Derrière ce titre un tantinet provocateur je vous l'accorde (Cf. : podcast de Gameblog - Les consoles portables vont-elles mourir ? Vol 2), j'inaugure mon retour sur la scène de l'écriture vidéoludique en tentant une analyse à contre courant de la tendance actuelle. De nombreuses voix s'élèvent, en effet, pour consacrer les jeux sur terminaux Apple comme le standard à venir du divertissement numérique, au moins pour les joueurs dits occasionnels. Cependant, et à y regarder de plus près, on perçoit quelques signes montrant que ce modèle économique n'aura peut être pas l'effet rouleau compresseur attendu. Retour sur 10 éléments qui tendent à montrer, qu'à l'heure actuelle, les jeux ne sont pas encore faits.


1 - l'entrée dans l'ère des jeux à bas prix n'est pas gratuite


Cela peut paraître paradoxal tant le modèle Apple se fonde sur les jeux à bas prix (Cf. : point 2) mais il ne faut pas oublier que s'ouvrir les portes de cette nouvelle terre de loisirs numériques nécessite un investissement initial, qu'en ces temps de crise, je pourrai qualifier de colossal. L'iPhone 4S 16 Go, par exemple, nécessite d'investir au minimum 629€ (479€ pour un iPad 2, 199€ pour un iPod Touch).  Nous sommes bien loin d'un produit de consommation de masse. En ce qui concerne, les appareils subventionnés dans le cadre d'un abonnement 3G, l'addition est encore plus salée puisqu'au coût de l'appareil (+/- 200 euros), il convient d'ajouter le forfait mensuel (+/- 40 euros) sur une base d'un engagement de 12 ou 24 mois. 

De mon point de vue, le plus gros concurrent des consoles portables actuelles reste l'iPod Touch qui, avec un positionnement adapté couplé à ses caractéristiques intéressantes, pourrait devenir un acteur important de la sphère ludique, notamment grâce à son prix plus en adéquation avec la situation économique. Mais, à ce jour, Apple n'a jamais souhaité le mettre en avant sur ce créneau.

L'iPhone et, dans une moindre mesure, l'iPad restent quant à eux des produits « de luxe » réservés (normalement) à des consommateurs disposant d'un certain pouvoir d'achat ou attirés par les nouvelles technologies. Or, et c'est bien là le dilemme, les jeux proposés sur ces terminaux proposent surtout, pour le moment, des sessions courtes, des expériences basiques qui les prédisposent à une utilisation rapide demandant peu d'investissement. La cible de ces jeux est clairement identifiée : les joueurs occasionnels ou les joueurs confirmés qui n'ont pas accès à leurs autres plates-formes de jeux et qui disposent de quelques instants pour jouer. Ces deux catégories de joueurs vont-elles souhaiter investir plusieurs centaines d'euros pour des sessions de jeux courtes ? Je n'en suis pas persuadé !


2 - Souvenez-vous des jeux à 79 cents !


C'est Apple lui-même qui fixe les différents prix possibles pour une application / un jeu sur l'AppStore. L'éditeur doit, en effet, sélectionner son positionnement tarifaire dans cette gamme de prix en fonction du coût du développement et de la stratégie commerciale souhaitée. Et force est de reconnaître qu'Apple a parfaitement maîtrisé cet aspect de sa politique commerciale en proposant des prix chocs faisant vaciller les standards du marché. Proposer des jeux à 79 cents (ou de manière générale à moins de 10 euros) quand les concurrents traditionnels les proposent à 40€, c'est un coup de maître. Car c'est indéniable, dans l'esprit des consommateurs, dépenser 40€ dans un jeu devient désormais inconcevable. Et peu importe que ce jeu (Uncharted Golden Abyss par exemple) propose une aventure haletante et une réalisation technique époustouflante. Le référentiel de prix est désormais fixé par Apple.

Ce modèle économique se base sur la quantité plus que sur le prix unitaire. En proposant un prix si bas, les clients sont susceptibles de passer à l'acte d'achat beaucoup plus facilement. Ces jeux restant relativement simplistes, les coûts de développement (équipe réduite,...) sont faibles et le poids mort (chiffre d'affaires à partir duquel les dépenses et les recettes s'équilibrent) est facilement atteignable. C'est ainsi qu'Angry Birds a pu devenir le porte-étendard des jeux sur smartphone.

