La notion de difficulté, extrêmement relative, répond tout de même à
quelques grands principes. Elle participe en outre à la construction de
l'intérêt d'un jeu vidéo. Des termes barbares comme les critères de
réussite, l'accessibilité et la courbe de progression permettent de
mieux définir cette dernière, et son succès à renouveler l'intérêt qu'il suscite chez le joueur. Il m'est arrivé récemment de tomber sur de
parfait mauvais exemples, motivant ainsi cette liste à la fois sérieuse
et caricaturale.

 

On aime ça, quand elle est

1) Progressive

La progressivité est primordiale. La difficulté doit donc être résolument
basse en premier lieu, pour laisser le temps d'appréhender les
mécaniques de jeux, les personnages et la trame scénaristique (parce que quand on est occupé à en prendre plein la gueule dès le début on fait
vite moins attention). A ce niveau la plupart des titres jouent le jeu,
mais en terme de mauvais exemple j'ai envie de citer le solo de
Split/Second Velocity. En effet, le niveau de la difficulté en début de
carrière est similaire à celle qu'on pouvait trouver à la fin de Pure,
du même développeur et déjà difficile.

La métaphore : Vous n'avez jamais
tenu une hache de votre vie, seulement votre patron l'ignore et vous
demande de couper un nombre fixe de morceaux avant d'aller manger,
tiraillé par la faim et le manque d'assurance. Bonne chance.

Un autre exemple récent de difficulté
non progressive, mais à l'inverse : FF XIII. Le jeu accompagne le joueur pendant une très, très large partie de l'aventure. Et au moment même ou l'on recouvre un peu de liberté de faits et gestes, la difficulté monte brutalement. Je parle ici du chapitre 11, qui est par ailleurs assez
long. Gros carton rouge pour un jeu qui jusque-là était plutôt simple.

La métaphore : Vous venez de passer
votre permis. Vous avez pris suffisamment de leçon, la pédagogie du
moniteur était exemplaire et l'inspectrice particulièrement sympa. Et
là, d'un coup, votre patron vous demande de conduire un Hummer en
fermant les yeux. Bonne chance.


2) Limitée et tolérable

Dans le cadre d'une difficulté progressive, il convient de la doser à chaque étape du jeu en fonction des possibilités offertes au joueurs. Et si
elle est légèrement trop forte, il faut que le joueur sente qu'il peut
outrepasser l'obstacle par la ruse ou par l'effort. Exemple notable, les RPG, qui est un genre difficile demandant beaucoup d'investissement.
Parfois un peu trop.

La métaphore : Vous faites un job
d'été, caissier dans un supermarché du coin. Aujourd'hui, c'est samedi,
et la file est longue à votre caisse, tellement longue qu'on en voit pas la fin. Vous perdez.


3) Paramétrable

Il n'y a rien de pire qu'une difficulté mal dosée et arbitraire. On sait maintenant que la plupart des joueurs ne terminent
pas leurs jeux, et il n'est pas impossible qu'une difficulté trop élevée entre en ligne de compte. A l'inverse, il faut que les joueurs qui
aiment le challenge ait accès à de fortes difficultés, il est donc
plutôt raisonnable de proposer en début de partie - voire pendant la
partie - l'ensemble des difficultés disponibles et de les étayer
quelque peu en donnant des exemples de cas de figures, ce qui est
rarement fait.

La métaphore : Vous êtes chômeur ;
vous êtes plutôt manuel et vous aimeriez trouver un emploi. Un jour,
l'ANPE vous en trouve un, sans toutefois préciser de quoi il retourne.
Vous allez être sculpteur sur bois. A vie. Le numéro que vous avez
composé n'est plus attribué.


4) Disponible

Comme dit, ceux qui le souhaitent doivent pouvoir s'ouvrir à des difficultés
plus importantes, notamment en cours de partie, via des objectifs
secondaires, complément idéal à une aventure principale plus cadrée. Il
n'est toutefois pas idiot de renforcer la replay-value du titre via d'autres niveau de difficultés ou des modes de jeu alternatifs. La
plupart des titres en proposent, et les succès participent grandement à
ce supplément de défi. Mais parfois non.

La métaphore : Vous travaillez dans
des bureaux. Il est 10h et c'est la pause, alors vous vous rendez au
distributeur pour manger un morceau. Et là, vision d'horreur, il n'y a
que des réglisses à tous les étages. Vous jeunez.


On aime pas, quand elle fait

1) Réapparaitre les ennemis

Mal utilisé, le repop infini des ennemis peut devenir très lassant. Ce sont des choses qu'on a vu apparaître de manière quasi ubuesque dans des
jeux comme Splinter Cell Conviction (dans le scénario jouable
coopératif), comme si d'un coup le danger suscité par le joueur était à
ce point grand qu'on disposa de réserves infinies d'hommes à envoyer.
C'est encore pire quand les points de pop sont aléatoires ou inopinés.
Faire réapparaitre les ennemis est une vile, vile astuce, mais qui est
bien sûr parfaitement recevables quand les modes de jeu basé sont basé
sur un repop continuel (tels que les différents modes Horde).

