Red Dead Redemption vient de remporter le Video Game Award du meilleur jeu, de la meilleure bande son originale et de la meilleure chanson originale pour un jeu, avec « Far Away », de José Gonzales. Evidemment. Personne n'a oublié la première chevauchée dans les vallons ocre et coupants du Mexique.  Le soleil se couche, tourne à l'écarlate. Quelques notes terreuses de guitare résonnent entre les amas rocheux, puis... la voix. Caverneuse, mélancolique, rude. José Gonzales laisse échapper une pépite country folk, dans cette vision magistrale du « poor lonesome cowboy ». L'OST de Red Dead Redemption nous transporte sur les pistes poussiéreuses de l'Ouest,  dans le sillage sablonneux d'Ennio Morricone.

 

Chez Rockstar, on est coutumier de la compilation vorace de morceaux plus ou moins reconnus et toujours pertinents quant à l'ambiance de leurs jeux. Les inoubliables stations de radios de GTA dépeignent d'ailleurs quelque chose du dédale urbain, des strates métropolitaines. Pour Red Dead, il est vite apparu que des chansons bien connues ne colleraient pas, d'autant que le jeu se déroule au début du XXe, bien avant l'émergence de la toute puissante industrie du disque.

Ivan Pavlovich, le superviseur des B.O chez Rockstar, a été approché par le manager du collectif instrumental, Friends of Dean Martinez. Quelque part entre country moderne, rockabilly psychédélique et blues râpeux, Friends of Dean Martinez se rapproche de Calexico (certains membres officient d'ailleurs dans les deux groupes).  C'est un collectif à géométrie variable, signé sur le très réputé label Sub Pop Records. Ci-après, un extrait de leurs travaux pré-Red Dead, la reprise du "Summertime" de Gershwin, version désert et serpent à sonnette.

 

Chefs de fil de Friends of Dean Martinez, Bill Helm et Woody Jackson ont écrit plus de 14 heures de musiques sur 15 mois pour le dernier née de Rockstar. Les deux musiciens ont travaillé pour le cinéma, avec des participations à la BO de Fast Food Nation et de Ocean's 13. Totalement novices dans l'exercice de la composition vidéoludique, ils ont beaucoup expérimenté pour ce projet gargantuesque.

Les premiers mois, il s'agissait plus d'essayer des choses, d'improviser, voir comment cela pourrait fonctionner avec tel ou tel musicien. De gros jams sont organisés, avec comme on peut l'imaginer, beaucoup de pistes non exploitées. Chaque musicien donne son interprétation des thèmes du jeu. « Quand on enregistrait des cuivres, je donnais au trompettiste Mike Bolger quelques références. Il est revenu avec des parties de cuivre orchestrées pour tout le monde [...] C'était très créatif et ouvert. » explique Woody Jackson dans les colonnes du Guardian.

 

Pour répondre aux besoins spécifiques du jeu vidéo, c'est-à-dire son caractère sans ruptures, « seamless », Helm et Jackson se sont imposés une norme drastique : tout est composé en la mineur, à un tempo de 130 battements par minutes. Malgré cette contrainte forte, les compositions se muent d'un environnement à l'autre. Les notes suspendues de pianos, les sifflements tranquilles, les sons échappés d'un harmonica dans les plaines de New Austin, laissent place aux trompettes tourmentées et aux maracas au Mexique.

La soundtrack foisonne de sons inextricables, de basses louvoyantes, de percussions galopantes, de mélodies épiques. « J'ai même utilisé un battement de cœur. Nous avons eu un bébé et j'ai enregistré le battement de cœur comme une batterie. Les gens de l'hôpital ont pensé que j'étais fou. J'enregistrais avec mon Iphone, en disant 'repassez le scanner sur ce ventre' » explique Jackson. Une chose est sur, mon cœur et tout le reste, ont été transporté par le thème "Born Onto Trouble". Certes, nous n'atteignons pas les sommets de grandiloquence tragique du "Man with Harmonica" de Morricone, ni l'allant du "Main titles" de Bernstein pour les "Septs Mercenaires". Mais du haut de cet aplomb rocheux, bombant le torse sur notre scelle, on ne se sent pas si différent de l'homme des hautes plaines.