Tout irait donc bien dans le meilleur des mondes si ce schéma économique pouvait perdurer ainsi pendant encore de nombreuses années. Malheureusement, celui-ci, au moins dans sa forme actuelle, est en fin de cycle. Apple a eu l'intelligence de mettre en place un système permettant la rupture de marché. Mais plusieurs éléments montrent que celui-ci entre dans une phase de mutation.

-          L'iPad entraîne une hausse des prix : l'arrivée massive des jeux sur iPad a généré une hausse (certes minime mais hausse tout de même) des prix des jeux. Et c'est là qu'Apple devient victime de son propre modèle. Habitués aux jeux gratuits ou à 79 cents, l'hésitation est plus grande lorsqu'il faut investir 2,39€ ou 3,99€. Les joueurs deviennent plus exigeants car le référentiel a changé.

-          Les grands éditeurs débarquent : les grands éditeurs investissent l'AppStore et ne viennent pas pour y faire de la figuration. Le problème est qu'ils profitent de leurs grandes licences pour proposer leurs jeux à des prix plus élevés. Et cette arrivée risque de mettre à mal les petits éditeurs qui proposent les jeux les plus originaux mais nous y reviendrons.

-          Développer un jeu va demander de plus en plus d'investissements : un jeu comme Infinity Blade n'a plus grand-chose à voir avec Cut the Rope. Les coûts non plus. Les joueurs avides de graphismes toujours plus évolués vont peu à peu faire évoluer les standards du marché. Les jeux vont être toujours plus complexes et les prix vont mécaniquement grimper car les équipes de développement seront plus nombreuses, les moteurs graphiques demanderont plus d'investissements, ...

-          Et dernier point, Apple lui-même pourrait décider de mettre en place un nouveau modèle économique pour les jeux. Une fois que les joueurs seront accros aux jeux sur smartphone, plus rien ne les empêchera de monter progressivement les prix. Ces hausses pourraient être très peu perceptibles pour les clients (qui arrêterait de télécharger des jeux si ceux-ci passaient de 0.79 cents à 0.99 cents) mais leur rapporterait des millions d'euros. Et gardons à l'esprit que si les consoles portables disparaissent alors Apple pourrait pratiquer les prix qu'il souhaite puisqu'il n'y aurait plus d'alternative au jeu mobile.

Et derrière ces prix d'appel agressifs se cachent en fait une réalité qui est toute autre. Combien de jeux ne sont que des démonstrations ou des expériences limitées qui nécessitent, pour en profiter pleinement, de repasser à la caisse pour acheter de nouveaux niveaux, de nouvelles armes ou des mises à jour. Nous arrivons rapidement à des coûts approximant les 10€. Et à ce prix, pour une expérience différente, vous pouvez investir dans une PSP Street avec la plupart de ses grands jeux vendus aux alentours de cette barrière de 10€.


3 - De la profusion à la confusion


Un autre point pouvant à terme déstabiliser l'hégémonie grandissante d'Apple dans les jeux vidéo, réside dans l'offre pléthorique de jeux sur l'AppStore. Est-ce qu'un jeu comme Angry Birds pourrait aujourd'hui avoir le même succès noyé au milieu des milliers de jeux disponibles ? Rien n'en est moins certain. En effet, des dizaines d'acteurs s'engouffrent dans cette folie des jeux vidéo sur smartphone. Il devient notamment extrêmement complexe de trouver un jeu dans l'AppStore lorsque l'on n'a pas un titre particulier en tête.

Pour les joueurs occasionnels, peu au fait des titres disponibles, la recherche dans l'AppStore tient plus du parcours de Thésée dans le Labyrinthe du minotaure que d'une promenade de santé. Et ici, point de fil d'Ariane. La recherche de jeux n'est pas aisée, les tops se limitent aux dernières nouveautés et les perles plus anciennes sont parfois inatteignables.

Via ce mode de mise en avant des titres, les jeux les plus originaux (ceux qui font l'essence même des jeux sur smartphones) ne risquent-ils pas d'être noyés au milieu d'adaptations traditionnelles de grandes licences de titres EA, Activision ou Ubisoft ? C'est un risque évidemment ! Et les conséquences pourraient être terribles puisque les petits développeurs / éditeurs pourraient être étouffés par un modèle économique dans lequel un des éléments clefs de succès est la visibilité.

Demain, comme pour le marché des consoles, c'est bien le marketing et les dépenses de communication qui pourraient faire d'un jeu sur l'AppStore un succès ou non. Et si nous entrons dans cette ère alors jouer sur des appareils Apple pourrait bien perdre de sa saveur. Quel espace resterait-il à des jeux comme Contre-Jour au milieu de Call of Duty, Need for Speed ou Fifa?


