Souvent considérés comme un passe-temps plutôt que comme de
véritables jeux vidéo, les applications ludiques que l'ont peut croiser en
permanence sur Facebook n'en sont pas moins de véritables machines de rentabilité.
En raison de leurs moteurs graphiques limités et de l'absence de frais de
distribution, le coût de développement et de commercialisation d'un tel jeu
reste très abordable. De plus, les chiffres disponibles sur les revenus générés
par ces applications laissent pantois : CityVille aurait par exemple déjà rapporté plus de 650
millions de dollars selon certaines sources.

Contrairement aux jeux retails classiques, il est
impossible d'avoir des chiffres de vente précis pour les jeux communautaires.
En effet, chaque joueur dépense la somme qu'il désire et ce, lorsqu'il le
souhaite (et donc pas forcément au moment de l'acquisition du jeu comme pour
les jeux retails). Les instituts comme GFK ou NPD ne peuvent donc pas en donner
les revenus précis, mais ils proposent quelques techniques d'approximation. Une
étude du dernier cabinet cité remarque par exemple que 10% des personnes jouant
sur Facebook y dépensent de l'argent. Une autre étude réalisée par la société
de micro-transactions évalue à 55 dollars la dépense moyenne de ces joueurs. En
croisant ces deux résultats, on peut se rendre compte de l'ampleur de la manne
dégagée par ces applications. Encore une fois ces chiffres varient d'une étude
à l'autre mais on se rend bien compte des sommes hallucinantes dont il s'agit.

Prenons un exemple. Si l'on en croit le site de
statistiques Facebakers, l'audience du
dernier né de Zynga, CityVille, s'élèverait à 98 millions de personnes. En
reprenant les coefficients notés plus avant, on obtient un résultat estimé de
539 millions de dollars, tout simplement. Même en prenant une fourchette plus
basse on imagine très vite à quel point un jeu qui connaît le succès sur
Facebook peut être rentable pour son éditeur. Surtout quand on sait que les
coûts combinés de développement et de marketing pour ce type de jeux dépassent
très rarement le million de dollars.

On comprend mieux pourquoi tous les grands éditeurs n'ont
pas tardé à se ruer sur ce nouveau gâteau, prenant ainsi la suite des leaders
de l'industrie que sont Zynga, Playfish et Playdom. Ainsi, Electronic Arts a
récemment fait l'acquisition de Playdom (novembre 2009) pendant que l'éditeur
français Ubisoft se lançait dans la course. Ne reste qu'Activision, a qui les
ventes astronomiques de la série phare des Call of Duty semblent suffire pour
le moment.

Si l'on comprend bien le succès rencontré par ce type de
jeux auprès des éditeurs, il s'agirait maintenant d'expliquer son succès auprès
des utilisateurs de Facebook. Une des premières explications que l'on pourrait
donner est la base commerciale gigantesque que représente le premier réseau
social du monde. Lancer un jeu sur Facebook c'est s'introduire sur un marché
potentiel de 500 millions de personnes. Ajoutez à cela que l'accession aux
applications ne nécessite que quelques clics et une gratuité de façade et vous
obtenez là un outil de pénétration d'une efficacité redoutable. On estime ainsi
à 20 le nombre d'applications Facebook avec plus de 10 millions d'utilisateurs
et à 250 le nombre de ces applications attirant plus de 1 million de joueurs.

Mais, la recette miracle des jeux Facebook ne tient pas que
cela. Une fois l'application installée par le consommateur, il faut réussir
à le garder sur l'application. C'est ce que l'on appelle la rétention
(terme barbare que ne veux pas dire que l'éditeur vous maintiendra scotché au
jeu contraint et forcé). Le premier pilier de la rétention est bien sur le
gameplay. Sans un bon gameplay aucun jeu, casual ou pas, n'aurait de succès. Il
faut donc un gameplay très ouvert et à la difficulté progressive, fonctionnant
par l'apparition permanente d'objectifs à remplir et appelant toujours une
récompense. Il est préférable également d'avoir une durée de vie a priori
illimitée. Dans CityVille par exemple, les possibilités de croissance de votre
ville sont infinies et aucune fin n'est précisement définie. Le dernier élément,
et sans doute le plus important, est l'addictivité. Un jeu social à succès
propose des updates permanentes, des nouveautés constantes et un système
d'accession aux objets et aux améliorations liés au temps de jeu et à
l'expérience. En clair, le jeu vous poussera en permanence à progresser afin
d'accéder à de nouvelles récompenses.

