Dans les deux premières parties cet article, nous avions abordé le sujet
délicat des accusations gratuites et incessantes faites au jeu vidéo mais aussi
les effets positifs que la pratique vidéoludique pouvait avoir sur nos enfants.
Nous avions ainsi tenté d'inscrire en faux les idées reçues nombreuses et
virulentes qui gangrènent l'image publique de notre loisir favori, à l'image de
celles constamment relayées par notre gouvernement. 

 

Face à cette injustice et à ces mensonges outranciers, les joueurs et les
journalistes spécialisés sont les premiers à s'offusquer et à se donner corps à
âme pour la défense du jeu vidéo. Ils ont bien entendu à cœur de défendre ce
qui les fait vivre que le jeu vidéo soit leur passion ou leur gagne-pain, ou
bien encore les deux. Cependant, cet effort louable est loin de suffire au
service entier de notre cause et la lutte nécessite le soutien de tous les
acteurs de la planète jeu vidéo et notamment celui de ceux qui créent et
vendent les jeux, les développeurs et les éditeurs.

Qu'en est-il donc de l'implication de ces derniers dans cette glorieuse
lutte ? Agissent-ils en féroces défenseurs de la liberté de créativité en
présentant un majeur fier et turgescent aux détracteurs de notre média ? Ou
bien cèdent-ils à la pression des bien-pensants de ce monde en se censurant,
offrant ainsi leur anus apeurés à la pénétration de l'imbécilité collective ?

Le débat est certes profond et compliqué, car pour bien faire il nous
faudrait étudier la teneur en "mature" des jeux vidéo depuis les
années 1980. Cependant, comme les critiques à leur encontre sont relativement
récentes, je pense que la meilleure option est d'observer les jeux actuels.

Alors certes, en faisant un tour rapide des jeux disponibles sur le marché,
il semble que la pression sociale n'ait pas empêché de nombreux jeux matures d'être
édités et de rencontrer un certain succès commercial. Petit tour d'horizon.

Incitation
au vol, violence gratuite et  jouissive,
échanges de fluides sexuels, caricature raciale et homophobe, dictionnaire
encyclopédique de la drogue, multiples atteintes au code de la route...


Formes
humaines consanguines et exposées à une forte radioactivité, automutilation,
écrasement de nourrissons, découpage industriel de membres...

Aiguisage
de tronçonneuse sur êtres vivants, jurons paillards en tout genre, destruction
de crânes à la main, insultes à l'adversaire...

Déchirage de tutu, crépage de
chignon, vol de ballerines...


Bref, nous aurions pu prendre de nombreux
autres exemples (God of War 3, la plupart des FPS) mais le constat est là: le
choix en contenu mature est plus que fourni. Il semble donc que les allégations
sur les conséquences de la violence dans les jeux vidéo n'empêchent pas les
développeurs de créer des expériences visuelles contenant plus sauce de trippes
à la seconde que "Saving Private Ryan". Contrat rempli de ce côté là.

Pour autant, il arrive souvent aux éditeurs de
baisser leurs pantalons lorsque les critiques, justifiées ou pas, se font trop
entendre. Ils en ressortent les fesses rouges et douloureuses, la queue entre
les jambes et les yeux noyés de larmes, faisant passer toute l'industrie du jeu
vidéo pour un enfant turbulent que l'ont aurait grondé. Les gamers passent dans
le même temps pour des gérontophages assoiffés d'hémoglobine et se repaissant
des gargouillis désespérés d'un bœuf que l'on égorge.

Les exemples de lâcheté de la part des
éditeurs sont nombreux :

- Abandon des Talibans dans Medal of Honorsous la pression d'Américains enivrés d'étoiles et de bandes, outrés des
horreurs commises par des fous dans un pays qu'ils ne savent pas placer sur une
mappemonde et d'un gouvernement qui justifie ses multiples invasions par le
fanatisme (bien réel pour autant) de ses adversaires.

- Annulation pure est dure de Six Days for
Fallujah
ici aussi pour préserver la mémoire de soldats américains, tombés
dans l'arène irakienne.

- Et tant d'autres...

On voit donc bien que certaines "zones
matures" sont exploitables, mais que sur certains faits d'actualité ou
historiques les éditeurs n'osent plus se risquer. La censure est bien réelle et
semble être acceptée sans trop broncher par la plupart des publishers. Même si
l'on peut comprendre les arguments de ceux que ces éléments choquent, il est inacceptable
qu'un jeu puisse être réaliste sur certains points mais qu'ils doivent omettre
d'autres pans de l'histoire par conformité et par "respect" des
valeurs établies. On peut donc massacrer des Vietnamiens dans Call of Duty:
Black Ops, mais pas question de voir des soldats américains prendre une ville
en Irak.

Les jeux vidéo actuels ne manquent donc pas de
violence ou de réalisme guerrier. Ils en regorgent et en abuse même parfois. Par
contre, ils manquent d'impertinence, d'humour anticonventionnel et présentent
trop souvent les évènements et les personnages dans une optique occidentale.

Cependant, l'idéal de jeux différents et osés
n'est pas mort. Certains développeurs indépendants n'hésitent pas à user
d'humour décalé et de dénonciation de notre système économique et social.

World
of Goo: dénonciation de la société de consommation, des grosses sociétés, de la
prédominance de l'information immédiate, du règne du paraître...


Super
Meat Boy: un petit tas de bœuf fraîchement broyé doit sauver sa dulcinée,
Bandage Girl, enlevée par le terrible Dr Fœtus. Tout est dit.


La conclusion est donc simple. Nous devons en tant que joueurs ou
journalistes pour ceux qui pratique cette profession, soutenir sans relâche les
jeux qui osent, faisant fi de la pensée unique et aseptisée, et punir les jeux
et éditeurs complaisants qui petit à petit effritent la crédibilité
difficilement établi du média jeu vidéo.

Vidéoludiquement,

Arthur