4 - Des grandes licences fainéantes


Comme décrit dans le point précédent, les grandes licences débarquent en masse sur l'AppStore. Et le moins que l'on puisse dire c'est que celles-ci (à quelques exceptions près comme Dead Space ou Mirror Edge) ne font pas honneur au support sur lequel elles tournent.  C'est bien entendu au niveau de la maniabilité que le bas blesse. Possédant Sonic All Star Racing sur PC, j'ai ainsi décidé de poursuivre l'expérience sur iPad : et là, le constat est sans appel. L'expérience de jeu est catastrophique : il m'est quasi impossible de diriger convenablement mon véhicule tant les contrôle tactiles ou l'utilisation du gyroscope ne sont pas optimisés. C'est tout bonnement injouable et le jeu va finir par être désinstallé définitivement de mon iPad.

Le constat est identique pour Need for Speed Hot Pursuit ou GTA III. Alors il s'agit peut être d'un problème générationnel pour moi qui ait connu ces jeux sur console avec une manette traditionnelle mais je ne pense pas que des joueurs occasionnels puissent ce satisfaire de ce type d'expérience. C'est d'autant plus dommage que des jeux spécifiquement pensés pour ces appareils (Real Racing 2 HD pour ne citer que lui) proposent des expériences tout à fait satisfaisantes..

Et ces grandes licences ne sont encore que trop rarement des portages basiques de jeux consoles sortis il y a plusieurs mois / années. L'originalité n'est que rarement de mise. Alors certes, les jeux sont peu chers mais si finalement une fois installée, on ne joue pas avec, à quoi bon. Tous ces jeux « connus » achetés le seront peut être au détriment de jeux originaux et plaisants à jouer qui vont donc progressivement sombrer dans l'oubli.

Ce ne sont donc pas les appareils et leurs possibilités qui sont en cause mais bien l'incapacité des grands acteurs à proposer des licences adaptées au support. Et là encore, cela pourrait entraîner un nivellement par le bas, une frustration des joueurs et un désintérêt pour ce type de plate-forme.


5 - Des jeux originaux mais des gameplays finalement classiques


Quels sont les jeux les plus célèbres de l'AppStore : Angry Birds ? Cut the Rope ? Contre-Jour ? Finalement ces jeux, aussi intéressants soient-ils présentent des gameplay simplistes et, élément plus perturbant, étonnamment similaires. L'objectif de ces différents jeux, qui font l'essence de l'AppStore est, à l'intérieur d'un tableau, de parvenir à réaliser une action de la manière la plus parfaite possible. Le joueur se voit ainsi gratifié d'une note et d'un passage au niveau suivant. Ce genre de mécanique sied parfaitement aux parties courtes mais combien de temps sera nécessaire avant que les joueurs n'en demandent plus. En effet, les joueurs évoluent avec le média et le manque de créativité pourrait à terme les en détourner. Joueur moi-même sur ce type de jeux, je dois avouer ne plus ressentir la même envie sur Contre-Jour (dont la direction artistique est pourtant formidable) que lorsque j'ai découvert Angry Birds. L'effet nouveauté ou l'effet de mode peut être.

Les jeux sur appareils Apple vont donc devoir évoluer, se complexifier et de diversifier s'ils souhaitent conquérir tous les types de joueurs. Bien évidemment, des jeux totalement originaux existent sur l'AppStore mais combien atteignent la lumière ? Comment éduquer les joueurs pour qu'ils prennent des risques alors qu'ils se sont totalement habitués et considèrent les clones d'Angry Birds comme l'ADN du jeu mobile. C'est cette délicate équation que vont devoir résoudre les développeurs s'ils veulent continuer à exister sur ces plates-formes.

Il va également sans dire qu'avec l'amélioration de la réalisation et de l'aspect graphique des titres, les  mécaniques de gameplay (Cf. : Fruit Ninja) vont obligatoirement devoir s'enrichir (constat réalisé avec les consoles de salon : de deux boutons nous sommes passés à des combinaisons avec 10 touches).


6 - Ce jeu ne peut pas fonctionner sur votre appareil


Cette phrase risque de frustrer de plus en plus de joueurs dans les mois à venir. Si les rumeurs sont vraies, le prochain iPad devrait disposer d'une résolution d'écran et d'une puissance de calcul qui permettront de réaliser des jeux visuellement exceptionnels.

