Suite et fin de cette longue histoire qui a secoué fin octobre le web grand-breton.

 

Le web ne manque pas de détectives en herbe et il est très difficile d'en effacer ses traces. C'est ce qu'a découvert à ses dépens Lauren Wainwright, jeune journaliste de jeu vidéo qui a obtenu la censure partielle d'un article la citant (voir les articles précédents).

 

Oui, les gens se sont mis à scruter son activité sur internet et sans chercher beaucoup, ils ont vite trouvé, par exemple, son CV sur le site spécialisé Journalisted. En voici la photo :

Quelque chose est frappant, non ? Voilà donc une jeune journaliste qui cite parmi ses employeurs actuels plusieurs sites de jeux vidéo, en plus de son activité régulière de journaliste à MCV. Rien de plus normal, pour une jeune rédactrice que de conserver une dimension freelance et de diversifier ses sources de revenu ? Certes, mais est-il normal que cette diversification aille jusqu'à inclure Square-Enix ? Et que ses activités passées incluse un passage dans une boite de relations presse (Barrington Harvey) ? Sans doute pas et les clichés du CV se répandent sur les forums.

 

Lauren tweete alors que certes elle a été « consultante » pour Square-Enix mais qu'elle n'écrit pas sur leurs jeux. Très bien...

Mais voilà que maintenant resurgissent en nombre les captures d'écran montrant ses tests et previews sur Deux Ex, Sleeping Dogs, Lara Croft and the Guardian of Light, etc ... Pas bon. Puis on apprend que le groupe Intent Publishing, propriétaire de plusieurs magazines en plus de MCV, s'apprêtait à publier un quatre pages signé Loren Wainwright sur le futur Lara Croft...

 

Bon, elle vient donc de s'afficher en train de mentir sur son comportement et son éthique journalistique. Ca commence à être la cata... Et là, sans doute toujours très mal conseillée, elle se met à tenter - en vain - d'effacer ses traces. Elle modifie le CV sur Journalisted. Elle efface ses tweets sur le swag, les fêtes de RP, etc, avant de finalement rendre privé son tweeter. Certains de ses tests sont toujours référencés sur les sites où ils ont été publiés (IncGamers, Giantbomb ...) mais ne s'affichent plus ... L'article de son blog intitulé « How to break into the videogame business », où elle indiquait à quelle point son amie Korina de chez Ubisoft s'était révélée indispensable au fil du temps, ne s'ouvre plus.

 

Mais les captures d'écran continuent à pleuvoir et cette fois c'est le CV de son amie Korina Abbott qui ressort. Elle travaillait bien chez Ubisoft à l'époque ... aux RP. Et maintenant que fait-elle ? Je vous le donne en mille : directrice du marketing pour Square-Enix Royaume-Uni !

 

En bref, c'est la cata totale, l'explosion en vol. On en a presque de l'empathie, tellement tout ça doit être dur à vivre. Après tout, elle est jeune, ça avait l'air de marcher plutôt bien et puis deux ou trois très mauvaises décisions dans un moment de forte tension et tout s'écroule avec toute la cruauté que peut générer internet.

 

Le problème, c'était dans le fond qu'elle n'a visiblement aucune idée de ce que peut constituer une éthique journalistique. Mélanger les genres, copiner avec les gens sur qui elle écrit, c'est comme ça qu'elle travaille au quotidien, sans s'en soucier une seconde. Après tout, elle est sans doute mal payée et passionnée alors le swag, les jeux ou les consoles gratuites, c'est très apprécié. Pour accéder aux jeux qu'elle teste, elle copine. Pour obtenir des sujets d'article, elle copine et l'essentiel de ses papiers consiste à extraire la substantifique moelle d'un communiqué, annonçant un trailer, une date de sortie ou accompagnant des screenshots. Pour accéder aux évènements jeu vidéo, elle copine aussi, sinon, pas d'invitation.

Ces gens deviennent ses amis, partageant après tout la même passion. Et comme elle dit, ils l'aident bien. Et comme disent tout ceux qui se sont précipités pour la défendre, il n'y pas d'autre façon de travailler, mon bon monsieur.

 

Mais si. Justement, a priori on peut faire du journalisme sans manger à tous les râteliers. On peut s'informer sur un jeu sans chercher à gagner des ps3 ou sans suivre les RP dans toutes leurs initiatives certes sympathiques et plaisantes mais parfois, semble-t-il, hors de propos. Ca demande un effort et quelques principes et c'est justement ce que réclamait Robert Florence dans sa tribune, pour donner le moins de prises possibles à la suspicion. Sinon, à un moment donné, on peut se demander si un journaliste jeu vidéo freelance, ce n'est pas surtout une extension freelance des RP de l'industrie. Il semble qu'une telle confusion soit activement encouragée par les RP, sans poser aucun problème à pas mal de journalistes. Tout le monde est content et malheur à celui qui crache dans la soupe...

 

Seulement s'il y a journalisme, il y a aussi un lecteur. Certes il ne paye souvent plus mais et il s'attend à de l'indépendance et de l'honnêteté, sous peine de ne plus cliquer et faire rentrer les revenus de la publicité.

Et puis il y aussi d'autres journalistes et plusieurs ont fait entendre leur voix, malgré les pressions, pour soutenir Robert Florence et s'indigner de comportements qui rejaillissent sur l'ensemble de la presse jeu vidéo. Plusieurs... mais bien peu quand même, qui plus est en expliquant parfois avoir fait l'objet de pression contraires de leurs pairs et de leurs amis dans l'industrie. Parmi ces courageux, donc, on peut penser à Tom Bramwell, bien sûr mais aussi à John Walker (Rock Paper Shotgun), à Erik Kain (Forbes) ou au site Penny Arcade. Je conseille d'ailleurs tout particulièrement la lecture des articles et des fils de commentaires du blog de John Walker, qui comporte de nombreux débats et parfois des interventions d'autres journalistes.

 

Au final, tout ceci est bien moche, mauvais pour le climat et un peu désolant, d'autant que quelques jours plus tard, la plupart des sites semblent ravis d'oublier les questions initiales posées par la tribune.

 

Quant à la France ...Certes, ça a eu lieu outre-Manche. Je trouve néanmoins étonnant que Gameblog n'en ait pas du tout parlé (à ma connaissance en tout cas) car certaines de ces questions d'éthique et d'indépendance se posent sans doute aussi sur le web et dans les rédactions françaises. Et puis pour une fois qu'il se passe quelque chose dans le petit monde du jeu video...