L'application CityVille par Zynga

Le deuxième
pilier de la rétention est la viralité. En vous poussant à communiquer vos
réussites via les outils communautaires de Facebook le jeu atteint deux
objectifs. Le premier, comme vu précédemment, est celui de vous poussez à
continuer à jouer en vous récompensant de vos réussites et en vous permettant
de les montrer. Le deuxième est un objectif de recrutement. Les différents
messages que vous laisserez sur votre mur par l'intermédiaire du jeu pousseront
vos connaissances à en faire l'expérience. Cette émulation est au centre de la
spirale du succès d'un jeu communautaire et est renforcée par la possibilité
d'échanger cadeaux et objets dans le jeu.

Le dernier point qu'il nous reste à étudier est la manière
dont les éditeurs s'y prennent pour que les joueurs nouvellement recrutés
dépense effectivement de l'argent sonnant et trébuchant. Trois techniques sont
mises à l'œuvre à ce niveau. La première est celle de la promotion. Des
évènements et des rabais sur certains objets ont lieu régulièrement. Ces
derniers donnent l'impression au joueur de profiter d'une bonne affaire sur
laquelle il devra donc se ruer. Ce principe bien connu de tous est également
appelé « soldes » dans nos contrées. Petite différence tout de même,
ces évènements ne devront jamais être prévisibles afin que les joueurs
n'attendent pas toujours une promotion pour faire leurs achats. Deuxième
technique : la double monnaie. Tous les jeux sociaux sont basés sur le
fait qu'un certains nombres d'actions à réaliser sont possibles  et que
lorsque ce nombre d'actions est épuisé il est nécessaire d'attendre un certain
laps de temps pour pouvoir en profiter à nouveau. Ce qui pour conséquence une
courbe de progression et de déblocage des objets lente et parfois frustrante.
Le jeu donne la possibilité de l'accélérer en mettant à disposition des points
d'actions payants ainsi que le déblocage payant des objets. Les prix de ces
points d'actions et objets sont généralement disponibles dans deux monnaies
différentes, la plupart des objets ne pouvant être achetés qu'avec une seule
des deux monnaies. L'envie de progresser saisissant le joueur, il sera ainsi
enclin à dépenser de véritables devises pour progresser dans le jeu. Cela
pousse donc le joueur à dépenser de l'argent sur les deux fronts. La troisième
et dernière technique utilisée se rapproche de la promotion. Il s'agit des
objets exclusifs dont la disponibilité est limitée dans le temps. Le prix n'en
est généralement que plus élevé mais c'est l'exclusivité de l'objet qui va
pousser le consommateur à l'acquérir. La durée de ces ventes flash peut aller
de quelques heures à quelques jours.

L'achat de points d'action dans CityVille

En conclusion je dirais que nous avons devant nous un
business model qui convient à la fois aux éditeurs et aux consommateurs. Il
faut donc s'en réjouir. Du côté de l'éditeur, la rentabilité d'un tel jeu, s'il
connaît le succès, est tout bonnement hallucinante. De l'autre côté le
consommateur se voit proposer un jeu amusant et motivant, facile d'accès et
dont il est totalement libre de fixer le prix. Les mécaniques employés dans le
jeu même peuvent sembler trompeuses mais ne sont pas différentes de celles
utilisées par n'importe quelle commerçant. Accueillons donc avec enthousiasme
une nouvelle manière de jouer qui permet à de très nombreuses personnes d'enfin
pénétrer dans le monde merveilleux du jeu vidéo.