Les développeurs, pour se distinguer et car ils recherchent l'exploitation maximale des capacités techniques mises à leur disposition, ne vont pas tarder à proposer des jeux tirant partie de celles-ci. Et nous allons rapidement voir des jeux qui ne seront compatibles qu'avec l'iPad 3. Et dans ce cas, que feront les joueurs : devront-ils migrer vers ce nouvel appareil pour continuer à jouer ? Devront-ils faire l'impasse sur ces titres alors qu'ils font partis des premiers fidèles à avoir crus dans la marque ?

Ne nous leurrons pas, tous les détenteurs d'un iPad 1 ou 2 ne vont pas acquérir un iPad 3. Conséquence pour Apple ? Le morcèlement de sa base de terminaux installés. Comment gérer cette base ? Quelles consignes donner aux développeurs ? Optimiser les titres au dépend des possesseurs des premières versions ou minorer les aspects techniques pour assurer une compatibilité maximale (et laisser une longueur d'avance à la PS Vita) ?

Apple doit faire face et trouver des solutions à son propre succès. Ce problème n'en serait pas un si la marque proposait un update technique tous les 3-4 ans mais le renouvellement rapide de ses terminaux est le cœur de sa stratégie. En acquérant une console, les joueurs sont persuadés de tenir un système valable pour au moins 5 ans (si l'on excepte les changements de design des consoles). A Apple de prendre en charge ce point sous peine de voir les téléchargements diminuer et surtout les commentaires de joueurs mécontents fleurir sur l'AppStore.


7 - Le spleen du développeur


Nombre de développeurs ont vu, dans l'émergence de l'AppStore, un nouvel eldorado. Tout à chacun pouvait se mettre à développer des jeux, à des coûts abordables et sans avoir à gérer un éditeur ou un réseau de distribution. Le retour à des petites équipes, à une certaine liberté, bref au jeu fait dans son garage comme dans cette période des années 80-90 où le jeu vidéo a acquis ses lettres de noblesse.

En quête de liberté et d'indépendance, de nombreux développeurs ont ainsi pu tenter l'expérience. Aujourd'hui, si quelques uns ont pu obtenir un succès incontestable et que des dizaines vivotent tant bien que mal, combien restent le long de route, emplis des déceptions à la hauteur des espoirs que cette plate-forme de jeux avait pu faire naître.

Cette période faste du jeu sur iPhone, iPad et iPod Touch a bien existée mais celle-ci est déjà terminée et la phase de l'industrialisation lui succède. Le jeu sur ces appareils ne suit pas son propre cycle de développement mais bien celui des consoles de salon (petits jeux indépendants puis progressivement réalisation de jeux plus ambitieux, plus couteux et avec des équipes de développement plus importantes, émergence de l'approche marketing pour vendre les jeux au milieu d'une offre toujours plus pléthorique, diminution des risques et concentration sur des grandes licences, ...). La seule différence entre ces deux cycles  est que celui des consoles de salon s'étale sur 30 ans quand celui sur iPhone, iPad et iPod Touch va reproduire le même schéma en 5 ans (tout va beaucoup plus vite avec ces appareils). Les mutations étant plus rapides, les petits développeurs doivent dès à présent se questionner sur leur positionnement face à cette plate-forme : vont-ils pouvoir y exister face à l'arrivée des gros acteurs du marché, vont-ils devoir abandonner l'innovation au profit du classicisme et du convenu ou vont-ils devoir envisager de migrer vers d'autres plates-formes pour conserver cette liberté de création ?

Dans cette section, nous aurions pu également aborder le spleen des fonctions artistiques sur ce genre de jeux. Je serai intéressé de savoir combien de personnes jouent sans le son sur ces appareils. De même, pourquoi faire des jeux artistiquement irréprochables lorsque la main du joueur va cacher la moitié de l'écran et donc nuire à l'expérience. Mais cet article étant déjà suffisamment long, j'aborderai peut être ces thèmes dans un prochain sujet.


8- L'émergence d'Android risque de faire tomber les pommes de l'arbre


Lorsque l'on parle de jeux vidéo sur smartphone, il est amusant de constater combien iOS est le seul system mentionné : pour illustrer ce propos, je vous invite à consulter les menus des principaux sites généralistes de jeux vidéo français (jeuxvideo.com, gamekult.com ou gameblog.fr). Ca en est d'ailleurs assez effarant.

