La plupart de mes lecteurs savent que je ne suis pas le plus grand des fanatiques de la marque à la pomme. Mon recul sur cette entreprise, qui semble être devenu la raison de vivre de millions de personnes, ne m'empêche pas de m'attrister de la disparition de son fondateur, et ce même si je considère comme indignes et superflues les multiples effusions dont il a fait l'objet. Ainsi, j'avoue regretter le décès d'un des pionniers de l'informatique, lui qui inventa notamment le concept d'ordinateur personnel.

Même si les révolutions apportées par Apple et son génial visionnaire peuvent déranger, elles n'en sont pas moins bien réelles. Entrée des ordinateurs dans tous les foyers, succès de la musique payante en ligne, intuitivité des appareils électroniques, principe de l'application... Les exemples sont nombreux et sont la preuve de l'inventivité d'un homme qui a su comprendre avant les autres les véritables attentes des consommateurs. Par ses inventions successives (Apple computer, Macintosh, iMac, iPod, Macbook, iPhone et iPad,  Steve Jobs a fait d'Apple la première entreprise du monde (par sa cotation boursière). Alors, même si on n'apprécie pas l'homme, dont les valeurs et les méthodes sont comparables à celle des pirates d'antan, on ne peut qu'admirer l'œuvre.

Cependant, au lendemain de la disparition de son leader historique, la question même de la survie d'Apple se pose. En effet, on peut légitimement se demander quelle sera la prochaine innovation qui, après l'iPad, viendra soutenir la croissance de l'entreprise. Combien de temps les différentes itérations de l'iPhone et de la tablette la plus vendue au monde pourront continuer d'intéresser les consommateurs ? Car si l'on regarde de plus prêt le rythme d'innovation d'Apple depuis sa création, on se rend compte que la firme de Cupertino s'est évertué à proposer un nouveau produit tous les 5 ans environ.

Apple computer

1976

Macintosh

1984

Power Macintosh

1994

iMac 1998

iPod

2001

iPhone

2007

App Store

2008

iPad

2010

Apple dispose donc d'environ quatre ans avant que ses Mac-addicts, avides de nouveauté, ne commencent à sortir de la transe provoquée par la sortie de l'iPad. La question est donc de savoir si M. Jobs avait déjà imaginé sa prochaine innovation avant de nous quitter. Si tel est le cas, Apple dispose d'un répit relatif jusqu'en 2020. Cependant, la proximité des annonces de l'iPhone et de l'iPad peut laisser penser que la direction d'Apple avait décidé d'accélérer le rythme des sorties de ses innovations pour soutenir une croissance rapide du chiffre d'affaires. De ce fait, elle allégeait le planning de production des produits non-annoncés.

Cette inquiétude sur la capacité d'Apple à renouveler ses produits actuels est d'autant plus pertinente que les produits en question représentent la plus grande partie du chiffre d'affaire de la société et qu'ils sont de plus en plus concurrencés.  En effet, l'iPhone et l'iPad représentaient près de 70% du revenu d'Apple en 2010 et il semble que cette part ne fasse que s'accentuer. Il apparaît donc qu'Apple ne peut s'appuyer sur les produits à revenu stables que sont les ordinateurs personnels et iTunes pour se maintenir à moyen et long terme.

 Répartition du chiffre d'affaires d'Apple par catégorie en 2010 / Répartition du chiffre d'affaires d'Apple par produit en juin 2011

Ces graphiques nous montrent bien à quel point la croissance de l'entreprise est fondée sur le chiffre d'affaires généré par les innovations et donc à quel point ces dernières sont primordiales pour l'avenir de la firme de Cupertino.

Sans véritable innovation combien de temps l'iPhone et l'iPad maintiendront-ils leur niveau de vente face à la concurrence ? Même si l'iPhone 4S bat tous les records de préventes, on ne peut douter du fait que sans un vrai renouveau, ses ventes s'éroderont face aux attaques de produits de qualité équivalente et moins chers comme le Samsung Galaxy S2. Les futurs téléphones de Nokia équipés de Windows 7 sont également de redoutables adversaires qui devraient inquiéter Tim Cook, nouveau capitaine à la barre du navire Apple.  Le marché des tablettes est également une menace pour Apple. Preuve en est des ventes extraordinaires réalisées par le TouchPad d'HP lorsque celui à vu son prix sacrifié. On peut ainsi penser que le Kindle Fire d'Amazon, déjà précommandé à plus de 250 000 exemplaires, viendra grignoter la part de marché d'Apple.

Face à ces menaces bien réelles, l'équipe de Tim Cook pourra-t-elle maintenir le cap ? Apple peut-il survivre à son fondateur ? L'histoire semble montrer que non. En effet, lors de son départ forcé en 1985, l'entreprise avait progressivement décliné jusqu'à risquer la faillite en 1997, poussant même le magazine Wired à supplier ses lecteurs de prier pour le salut de la marque.

Couverture de Wired magazine de juin 1997

Ce n'est que le retour de Steve Jobs en 1996, puis sa nomination au poste de CEO qui sauveront Apple de la liquidation judiciaire. C'est en remettant à l'ordre du jour une politique d'innovation perpétuelle que le créateur de l'entreprise arrivera à réanimer ce à quoi il avait donné naissance près de 20 ans auparavant.  L'iMac puis l'iPod seront les fers de lance de la renaissance de la firme de Cupertino, produits portés par un marketing unique qui fidélisera des millions de consommateurs.

A ce jour, aucun élément ne me fait penser qu'il en sera différemment cette fois. Des rumeurs, nombreuses, courent sur le fait que cette fois Steve Jobs a préparé son départ et que des personnes compétentes et visionnaires sont prêtes à reprendre les rênes. On peut y croire, on peut en douter. Pour ma part je vois, pour le moment, plus de pluie que de soleil dans l'horizon d'Apple.

Sans ses innovations Apple n'est plus une entreprise essentielle aux consommateurs puisque tous ses produits ont déjà leurs équivalents sur le marché. L'équipe de Tim Cook devra donc remplacer au pied levé Steve Jobs ou bien voir son entreprise sombrer lentement mais surement.

 

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