La métaphore : Vous avez un peu de
mal avec votre belle-mère. Lors de la dernière réunion de famille, vous
avez réussi à l'esquiver. Mais alors que vous sortiez de la salle de
bains où vous vous êtes rafraichi, elle apparut brusquement devant vous. Vous avez poliment prétexté devoir parler à votre compagne pour fuir en douceur. Esquivant quelques convives pour rejoindre cette dernière,
vous reconnaissez parmi eux votre belle-mère. Pris de panique et fuyant
quelque peu l'endroit, vous vous rendez dans la cuisine pour aider à
débarrasser, et pour y découvrir à nouveau votre belle-mère. Encore.
Votre belle-mère réapparait incessamment - vous perdez la raison.

Un des très mauvaises applications de la réapparition d'ennemis est lorsqu'elle se produit devant le joueur, et
tandis qu'il est encore là. A moins d'être dans un MMO, ce qui est
obligatoire pour que tous les joueurs en profitent, cela peut vite
devenir dérangeant et briser l'immersion. Final Fantasy XII et XIII,
Bioshock 2, autant de titres dans lesquels cette caractéristique prend
place.

La métaphore : Vous êtes à La Poste. N'écoutant que votre courage, vous vous engagez dans le colimaçon. Un
moment d'égarement, distrait par un bruit à l'extérieur, vous tournez la tête, et posez à nouveau votre regard sur la file. Des gens sont
apparus de nulle part. Mais vous pensez avoir rêvé. Impatient à l'idée
d'aller chercher votre colis, vous consultez nerveusement votre montre.
Et puis, encore une fois, des gens sont apparus. La file ne dégrossit
pas. Vous n'aurez jamais votre nouveau jeu : vous pleurez.


2) L'abus d'objectifs chronométrés

En matière d'astuce, on pensera aussi aux objectifs chronométrés. En plus
de limiter l'action du joueur dans le temps, ils ajoutent une dose de
stress et la nécessité de mieux choisir ses actions, d'effacer les
gestes parasites. C'est un bon stimulateur qui peut vite devenir une
source d'angoisse et de frustration si elle est mal utilisée, ou pire,
si cela devient systématique.

La métaphore : Ce matin vous êtes
arrivé deux minutes en retard au boulot. Pour vous faire pardonner, on
vous a demandé de finir un dossier en trente-quatre minutes, dossier
qu'il faudra rapporter au patron entre 16h13 et 16h15. Après, il ne sera plus là. Vous stressez.


3) Des IA avec trop de réussite

C'est quelque chose qui peut freiner la progression de manière trop
importante, en particulier dans des catégories de jeux ou la concurrence se veut « égale », tels que les jeux de course ou de combat. Parfois,
pour des raisons qu'on ignore, on est confrontés à des véhicules bien
plus performants, comme Split/Second Velocity, ou des combattants du feu de dieu, tels que Sagat, dans Street Fighter 4. Dans des titres à la
progression solitaire, se retrouver en face d'ennemis beaucoup plus
réactifs et précis est particulièrement commun, notamment chez les FPS.

La métaphore : Vous roulez sur
l'autoroute, c'est les vacances, il y a du soleil. Vous arrivez bientôt
au prochain péage et préparez votre carte-bleue. Arrivé devant la
barrière, et après avoir inséré votre carte, l'appareil vous pose une
question sur le thème « culture générale ». Vous dites adieu à la plage.


4) L'obsession du joueur humain

Split/Second est décidément un bien mauvaise élève en terme de difficulté : les
véhicules contrôlés par l'ordinateur ont tendance à focaliser leurs
attaques sur les joueurs humains (le constat est aussi valable pour Blur d'ailleurs). C'est assez courant dans les jeux ou il y a des
concurrents contrôlés par l'IA, voire des coéquipiers, cela donnant
quelque fois lieu à un acharnement sur le premier joueur.

La métaphore : Levé de bonne heure,
vous vous apprêtez à faire votre jogging matinal. Au moment de fermer la porte, vous entendez un bruit sourd auquel vous ne prêtez pas plus
d'attention que ça. Votre chrono lancé, vous commencez à courir. Et
puis, au carrefour le plus proche, vous entendez à nouveau un bruit, un
frottement cette fois, comme si l'on trainait quelque chose. Tout en
courant vous essayez de regarder autour de vous, et finissez par
apercevoir un aspirateur posé sur le sol du trottoir opposé. Il vous
suit, et c'est le votre. Vous flippez.

Vous aussi proposez les critères qui selon vous font d'une difficulté qu'elle est stimulante ou frustrante !

Par Memento

 www.consolesyndrome.com