Est-ce la vieillesse, la paresse ou un
manque de repères spatio-temporels qui me conduit à être complètement
perdu au sein de ce média ? Est-ce la lassitude du média ou bien un
manque d'assiduité volontaire ? En tout cas, une chose est sûre, c'est
que j'ai du mal à suivre l'actualité du jeu vidéo. Lorsque je me penche
dessus, je me retrouve submergé par une déferlante de sorties, de suites et de news. Qualitatif d'un côté, quantitatif de l'autre ; j'ai du mal à voir clair derrière cette machine bien huilée. J'ai l'impression que
pour accrocher le public il faut être dans l'immédiat, les titres voient l'échéance de leurs dates de péremption se réduire à une peau de
chagrin : on en parle six mois à l'avance en long, en large et en
travers pour rapidement les mettre sur le côté de la route une fois le
jeu sorti. Difficile de suivre la mode, d'être à la page des sorties et
surtout de faire le tri entre le bon grain et l'ivraie.
Beaucoup se retrouvent à se précipiter pour acheter le dernier hit pour
finalement se demander pourquoi s'être jeté dessus puisqu'il risque
sûrement d'être trouvable à moitié prix dans les quatre mois à venir.

Les raisons

Cette rapidité est entretenue par les
pubs, le média en lui-même, les journalistes et surtout la demande des
joueurs. Trop de news tue les news, etc.
On favorise le clientélisme en faisant croire au joueur qu'il est
l'acquéreur privilégié d'une news, du développement d'un jeu, voire même du dernier collector qui est tellement difficile à trouver qu'on a
obligatoirement dû être désigné en tant qu'« élu » lorsque l'on a
réussi, après moult efforts à en faire l'acquisition.
La fidélité est récompensée pour pouvoir faire son beau devant les
copains et dire qu'on est le premier mais tout cela est bien orchestré : on donne l'illusion au lecteur d'être proche d'un éditeur et d'un jeu.
On lui donne toutes les clefs et les outils. Il devient aujourd'hui très facile d'avoir un avis assez distinct sur un jeu sans se prendre la
tête. Le plaisir n'étant pas celui du jeu mais celui de savoir qui a
joué au plus de jeux pour parfaire sa culture vidéoludique, avoir son
avis sur tout pour être un spécialiste, être fidèle et dévot envers son
écurie, suivre son site préféré, son éditeur préféré. Mais finalement
qui sont les vrais spécialistes du jeu vidéo ? Les joueurs, les
journalistes ou finalement les programmeurs, les marketeux, les mecs qui font du jeu vidéo leurs bizness en somme. Eux, ils ont tout compris :
la plèbe demande des news et des jeux pour avoir l'illusion d'un
contrôle, d'une emprise sur un monde du jeu vidéo qui va trop vite.
Mais finalement le jeu vidéo va-t-il si vite que cela ? N'est-ce pas une illusion pour accrocher les fans de jeux vidéo et permettre
d'entretenir la flamme consumériste qui sommeille derrière chaque gamer ?


Une fausse rapidité

Même si je n'ai pas la présomption
d'éclairer en quoi que ce soit les joueurs avertis et matures dans leurs relations avec ce média (et les autres en prime), il est bon de
s'interroger sur l'illusion entretenue sous cette pseudo surabondance.
Car même lorsque l'on joue, il ne faut pas perdre son esprit critique.
Le phénomène est simple : arriver à diluer le temps d'attente du joueur. Comment le faire mariner tout en l'encourageant à suivre dans un
fanatisme forcené la sortie d'un titre ? C'est ainsi qu'avec la next-gen on a vu apparaître les trailers à près de deux voire trois ans avant la sortie d'un soft sur console. Je ne citerai qu'en exemple ceux de Final Fantasy XIII, Alan Wake ou bien Gran Turismo 5. Tout cela pour avoir
des annonces étincelantes qui n'apportent rien à part le nom d'un titre. S'en suit la longue litanie des news en carton à coup de trailers
rafistolés, de screenshots au compte goutte qui diluent lentement
l'attente d'un jeu : la photo du héros, la copine du héros, son chien,
sa sœur, sa voiture, les rétroviseurs de la voiture, la grand-tante du
méchant-vilain, le nouveau costume exclusif (à 6 euros bien sur) qui
dévoilera la cicatrice cachée sur parties génitales du méchant-vilain
(et qui nous révélera beaucoup sur le lourd scénario du jeu).
L'illusion est souvent parfaite et à force de demander une actu bien
fournie et nourrie constamment nous perdons nous-mêmes rapidement les
enjeux d'un soft. L'un des exemples marquant est pour moi l'époque pas
si lointaine des news autour de Super Smash Bros Brawl, ou presque
toutes les semaines un nouveau décor et un nouveau perso étaient
dévoilés.

