Jack Kirby et Stan Lee dans les années 70

 

Il n’y a aucun besoin, je pense, de revenir sur le groupe Marvel dont nous avons abondamment parlé dans notre rétrospective filmique et dans notre retour sur la vieille série animée X-Men (1992). Les X-Men apparaissent en tant que groupe de super-héros durant l’âge d’argent des comics, mais obtiennent quelques spécificités dont nous allons vite parler. La publication se fait d’abord tous les deux mois, avant de devenir mensuelle face au succès au tome 14 (novembre 1965), quand commence l’arc narratif des Sentinelles.

 

Le film Days of Future Past (2014) reprend en soi les sentinelles de 1965 (même si l’arc narratif mêlant futur et passé est contenu dans les opus de 1981).

 

La version 1963-1966 est scénarisée par Stan Lee, et dessinée par Jack Kirby. Né en 1922, Stan Lee devient scénariste et même rédacteur-en-chef pour Timely Comics dans les années 40, avant d’être engagé sous les drapeaux. Après les difficultés d’après-guerre et de multiples comics, il lance avec Jack Kirby les Quatre Fantastiques en 1961, redorant le blason des comics de super-héros, notamment en y traitant de personnages avec leurs propres failles et leurs propres questionnements sur leur appartenance à la société. Jack Kirby (1917-1994) est le créateur de Captain America en 1940, et continue son œuvre au sein de la société, et notamment pour les super-héros des années 60.

 

I. Les personnages

 

Durant cette première phase du comics, on nous présente dès le tome 1 une équipe complète de super-héros aux pouvoirs étranges, et qu’on appelle mutants. On retrouve ainsi quatre jeunes hommes, respectivement Angel, Beast, Cyclops et Iceman, une jeune femme, Marvel Girl, et leur professeur, Professeur X. Contrairement aux super-héros, les mutants sont tirés du commun des mortels avec des spécificités les rendant différent, sans qu’ils l’aient eux-mêmes voulus. Cela se marque parfois par des caractéristiques physiques bien différentes de celles des autres humains.

 

a) Les X-Men

 

L’orgueilleux et noble Angel a ainsi deux grandes ailes lui permettant de voler ; le scientifique Beast a une force et une agilité surhumaine, influant notamment sur la taille et la forme de ses pieds ; le calme et charismatique Cyclops porte des lunettes spéciales en permanence pour éviter de laisser les rayons énergétiques sortir de ses yeux et détruire les alentours ; le jeune et fougueux Iceman est capable de se transformer en morceau de glace, et de l’utiliser pour différentes choses ; la talentueuse et enjouée Marvel Girl peut utiliser la télékinésie, lui permettant de manipuler et de faire léviter les objets ou les hommes ; le vénérable Professeur X est quant à lui capable de lire les esprits, de sortir spirituellement de son corps, et est décrit comme le plus puissant des mutants.

 

L’équipe originale.

 

Leur personnalité s’affirme au fil de l’histoire, notamment le caractère sombre de Cyclops. Il est aussi intéressant de voir à quel point le Professeur X s’impose véritablement comme leur professeur et les entraîne aussi durement. La plupart des tomes commence d’ailleurs par un entraînement sévère et des chamailleries dues presque tout le temps à Iceman. Le langage de Beast suit le même cheminement : brut de décoffrage dans les premiers tomes, il se fait plus scientifique pour rappeler que c’est d’abord un intellectuel qui n’a pas choisi le moins du monde d’avoir une agilité et une force surhumaine. Contrairement d’ailleurs aux Avengers qu’ils rencontrent au tome 9 (janvier 1965) : le héros de l’Amérique Captain America, le manipulateur de taille Giant Man et sa compagne Wasp, le métallique Iron Man, et le puissant Thor.

 

Première rencontre entre deux mondes.

 

Ils ont parfois quelques difficultés à s’affirmer en-dehors de leur école et de leurs innombrables batailles contre des mutants maléfiques, préparant le terrain pour la suite faite de rejets et de vexations. Notons d’ailleurs que le X de X-Men signifie extraordinary, et levons ainsi un grand mystère : c’est le professeur qui les surnomme ainsi en raison de leurs pouvoirs exceptionnels.

 

b) Les antagonistes

 

On retrouve d’abord Magneto, le vilain du tome 1, qui revient accompagné au tome 4 (mars 1964) du groupe concurrent The Brotherhood of Evil Mutants. Il manipule le métal à souhait, et est particulièrement grandiloquent dans sa méchanceté, et assez peu profond en tant que personnage. Il est accompagné de Toad, le laquais aux pouvoirs proches de ceux de Beast, avec une agilité et une force surhumaine. On retrouve aussi le prétentieux Mastermind, maître des illusions, l’homme le plus rapide du monde Quicksilver et sa sœur Scarlet Witch, capable de lancer des sortilèges qui agglomèrent les objets et les humains pointés ensemble. Les deux derniers sont un peu plus humains que leurs semblables, et c’est leur affection l’un pour l’autre qui prime sur toute chose.

