Je viens de retrouver un de mes devoirs de Mise en Scène de quand j'étais en dernière année d'école de cinoche. Il fallait choisir un extrait d'un film de Stanley Kubrick et l'analyser.
 Je vous le livre tel que je l'ai rendu, fautes d'orthographe comprises (:D) car je me suis dit que si comme moi vous avez aimé ce film ça pourrait vous intéresser voire même ouvrir un débat. (pour ceux qui se le demandent déjà : j'avais eu genre 14 ou 15)

/!\/!\/!\/!\/!\ SPOILER ALERT : vu que j'ai choisi comme extrait la fin du film, si vous ne l'avez pas vu et que vous voulez garder un esprit vierge bah ne lisez pas la suite. Vous aurez été prévenu !

/!\/!\/!\/!\/!\Et OUI j'ai placé une référence à Metal Gear Solid dedans ! Oui mesdames et messieurs j'ai osé ! :-)

Extrait choisi : la (longue) séquence de fin du film «Full Metal Jacket» avec la tireuse vietnamienne embusquée qui abat les Marines un à un, jusqu’à la toute fin du film.

Introduction :
    J’ai choisi cette très longue séquence non seulement pour son intérêt de mise en scène, mais surtout pour tout ce qu’elle représente et tout ce qu’elle met en exergue vis-à-vis du reste du film et de ses thèmes implicites : l’endoctrinement, la sexualité comparée à la guerre et le machisme omniprésent. En effet, plus qu’un de guerre réaliste, Stanley Kubrick nous livre une oeuvre encore une fois très portée sur la sexualité et les relations hommes/femmes. Ainsi, le programme d’endoctrinement des Marines est ici une métaphore du deuil de la figure de la mère et du machisme hétérosexuel masculin...

    En effet, dans la première partie du film, le Sergent Instructeur Hartman met en place un programme d’endoctrinement des Marines qui sert à faire le deuil de la figure de la mère dans l’esprit des soldats et à la transformer en armes de guerre. Plus précisément, il cherche à les transformer en tueurs utilisant des phallus géants (leurs fusils) pour tuer (violer) leurs ennemis. Il est question ici d’une figure extrêmement machiste de la masculinité dans laquelle la féminité est évincée. Ainsi, on retrouve dans les décors beaucoup de structures phalliques (les piliers, les arbres, certaines structures d’entrainement, les armes etc...). On retrouve aussi beaucoup de références phalliques et sexuelles dans les dialogues et les propos de l’instructeur. Ainsi, les soldats sont poussés à chanter des textes machistes en se tenant l’entre-jambe ou à chanter des textes disant que les femmes c’est bien mais que leur seule amie est leur arme. Ainsi, le phallus que représente l’arme se retrouve féminisé. Dans leur esprit ils doivent donc passer de l’amour pour leurs mères à l’amour pour leurs armes.

    Cette ambiguité tend à montrer que l’armée endoctrine ses troupes en faisant du désir de tuer un désir sexuel frustré à l’extrême dans lequel les capacités de chaque soldat sont mises en doute à la limite de l’accusation d’impuissance. C’est ainsi que l’on peut interpréter l’incapacité à obéir et à réussir du soldat Pyle (dit «grosse baleine») qui lui valent les brimade de son supérieur et des autres soldats. L’impuissance passe donc pour une tare qui fait sortir le mâle, le vrai, de la norme et met donc en doute sa réelle condition de mâle dominant. Le groupe se sent obligé de punir «Baleine» parce qu’il ne veut pas subir les punitions collectives imposées par l’instructeur mais aussi de façon implicite par honte d’avoir un individu «impuissant» dans le groupe.