Annonceur précoce

Finalement à vouloir aller plus vite que la musique tout le monde est pris au piège. D'abord les constructeurs
de machine qui, une année sur deux se retrouvent à sec de bonnes idées à dévoiler lors des grandes messes comme l'E3 ou le Tokyo Game Show.
Preuve en est avec les annonces de ces dernières années, l'an dernier
Sony et Microsoft avaient brillé avec pas mal de nouveautés et des
licences savoureuses alors que cette année chacun a dû façonner son
catalogue avec les miettes d'un catalogue en quête de renouveau. A
l'inverse, Nintendo était sur la réserve lors des grands salons de 2009, ne pouvant promettre grand chose par manque de rapidité. Cette année
pléthore de licences ont su être dévoilées par la firme de Kyoto afin de rassurer les acquéreurs de leurs machines. La constante demande
d'actualité représente un monstre à l'appétit insatiable qui contamine
aussi la construction des machines. A défaut de pérenniser une machine
par un système solide on crée chaque année une version amaigrie en slim, lite, ou avec quelque giga en plus pour un disque dur. Les
périphériques aussi se voient déclinés dans des moutures plus ou moins
ergonomiques. Ce constat est certes connu et « accepté » de tous mais il convient d'admettre la responsabilité de chacun dans cette folie de
l'offre et de la demande dans le jeu vidéo.

Il est à se demander si les journalistes ne tombent pas non plus dans ce traquenard : entre les impératifs de
nouveauté et  les embargos. Que penser de cette nouvelle mode des
non-tests régis par les embargos des éditeurs. On se retrouve avec deux
versions de test de jeu. L'obligation d'aller vite, d'être les premiers, prend alors le pas sur le devoir d'investigation. On sert des tests
arrachés de toutes informations réelles sur le jeu pour répondre à
l'exigence temporelle. Finalement on teste quoi ? Le jeu ? Une béta ? Un jeu non finalisé ? Un titre dans une langue qu'on ne comprend même pas ? Une opinion sur un salon ?  Des on-dit ? Ou bien des présentations en
showroom orchestrées avec soin par les services communication et
marketing des éditeurs de soft.


Mais alors quelle sont les
solutions ? Cette rapidité est-elle réellement néfaste ? Beaucoup
s'insurgent en silence et ne veulent pas être pris pour des moutons et
en viennent à détester ce qui faisait leurs passions. Demander des
articles de fond plutôt que des news portant plus sur des communiqués de presse bien sentis par les boîtes de com' qu'autre chose.
Les sites amateurs mais aussi professionnels doivent pondérer leur
dépendance à ces boîtes de com' : des scandales comme les multiples
affaires Heavy Rain ou ces nombreux tests à la va-vite pour être le
premier ne devraient pas avoir lieu. A défaut d'un travail
d'investigation l'info doit être plus réfléchie et digérée.
Économiquement, il faudrait endiguer la pompe à thune basée sur une
dépendance très forte du joueur dont les fautifs sont les joueurs et les médias eux-mêmes. Pour en sortir il faut plus de réflexion, qu'est-ce
qu'un bon joueur ? Comment traiter au mieux ce média et ne pas tomber
dans une spirale consumériste aliénante ? Revenir sur des anciens
titres, exhumer ceux qui ont subi les affres d'un planning de sortie
ingrat, écrasés par des super licences sur-médiatisées. Sans vouloir
tirer la couverture vers les petits sites, il faut souligner leurs
efforts pour casser ce rythme qui me paraît un peu trop rapide. Le rétro gaming, la parution en papier, les sites amateurs sont autant de
moteurs pour mieux comprendre la folle chevauchée du jeu vidéo.

Par Mr. Popo

www.consolesyndrome.com