possible de finir le jeu d'une seule traite. Il ne m'a fallu
que deux séances, sachant que ma première tentative m'a menée un peu
plus loin que les deux tiers du jeu environ, sans que je m'en aperçoive. Il s'agit sans doute d'une confirmation que Limbo donne envie
d'explorer ses sombres rouages et ses angoissants marécages, mais
surtout que le jeu est court. Très court. Entre trois ou quatre heures
maximum pour un joueur expérimenté, peut-être un peu plus si vous n'êtes pas un habitué de la réflexion. Le tout pour un prix de 1200 points,
trop élevé à mon goût. Sauf que quand la passion et le charme parlent,
difficile de résister.

Si l'aventure est brève, le
manteau qui l'habille est envoûtant. Limbo débarque sous une pluie 
d'applaudissements, une exposition bienfaitrice pour cette modeste
production. Attention toutefois à garder en tête que le jeu ne brillera
que mieux s'il reste considéré comme une « bonne surprise ». Habile,
mais pas révolutionnaire ; délicieux mais rapidement dévoré. Les secrets / succès et le scénario à interpréter soi-même vous permettront de
prolonger quelque peu cette traversée dans les lugubres limbes imaginées par les créateurs. Comme quoi, les petits peuvent toujours en remontrer aux grands.

Par Mololo

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