Dans les moments qui marquent la
vie d'un joueur, on compte invariablement de nombreux combats contre des boss. Que ce soit Dracula, défait après des heures de galère sur un
Castlevania, Mother Brain anéanti dans les dernières minutes de Metroid, Psycho Mantis qui nous étonne dans Metal Gear Solid ou encore Sephiroth crucifié par Cloud et son équipe dans Final Fantasy VII, ces Némésis
ont toujours su occuper une place particulière au sein de notre media.
Pourtant aujourd'hui, leur avenir est en péril.

Si vous vous tenez à jour des sorties de ces dernières années et que vous êtes venus à bout des gros hits
récents, vous avez certainement remarqué la raréfaction des boss. Leur
présence est de moins en moins notable dans nos grosses productions. On
peut même distinguer plusieurs cas, bien différenciés. Dans le premier,
on note la disparition pure et simple du grand méchant de fin du jeu (Alan
Wake
, Bioshock 2, Silent Hill Shattered Memories, The Saboteur, etc.). Le deuxième cas vous oppose à un
adversaire de fin de jeu, mais qui n'est pas vraiment différent des
autres ennemis lambda rencontrés auparavant, souvent dans un soucis de
réalisme, comme dans le dernier opus de Splinter Cell ou Assassin's Creed II, où il serait étrange de tomber d'un coup sur un
surhomme ou un monstre difforme. Enfin, la dernière catégorie regroupe
les jeux qui nous volent nos moments de gloire en expédiant le combat de fin en deux secondes, pour le voir se conclure via une cinématique. Le
cas typique est certainement celui de Gears of War 2 où le grand méchant ne devra être qu'ajusté avec
son viseur pour être détruit. C'est moins immersif, moins gratifiant,
mais beaucoup plus spectaculaire.

J'ai parlé au dessus des conclusions de
jeux, mais ce sont bien les boss dans leur ensemble qui disparaissent
progressivement. Leur ampleur, leur charisme, la durée du combat :
autant d'éléments marquants qui singularisaient ces moments
particuliers. Bientôt de l'histoire ancienne ? Tout ceci prend place
dans la mouvance actuelle rendant nos titres plus facile et accessible.
Il serait alors malvenu de proposer un adversaire capable de nous punir
en deux temps, trois mouvements et qui imposerait, comble du mauvais
goût, de recommencer le combat. Car derrière cette réflexion bon enfant, c'est bien de l'évolution de notre media dont il est question.

On constate en effet qu'avec le temps,
nos jeux s'émancipent de plus en plus de la mentalité arcade qui
présidait autrefois à leur conception. Il faut dire qu'il est peu aisé
de renier ses origines et les caractéristiques propres des softs
disponibles dans les salles enfumées jouaient sur plusieurs cordes
sensibles : la présence de boss pour accroître d'un coup la difficulté,
histoire de récupérer quelques pièces supplémentaires issues du
portefeuille du joueur, une logique de die and retry, pour les mêmes
raisons, ainsi qu'une course au scoring pour stimuler la concurrence
entre les gamers, désireux de faire « une toute dernière partie »,
histoire de parvenir à inscrire leurs initiales dans le tableau
récapitulatif listant les gros bras de la bornes.

La tendance induite par l'évolution
consiste à gommer ces habitudes issues de l'arcade. Et dans beaucoup de
cas, ce n'est pas forcément un mal. Résultat des courses : nos jeux sont simplifiés, plus faciles et ne misent plus tellement sur le die and
retry. Mieux, le game over tend à être aboli dans certaines productions (Prince of Persia, Heavy Rain). La recherche du scoring est clairement passée de
mode, hormis chez les gros fans de la vieille époque qui trouvent encore des jeux à leur mesure (citons Bayonetta et Sin and Punishment 2 dans les exemples récents, deux titres
offrant d'ailleurs un grosse pelletée de boss et sous-boss) et même
l'action, au sens brute, peut passer à la trappe (encore Heavy Rain, ou
même Silent Hill Shattered Memories, où les phases d'exploration sont
dépourvues de tout combat). Bien entendu, les jeux non violents ont
toujours existé (les point and click, les puzzle games, etc.), mais
cette tendance a la non-systématisation de l'action prend désormais ses
quartiers au sein des genres autrefois propices à faire tout péter.

Pour conclure, nous allons
emprunter la voie du milieu. Non pas dans un soucis d'être conventionnel et lissé, mais parce qu'elle représente bien souvent le compromis
salvateur. L'évolution de nos jeux est clairement une bonne chose. Le
media acquiert ses lettres de noblesse et rien ne nous dit que dans 20
ans, l'image du jeu vidéo sera la même qu'aujourd'hui dans l'inconscient collectif (autant de par la manière dont il est représenté que par les
codes qu'il utilise). Pourtant, il ne faudra pas que les expériences
purement arcade et old-school disparaissent, étant donné le potentiel de fun brut qu'elles abritent. Car elles seront à ce moment là un vibrant
témoignage de ce qu'était l'essence première du jeu vidéo : procurer du
plaisir.

 

Par CouCou

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