On en reparle depuis qu'il réédite son livre le plus sulfureux, et également son livre le plus connu, Jean Raspail revient pour nous parler de ses craintes, de son attachement à ses racines presque trente ans après son roman d'anticipation, Le Camp des saints.
Une armada de pauvres venue d'Inde débarque sur la côte d'Azur. Panique des différents pays, l'ensemble des migrants représentent tout de même
plusieurs milliers de personnes. On suit le périple de ces cargos miteux en observant, à côté, le théâtre humain s'ébattre. Même si Raspail
tombe parfois dans la caricature, il n'en demeure pas moins un
styliste agréable et un analyste globalement pertinent. Le passage qui
suit correspond à la tirade que lance le vieux professeur à un jeune
hippie s'étant introduit dans sa demeure pour le menacer, ce dernier se
réjouit de voir disparaître le vieux monde du professeur à la retraite. 
 Jean Raspail
 « C'est exact. J'ai toujours mené une vie paisible d'un professeur de lettres
qui aimait son métier. Aucune guerre n'a eu besoin de mes services et
les tueries d'apparence inutile m'affligent physiquement. J'aurais
probablement fait un bien mauvais soldat. Toutefois, avec Actius, je
crois que j'aurais joyeusement tué du Hun. Et avec Charles Martel,
lardant de la chair arabe, cela m'aurait rendu fort enthousiaste, tout
autant qu'avec Godefroi de Bouillon et Baudoin le lépreux. Sous les murs de Byzance, mort aux côtés de Constantin Dragasès, par Dieu ! que de
Turcs j'aurais massacrés avant d'y passer à mon tour ! Heureusement que
les hommes qui ignorent le doute ne meurent pas si facilement ! Aussitôt ressuscité, me voilà taillant du Savlon en compagnie des Teutoniques.
Je porte la croix sur mon manteau blanc et je quitte Rhodes l'épée
sanglante au poing, avec la petite troupe exemplaire de Villiers de
L'Isle-Adman. Marin de don Juan d'Autriche, je me venge  à
Lépante. Belle boucherie ! Puis l'on cesse de m'employer. Seulement
quelques broutilles qui commencent à être mal jugées, de l'histoire
contemporaine, une triste plaisanterie, je ne m'en souviens déjà plus
très bien. Tout cela devient si laid : plus de fanfares, plus
d'étendards, plus de Te Deum. Pardonnez la pédanterie d'un vieil
universitaire radoteur. Evidemment je n'ai tué personne, mais toutes ces batailles dont je me sens solidaire jusqu'au plus profond de mon âme,
je les revis toutes en même temps, j'en suis l'unique acteur, avec un
seul coup de feu. Voilà !
 »