« A mes
amis,

Pour tous mes
amis. Je suis vraiment désolé de tout ce que je vous ai fait subir. Toute ma
vie, je n'ai été qu'une merde et je crois que c'est la seule option qui me
rester. Je sais que tout le monde se souviendra de moi comme d'une espèce de
monstre, mais essayez simplement de comprendre que je ne veux pas être un
fardeau pour ceux que j'ai toujours aimés. Je veux juste emporter quelques
sous-merdes dans ma chute. Je vous aime tous, je ne veux pas que vous me
regrettiez, je crois simplement que vous serez bien mieux sans moi. Je veux que
mes amis se souviennent de tous les bons moments qu'on a passés ensemble. Et
puis réfléchissez un peu... je vais devenir une putain de célébrité. »

 

Telle est le début de la
lettre que Robert Hawkins, âgé de 19 ans, adresse à ses proches avant d'ouvrir
le feu dans un centre commercial d'Omaha, faisant huit morts et quatre blessé.
Tuerie à la suite de laquelle il mettra fin à ses jours.

La logique du Massacre retranscrit, comme son sous-titre l'indique,
les derniers écrits des tueurs de masse. Ce que les médias américains ont
appelé les mass murderers désigne ces
personnes qui, à bout, ont procédé à une tuerie (on notera que dans la grande
majorité des cas, ces 'massacres' étaient suivies du suicide des meurtriers).
Ainsi retrouve-t-on ici lettres et journaux de ces assassins qui bien souvent
n'auront pas eu l'occasion d'expliquer leur geste après coup. Le sens que l'on
pourrait donner à ces actes tient dans ces ultimes feuillets. En tout, ce ne
sont pas moins de dix 'témoignages' qui sont répertoriés parmi lesquels on
compte ceux de Cho Seung-Hui (retranscription d'une vidéo diffusée post-mortem
- Virginia Tech, 2007), de Richard Durn (conseil municipal de Nanterre, 2002)
ainsi que les journaux de Eric Harris et Dylan Klebold (Columbine, 1999).

La lecture d'un tel ouvrage ne
s'effectue pas sans invoquer la part de voyeurisme viscérale qui sommeil en
chaque individu. Mais peut-être celle-ci est-elle nécessaire si c'est dans une
optique de tentative de compréhension. Car ces témoignages sont assez divers.
Certes la principale thématique présente est la mésestime de soi, la difficulté
d'embrasser un monde que l'on finit par abhorrer, menant à cette logique du
massacre absurde, aporétique. On notera le caractère particulièrement haineux
de Eric Harris qui ne cesse de cracher son dégout et sa colère envers le monde
à travers son journal. Ce dernier est d'ailleurs à mille lieues des
considérations de celui de Dylan Klebold qui finalement est bien plus une
longue lettre romantique. Et pourtant, la haine et bien là, et la prise de tête
aussi, puis apparaissent les mots d'amour destinés à une personne anonyme. Puis
la désillusion. L'adolescence, en somme.

Il serait toutefois hâtif et
bien superficiel de prétendre obtenir toutes les clés d'interprétations de tels
actes. Car ici la logique du massacre n'est qu'un titre et il n'est proposé
aucune interprétation ou analyse de ce phénomène de société, ainsi, tous ses
mécanismes psychologiques ne sont pas étudiés. Hormis une préface présentant
l'ouvrage, il ne nous est proposé que la crudité de ces lettres et journaux,
ultimes bouteilles à la mer, appels au secours à jamais perdus.