Cependant, il faudrait vivre avec des œillères pour ne pas percevoir l'émergence des mobiles sous Android. Dans le monde, il se vend déjà plus de smartphones sous Android que sur iOS. Loin de moi l'idée de lancer un débat sur les raisons (un terminal vs des dizaines,...) mais le constat est là. Et concernant les tablettes la même tendance va apparaître, c'est inéluctable.

Pour le moment, via l'organisation de son Store, les ventes qu'il génère et son historique, Apple garde une longueur d'avance et reste la priorité pour les développeurs mais pour combien de temps ? Une fois les problèmes de compatibilité inter-appareils réglés via des middlewares adaptés, le jeu sur Android pourra décoller. Et il décollera car la cible des jeux vidéo sur smartphone, les joueurs occasionnels et les jeunes, migrent de plus en plus vers Android car les coûts d'acquisition sont moins importants (quand la gamme de produit est plus large, on peut proposer des produits pour tous les budgets,...).

Côté site Internet, il est tout de même impressionnant de voir comment les jeux sur Android, Windows Phone ou autres sont totalement oubliés. Je pensais que le propre d'un site de jeux vidéo était de se concentrer sur les jeux vidéo au sens large, qu'elles que soient les plates-formes sur lesquelles ils se trouvent. Transposons cette situation aux consoles de salon : ce comportement signifierait tout simplement que sur les trois consoles actuellement sur le marché, seule une serait traitée et pas un mot sur les deux autres. Impensable !


9 - La pression sociale fait pschittt !


La pression sociale fait partie de notre société dite de consommation. Depuis des dizaines d'années voire de siècles, la possession amène la distinction. C'est un triste constat que celui-ci mais il est réel et nous devons vivre avec. Je me souviens au collège dans les années 90, tu n'étais rien si tu n'avais pas les torsions d'Adidas, les Air Jordan ou comble de la bourgeoisie de l'époque les Pump de Reebook. Et puis un jour, un collégien est arrivé avec des nouvelles baskets, des BK (British Knights) et là toutes les autres chaussures devenaient ringardes.

Via cet exemple, je souhaite juste montrer que la pression sociale vis-à-vis d'un produit ne peut être que temporaire puisque le produit star est amené à être remplacé par un autre plus différenciant. De très grandes sociétés comme Nike, Levi's ou Mac Donald's ont connu des trous d'air car leurs produits ne parvenaient pas à maintenir cette notion de distinction sociale auprès de la génération suivante (Pourquoi je porterai ou consommerai les mêmes produits que mes parents, c'est totalement ringard).

Ce qui entraîne la distinction sociale, c'est la rareté, la possession avant que la masse ne l'adopte. Posséder une PS Vita dans le train avant sa sortie en Europe est une distinction sociale : « whaou c'est quoi cette console ? C'est trop cool ? Je veux la même ». Ce sont bien les précurseurs, les addicts à une marque ou à un produit qui génèrent la pression sociale.

Qu'on m'explique aujourd'hui ce qui est cool à sortir son iPhone à l'arrêt de bus ? Qui n'en a pas ou n'en a pas eu un dans les mains. Comment parler d'attitude cool quand votre boulangère ou tous vos collègues (je n'ai rien contre elle ni contre vos collègues) ont aussi un iPhone. Au contraire, je reste persuadé que la banalisation de ce qui est au départ un produit de luxe joue même l'effet contraire à terme. « Oh le pigeon, il a encore dépensé 600€ pour obtenir la dernière version qui ne change (presque) rien ».

D'ailleurs Apple (entreprise que j'admire sur bien des points), est lui-même le principal acteur de cette pression sociale. En sortant un iPhone 4 au design différent du 3/3S, il a tout simplement ringardisé ses premiers acheteurs. « Quoi tu as encore ce design rond qui représente le passé, regarde mon nouveau téléphone aux bords carrés trop la classe ».  Faut-il plébisciter une entreprise qui ringardise ses propres clients sous couvert d'innovations mineures ? J'ai bon espoir que le consommateur retrouve un jour prochain ses esprits et ne considère ces appareils que comme des smartphones au même titre que les autres.

Pour l'instant la machine marketing permet de maintenir cette pression sociale mais celle-ci devrait progressivement diminuer. Ce schéma, valable en temps de croissance économique est bien plus difficile à appliquer en temps de crise. Et n'oublions pas que le propre de la pression est de tout faire pour de dissiper sous peine d'exploser (tiens c'est assez drôle de comparer un iPhone avec une cocotte-minute ;-p)


10 - Apple n'est qu'un modèle parmi tant d'autres


Il est de coutume d'affirmer qu'Apple a révolutionné la manière de jouer. Cette affirmation contient bien entendue une part de vérité mais cette innovation n'est pas la seule dans l'industrie. En trente ans, l'industrie des jeux vidéo n'a connu qu'un modèle : la vente d'une console puis la vente de jeux via des supports physiques (j'omets volontairement les premières tentatives de jeux dématérialisés).

