Souvent stigmatisé comme une industrie en crise, le monde du J-RPG peine depuis le passage à la "next-gen" à convaincre un public Occidental de plus en plus sensible aux RPGs empreints de superproduction hollywoodienne. Pourtant, dans l'ombre des blockbusters, se profile une nouvelle école à mi-chemin entre conservatisme et renouveau. Crimson Shroud en est un parfait représentant. Utilisant des mécaniques de gameplay vieilles comme le monde, le titre de Level-5 se distingue par une approche du genre sans concessions. Figurines, jets de dés... il ne manquerait plus que l'odeur musquée d'une poignée de rôlistes autour de vous pour parfaire l'expérience Crimson Shroud.

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J'aurais voulu être un rôliste, et je dois l'avouer, principalement pour pouvoir faire mon numéro... Manque de pot, j'ai traversé mon adolescence sans jamais pouvoir rejoindre un cercle d'initiés. J'ai bien essayé de combler ce manque à coups de bouquins d'heroic fantasy ou de RPGs sur PC façon Baldur's Gate, mais jamais je n'ai pu ressentir le plaisir de faire rouler une paire de dés sur une table et de connaître la frustration de me trancher le tibia suite à échec critique. Il m'a fallu attendre décembre 2012 et la sortie de Crimson Shroud sur 3DS pour qu'enfin j'atteigne le nirvana. Merci monsieur Yasumi Matsuno, je suis enfin un être complet.

En effet, tout le sel de Crimson Shroud se trouve dans son gameplay old school. Ici point de jauge ATB, de break damage limits, ou autre barbarisme dans l'ère du temps ; non. Dans Crimson Shroud le joueur lance ses dés et, au rythme d'un tour par tour très civilisé, taillade du gobelin avec entrain. Matsuno a poussé le vice à pouvoir "casser" ses dés et ainsi perdre quelques précieux points sur la somme de tous les dés lancés. Comme je vous le disais, il ne manque vraiment que le nuage odorant de quelques rôlistes pour parfaire le tableau

Autre point important, afin de progresser dans votre aventure vos personnages ne cumuleront pas de points d'expérience, chose peu commune dans l'univers des RPGs. Seuls les objets ramassés vous permettront d'augmenter vos statistiques et d'accroître le choix de vos compétences. Aussi, un système "d'artisanat" permet la confection d'objets puissants. Bien qu'un peu simpliste ce système se révèle assez vite prenant et jubilatoire pour le grosbill qui sommeil au plus profond de chacun d'entre nous. Tient le minotaure ! Prend ma flamberge +15 dans la mouille, tu m'en diras des nouvelles !

Le scénario, ainsi que l'univers du jeu ne brillent pas par leur originalité. Le joueur incarne un bellâtre accompagné de son fidèle compagnon et d'une mystérieuse, évidemment jolie, magicienne. Propulsé par un artifice scénaristique au coeur d'un donjon ancien, mystérieux, en ruine et peut-être même un peu maudit vous devrez passer une multitude de monstres au fil de votre épée pour espérer éclaircir l'obscurité qui entoure le mystérieux linceul cramoisi (Crimson Shroud pour ceux fâchés avec la langue de Vin Diesel). Chose appréciable, des segments d'histoires supplémentaires sont offerts au joueur qui pourra décider de les lire, ou non.

Il est possible de finir votre premier parcours en une dizaine d'heures. A noter toutefois que ce premier run se terminera en queue de poisson et qu'un deuxième run sera nécessaire pour faire la lumière sur le pourquoi du comment du que sais-je. Comptez une vingtaine d'heures pour finir les deux parties. Compte tenu du petit prix du jeu, c'est une durée de vie largement satisfaisante.

Néanmoins, pour ce qui est du visuel j'avoue être assez partagé. Les décors sont moches, les personnages - modélisés en figurines immobiles - sont aliasés et peu détaillés et d'une manière générale un sentiment de grisaille émane du jeu. Cependant, la 3D est convaincante et le chara-design des protagonistes efficaces, à mi-chemin entre Vagrant Story et Final Fantasy XII. Si les graphismes ne vous transporteront pas, il ne devraient toutefois pas être un frein à l'immersion.

Enfin, et pour donner un avis global sur le jeu de Yasumi Matsuno, je dois dire que j'ai été conquis. Oui, c'est vrai, les graphismes sont moyens, le scénario peu passionnant et pourtant, dans cette vieille marmite qui a déjà produit des milliers de jeux aux mécaniques similaires, Yasumi Matsuno parvient à nous concocter un festin. Plus qu'un "petit" RPG destiné à étoffer un catalogue 3DS léger en la matière, Crimson Shroud est une allégorie du marasme dans lequel l'industrie du J-RPG est plongée depuis quelques années. Alors que certains cherchent la solution dans une fuite en avant, abandonnant au passage les piliers qui ont servis de base à la création du monument qu'est le RPG une poignée de game designers se tourne vers le passé pour faire du neuf. Et il se trouve que, parfois, classicisme rime avec renouveau.

Testé sur une version américaine.