Cavanna n'est pas qu'un journaliste/éditorialiste, il est, ou a été
plutôt, un écrivain talentueux. Dans la veine d'un Alphonse Boudard, avec un langage argotique et une certaine nervosité dans les
descriptions, ce fils d'italiens dépeignait son enfance de manière
admirable dans son livre Les Ritals. L'enfance dans une
France en reconstruction, encore bricolée, avec la cruauté du quotidien
de ces chers bambins. Une enfance avec ses initiations également.
Premiers larcins, premières découvertes sexuelles. Du coup, derrière la
virulence du langage, se cache une grande tendresse et un beau livre sur l'enfance.

Dans l'extrait ci-dessous, on peut lire un portrait/critique du
narrateur à propos des pêcheurs. Drôle, vif et d'une
incroyable justesse. Le regard acéré ou comment critiquer les
petites gens, avec intelligence.

 L'écriture, toujours l'écriture

"Sur la Marne, il y a aussi les
pêcheurs. Des vieilles merdes qui louent un emplacement avec un piquet
pour amarrer une barque plate, peinte en vert, aussi déprimante à voir
qu'une pantoufle charentaise. Ils restent là, des plombes et des
plombes, à guetter le bouchon, faut avoir de la purée de marrons à la
place du cerveau.Et quand ils en sortent un, ces enfoirés, un gardon
comme mon petit doigt, je me barre, je les fracasserais à coups de
parpaing, je les balancerais à la baille, je sens la colère rouge qui
monte. Pourriture de braves gens ! Ils te décrochent la bestiole, la
gueule arrachée, la jettent dans le panier de zinc, et là, elle se
tortillera bâillera étouffera pendant des heures, tout ça pour que ces
connards à bidoche grise, à bajoues et à mégot aient un peu de saine
distraction au bon air !
"