 

Souvenirs souvenirs. Enfin, pas pour moi.

 

Au-delà de cette confrérie concurrente, on trouve : le bandit the Vanisher (tome 2) et sa capacité de téléportation ; l’idiot et très résistant Blob (tome 3) ; Unus the Untouchable (tome 8) qui porte très bien son nom ; Lucifer (tome 9) et son pouvoir inconnu ; Ka-Zar (tome 10) le roi de la jungle ; le mystérieux Stranger (tome 11) ; l’instoppable Juggernaut (tome 12) qui apporte son lot de révélations avec lui ; les Sentinelles (tome 14) ; et enfin le jaloux Mimic (tome 19), capable de s’approprier les talents et les pouvoirs des gens alentour.

 

Les copains de Magneto.

 

II. L’histoire et les thèmes abordés

 

Sans traiter totalement de la différence avec les humains et de la haine anti-mutants, les 19 premiers tomes abordent peu à peu ce thème, qui devient comme on le sait un des principaux plus tard, notamment autour de la question des Sentinelles, ces robots destinés à massacrer les mutants à partir du tome 14, et autour de quelques discriminations parues ça-et-là. Le but des X-Men reste de s’entraîner dans l’institut du Professeur X, et tout ceci reste assez bon enfant. Le fait d’appartenir aux X-Men est une raison suffisante pour les protagonistes, d’autant qu’ils sont assez réticents à côtoyer la société humaine en-dehors des vacances accordées par le Professeur X. On reste dans une ambiance scolaire.

 

Le Juggernaut apporte quelques réponses.

 

Les super-vilains sont, eux, plutôt insignifiants, et manquent d’ambition. Même Magnéto reste un vilain de seconde zone, accompagné de mutants incapables, et dont le but est de détruire les X-Men sans véritable raison autre que le fait qu’ils sont sur son chemin. Néanmoins, dans le fond commence à transparaître le discours sur la supériorité mutante face à a race humaine composée de vulgaires Homo Sapiens, rhétorique qu’on retrouve dès le premier tome, et qui se radicalise dans la pensée du super-vilain. On connait la réponse plus mesurée qu’apporte Xavier à cet état de fait : des enfants extraordinaires à former et qui doivent servir la société et non la combattre.

 

Les Sentinelles, ou le premier projet anti-mutants.

 

Sans vouloir dévoiler des points-clés de l’intrigue, on retrouve tout de même en arcs narratifs la confrontation avec Magneto et son groupe aux tomes 4 à 8, avec même une apparition de Namor le Sub-Mariner au tome 6, l’histoire du Juggernaut aux tomes 12 et 13, et le passage avec les Sentinelles aux tomes 14 à 18. On ne retrouve que très peu de mentions sur le passé des différents protagonistes : après tout, le fait qu’ils soient des mutants était pratique pour l’auteur pour ne pas avoir à justifier de l’apparition de leurs pouvoirs comme pour les autres super-héros.

 

Conclusion

 

C’est toujours avec émotion qu’on revient au commencement d’une œuvre étalée sur près de 54 ans, et qui s’est développé du comics au cinéma en passant par les séries d’animation, les jeux vidéos, et que sais-je encore. La genèse des X-Men passe ainsi par des uniformes jaunes du plus bel effet, et qui change de l’uniforme bleu des 4 Fantastiques, mais aussi par une histoire qui entend parler de pouvoirs mystérieux et de lutte pour préserver la paix entre humains et mutants. Le virage narratif (et mensuel) pris par les Sentinelles à partir du tome 14 illustre une tonalité un peu plus sérieuse commençant à apparaître, et changeant un peu le côté école de super-héros.

 

Cyclops perd dans les films X-Men : son style, son charisme et son utilité. Damn it Scott.

 

Les dessins de Jack Kirby sont parfaits, le coloris jaune assez rare pour un costume de super-héros (ou de mutant), et l’histoire ainsi que les combats se laissent très bien suivre. Mentions spéciales aux acrobaties de Beast et aux facéties d’Iceman, qui pourraient justifier à eux seuls la lecture des premiers tomes. Notons aussi le caractère tourmenté et le charisme émanant d’un Cyclops bien différent de celui des films… Ainsi se termine cette revue des 19 premiers tomes des X-Men.

 

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