Avec l'arrivée à maturité de ce marché, les tentatives de différenciation et de rupture technologique se sont multipliées : jeux dématérialisés, contenus téléchargeables, jeux en ligne, streaming de jeux et abonnements mensuels, jeux sociaux, free to play, jeux sur navigateur, jeux sur les box Internet,... Les modèles sont nombreux et peuvent co-exister facilement tant la base de joueurs est amenée à croître. Finalement le slogan de la Dreamcast « jusqu'à 6 milliards de joueurs » n'a jamais été aussi pertinent.

Avec ces offres multiples, ce ne sont plus les entreprises qui vont définir comment nous devons jouer mais bien le joueur (le client) qui va définir comment il souhaite consommer ses jeux. Le pouvoir revient enfin au consommateur et il faut s'en réjouir (cette tendance est visible dans tous les segments de notre économie).

Alors qui Apple concurrence-t-il ? Bien évidemment ses concurrents directs, les jeux sur Android, Windows Phone et tous les autres acteurs du monde du smartphone et de la tablette.

Apple concurrence-t-il les consoles de jeux portables ? Oui, je le pense mais pas sur l'intégralité de leur offre. Les jeux classiques de ces consoles ne souffriront pas de cette concurrence, les jeux « casual » (je déteste ce terme) un peu plus. Mais c'est surtout l'offre dématérialisée de ces consoles portables qui va entrer en conflit avec les jeux iPhone, iPad ou iPod Touch.

Mais retournons le problème un instant : Apple ne risque finalement-il pas d'être menacé par ces offres dématérialisées en provenance des consoles portables ? En effet, Sony, et  surtout Nintendo, disposent d'un catalogue énorme de titres qu'ils pourraient proposer à bas prix : des milliers de titres de qualité reprenant plus de vingt ans d'évolution vidéolodique. En acceptant de brader ces titres (0,79 cents pour un jeu NES, Super Nes,...) Nintendo pourrait prendre pied durablement sur ce marché. Et Nintendo, comme Sony, pourrait aussi mettre une partie de ses équipes sur la réalisation de titres pouvant concurrencer les blockbusters d'Apple. Connaissant leur maîtrise des mécaniques de jeu, le résultat pourrait être sans appel.

Et dernier point avant de conclure, si je ne devais mentionner qu'un concurrent dangereux pour les jeux Apple à destination des joueurs occasionnels, je ciblerai plutôt les jeux sociaux tant je vois ceux-ci marcher sur les plates-bandes des jeux mobiles (surtout s'ils sont accessibles sur ces appareils)

Donc non les consoles portables ne sont pas obsolètes et non le modèle Apple n'est pas en train de disparaître. Chacun va trouver sa place et cette émergence du modèle Apple va peut être faire le plus grand bien aux constructeurs classiques qui vont être contraints de se réinventer. Et sur ce point, je leur fait la plus grande confiance. Nintendo, tel le phœnix renait toujours de ses cendres.


Avec ce (long) article, j'ai souhaité montrer que quel que soit le point de vue que l'on souhaite défendre, on peut toujours trouver suffisamment d'arguments pour y parvenir. Dans l'argumentation ci-dessus, j'ai volontairement omis certains arguments ou contre arguments car je souhaitais mettre en avant un discours orienté vers l'idée que je souhaitais développer. Bien évidemment que les jeux sur iPhone, iPad ou iPod Touch ne vont pas mourir, et ce n'est pas absolument pas souhaitable bien au contraire. Mais il est important de garder en tête que l'opposition systématique des plates-formes de jeux ne fait aucun sens tant chaque point de vue peut l'emporter selon les arguments sélectionnés. Toutefois, je reste persuadé que le modèle mis en place par Apple va forcément rentrer dans le rang et s'inscrire dans l'offre globale de jeux à l'intérieur de laquelle le joueur piochera ce qui l'intéresse selon le moment ou l'endroit où il souhaite jouer. Apple entre dans une phase cruciale de son développement dans le jeu vidéo et ses futures orientations permettront de voir si les risques / menaces mentionnés dans cet article étaient sérieux ou non.