La séquence :
    A l’image de l’échec de la méthode de conditionnement militaire que représente le suicide du soldat «Baleine», la séquence finale du film tend elle aussi à démontrer l’échec de cet endoctrinement. En effet, les soldats se retrouvent acculés parce qu’une tireuse embusquée les tue un par un. Mais à ce moment du récit, ils ne savent pas que c’est une femme. Pour eux, il n’affrontent qu’un autre pur mâle du camp adverse. Les soldats agissent comme on leur a inculqué pendant leur formation de Marines, c’est à dire en se déplaçant en groupe de mâles armés de leurs phallus de guerre, prenant l’ennemi d’assaut. Le fait qu’ils soient en train d’affronter un sniper rend déjà la chose différente : en effet, l’ennemi n’agit pas avec la même brutalité, le même instinct guerrier qu’eux. Il se cache. Lorsque «Cowboy» est abattu dans le dos, le plan qui part du tireur et zoom à travers le mur représente le viol si on peut dire de ce soldat. En effet, si les armes dans le film représentent le pénis comme phallus ultime du mâle dominant, alors ce plan devient clairement une métaphore d’une pénétration violente. En faisant une blague de très mauvais goût, on peut dire que la réplique «putain le tireur lui en a mis une à travers le trou» qui suit peut appuyer ce propos... Quoiqu’il en soit, cette mort est le premier pas vers la chute de l’image du mâle fort et dominant qui leur a été inculquée. Sur l’un des plans suivants, on peut apercevoir dans la construction que deux formes clairement phalliques se trouvent sur les lignes de tiers verticales gauche et droite avec le personnage au centre. Tous deux représentent les convictions du soldat, mais la tour en feu montrent qu’une partie d’entre-elles sont maintenant ébranlés. Jusqu’à ce point, ces soldats(-là) se pensaient invincibles, toujours victorieux et forts. Maintenant qu’ils ont perdu un des leurs, ils savent que l’ennemi peut être au moins aussi bon qu’eux. On peut remarquer dans la démarche des soldats dans les plans suivants qu’ils tiennent leurs armes orientées vers le haut. Kubrick étant un perfectionniste, je pense qu’il savait très bien que dans la pratique les soldats ne devaient pas les tenir comme ça (il doivent les tenir pointées vers le bas pour mettre moins de temps à se retrouver dans une position de tir optimale avec les bras protégeant rapidement les organes vitaux, dixit Motosoda Mori, un consultant militaire japonais). Je pense donc qu’il s’agit d’une posture érectile des phallus-armes de ces soldats voulue par le réalisateur.

    Une fois qu’ils sont rentrés dans le bâtiment enflammé, on peut entendre un thème musical rappelant les thèmes des séquences où le soldat «Baleine» se faisait molester ou se suicidait après avoir éliminé l’instructeur Hartman. Ce thème fait office d’une sorte d’implant dans la mesure où on sait qu’il va y avoir une nouvelle rupture dans la démonstration de la supériorité de la doctrine de la masculinité inculquée par l’armée. En effet, plus loin dans la scène, le soldat «Guignol» se retrouve confronté au tireur... Qui s’avère être une femme. Et au moment où il veut tirer, son arme s’enraye (ou il n’a plus de munition, je ne sais guère). Il devient ainsi impuissant. La figure de la femme, jusque là présentée comme une prostituée, devient maintenant un mâle dans le sens guerrier inculqué par l’armée, qui use de son phallus-arme pour abattre un autre mâle. Le ralenti et les effets sur l’image accentuent le côté dramatique et la tension de la scène, mais reflètent aussi du chamboulement qui s’opère dans l’esprit du soldat «Guignol». Les convictions de ce dernier sont irrémédiablement ébranlées. Une fois la tireuse abattue, le dilemme de la féminité et de la masculinité revient. En effet, «Guignol» d’abord veut emmener cette femme, puis hésite à la tuer. Il se retrouve confronter à un choix. Le meurtre de cette femme, qui a été présentée comme un homme, revient pour le soldat à se détruire lui-même. Cela brise la frontière entre masculinité et féminité, car le machisme poussé à l’extrême devient ici un masochisme ambigu où le soldat s’identifie à la figure souffrante. Cependant, dès lors qu’il décide de la tuer, il entre défintivement de l’acceptation du processus de masculinisation par le phallus de l’armée et il rejoint l’idée d’opposition nette entre masculinité et féminité. D’autre part, la dualité de son casque («born to kill» à côté du symbole de la paix) prend fin car en tuant la tireuse il choisit de se ranger du côté «born to kill» (et donc renforce l’acceptation de la doctrine inculquée par Hartman). La dernière partie du film nous présente à contrario les soldats chantant une chanson sur Mickey Mouse. Cela donne l’impression de voir des enfants rentrer à la maison après avoir passé la journée à jouer dehors. Ici Kubrick nous montre bien que même si la doctrine masculinisante de l’armée fonctionne, ces soldats reconnaissent toujours une certaine image matriarcale même si cette dernière semble être l’armée. Reste que ces soldats reconnaissent tout de même en entité féminine comme entité «supérieure».

    La mise en scène de cette longue séquence, dans une majeure partie du temps, emmène le spectateur avec le groupe de soldats, comme s’il était l’un des leur (à quelques exceptions près comme les champs/contre-champs et les quelques gros plans). Jusqu’à ce que les soldats pénètrent dans le bâtiment, ils sont toujours bloqués quelque part dans l’écran par un mur, une ligne. Dans cette séquence, Kubrick ne se sert pas de la profondeur de champ pour isoler les personnages. Cela donne à certains plans un aspect documentaire. Le film utilise le steadicam, que Kubrick avait inauguré sur «The Shinning».

Conclusion :
    Le film de Kubrick est donc une oeuvre à la fois dénonciatrice de la guerre et dénonciatrice d’une certaine éducation de la société. En effet, il n’y a pas qu’à l’armée que la figure masculine est exacerbée au point d’en être considérée comme supérieure à la féminité. Le film tend à mettre les genres en opposition et à mon avis laisse entrevoir une possible intention de la part de son auteur de vouloir ouvrir la voie vers un cinéma plus féministe.