C'est avec vingt ans de retard qu'est arrivée sur nos jolies contrées
la série qui est à l'origine  du jeu de
rôle à la japonaise. Huitième épisode de la célèbre série d'Enix,
Dragon Quest : l'Odyssée
du Roi Maudit sur Playstation 2, fait
figure d'événement dans le petit monde du jeu video.

 

Inspirée par deux des jeux de
rôle les plus éminents de leur génération, à savoir Ultima et Wizardry, la
série Dragon Quest voit le jour en
1986. A la tête du projet, on retrouve Yuji Horii, alors que Koichi Sugiyama se
charge des musiques et Akira Toriyama du character design. Précurseur s'il en
est, Dragon Quest est le premier jeu de rôle console à voir le jour. Il
inspirera notamment Hironobu Sakaguchi et son Final Fantasy ainsi que le Phantasy
Star
de Sega.

Véritable phénomène au Japon,
cette série ne voit le jour sur nos contrées qu'au milieu des années 2000. On
notera à titre anecdotique que les trois franchises phares du J-RPG ont été
éditées en Europe avec un certain décalage. Phantasy Star sort en Europe en 1987, dix ans plus tard, c'est Final Fantasy (avec son septième épisode) qui envahit cette partie du
globe qu'elle ne connaissait pas encore, puis en 2006, Dragon Quest, paradoxalement bon dernier, arrive sur nos terres.

 

UN DRAGON QUEST EN EUROPE

Dragon Quest : l'Odyssée du Roi Maudit (Dragon Quest VIII, au pays du soleil levant) se présente comme une
aventure enchanteresse dans laquelle vous incarnez un héros sans nom et sans
voix, garde d'un Royaume dévasté par un mauvais sort. Tous les habitants du
château sont morts, exception faite du roi Trode et de sa fille Médéa, tous
deux métamorphosés respectivement en petit monstre à face de crapaud et en
jument. Finalement, seul vous (le héros), sortez indemne du sortilège maléfique
lancé par Dhoulmagus, le bouffon du roi. Dès lors, votre destinée est en
marche. Escorte du roi et de sa fille, vous partez à la poursuite de ce personnage
farfelu devenu diabolique dans l'espoir de conjurer le sort.

Sur votre route, vous assisterez
aux méfaits dont Dhoulmagus parsème son chemin tel un Petit Poucet maléfique.
Ainsi, Héros le bien nommé fera la rencontre de ceux qui viendront grossir les
rangs de sa fine équipe de traqueurs. Yangus, le barbare lourdaud et
irrévérencieux, sera de la partie dès le début de l'aventure. Ses crêpages de
chignon avec le roi Trode donneront lieu à de nombreuses situations comiques où
le monarque, sous sa forme misérable, ne jouit plus d'aucune autorité. Jessica,
elle, est une pulpeuse jeune femme au tempérament de feu. Issue d'une famille
de noble lignage, elle quittera cependant son foyer pour une quête qui lui est
vitale. Elle se révèle très habile dans l'art de manier le fouet. Angelo est
membre d'une confrérie, séducteur patenté, il passe pour quelqu'un de
particulièrement oisif auprès de sa communauté. Son arme de prédilection est
l'arc. Ces quatre protagonistes tenteront donc de venir à bout du redoutable
bouffon.

LE RETOUR DU RPG A L'ANCIENNE

Autant ne pas tergiverser, DQORM est une ode au manga d'animation.
Comme noté précédemment, c'est Akira Toryiama qui, contacté par Yuji Horii dès
les prémisces de la saga, s'est chargé du design des personnages. Mais le
créateur de Dr Slump et Dragon Ball ne s'est pas arrêté au premier épisode. Il
a été en charge de chacun des épisodes de la série. Et c'est avec les capacités
de la Playstation 2 que son travail prend toute son ampleur. Ici les
personnages prennent vie et adoptent de véritables expressions en temps
réel. Les amateurs des bandes-dessinées susnommés retrouveront ici la pate
graphique de leur mangaka préféré. Du reste, le design du jeu dans son ensemble
est d'une propreté irréprochable. Les paysages sont de sublimes étendues aux
univers variés où villes et châteaux sont aussi soignés que les donjons. Du
reste, on notera qu'outre l'univers de Toryiama, ce Dragon Quest est doté d'un design qui ressemble à s'y méprendre au True Fantasy Live Online, déjà
développé par le studio nippon, que Microsoft ne sortira jamais. Est-ce à dire
que Level-5 aurait fait de deux pierres un coup ?

Passé l'aspect graphique, Dragon Quest, l'Odyssée du Roi Maudit se révèle être un exemple
d'efficacité en ce qui concerne le gameplay. Car là où la série Final Fantasy
révise sa copie à chaque édition, en tentant d'apporter son lot d'innovation au
niveau des combats, la série d'Enix s'est toujours montrée d'une régularité
exemplaire. Ici, pas d'éléments risquant de dérouter les rôlistes les plus
traditionnels. Les combats s'effectuent au tour par tour. Les personnages que
l'on commande (qui sont au nombre de quatre), possèdent évidemment des
caractéristiques qui leur sont propres : Yangus ne peut pas utiliser de
magie mais porte des coups puissants, Jessica, outre son maniement du fouet,
excelle dans la magie d'attaque alors qu'Angelo, lui, est davantage porté sur
les sorts de soin et de renforcement. Le héros, quant à lui, est un modèle
d'équilibre. Le dynamisme de ces confrontations est renforcé par les divers
mouvements de caméras adoptés en fonctions des actions choisies.

Cependant, hormis ces
confrontations d'un classicisme clairement affiché, il sera possible
d'effectuer un élevage de monstre et ainsi se constituer sa petite équipe qui
pourra venir prêter main forte dans les cas de coup dur ou de choix tactiques.
Il s'agira alors de chiner à travers le monde afin de trouver des adversaires
imposants certes capables de prêter main forte mais également de s'associer
afin de porter des attaques les plus dévastatrices. Car il existe de nombreuses
combinaisons de monstres possibles et il faudra multiplier les pérégrinations
mais également les essais au sein de l'arène de Morrie dans laquelle les paris
font rage. On rappellera que Dragon
Quest
s'est fait le précurseur de l'élevage de monstres bien avant les Pokémon et autres Monster Hunter et a d'ailleurs, face au succès de ces franchises,
choisi de créer sa licence en la matière : Dragon Quest : Monster Joker.

 

LEVEL UP, MON AMOUR

Certains pourront être
décontenancé par le peu de points de vie que l'on gagnera au cours de l'aventure.
Ces derniers ne se comptent effectivement pas en millier, comme on en avait
l'habitude dans la série de Square, mais en centaines. Si bien que le niveau
reste constamment élevé. Car si les ennemis les plus faible ne seront plus
d'aucun danger, il y en aura constamment de plus monstrueux et plus nombreux
pour venir gâcher votre périple. Car à la manière des jeux de rôle
traditionnels, les ennemis apparaissent de façon intempestive. Il faudra se
révéler parcimonieux et méthodique lorsqu'il s'agira de traverser de vastes
plaines remplies d'ennemis redoutables.

La difficulté est assez élevée et
le level-up est ici de rigueur.  Car les
donjons souvent ardus nécessiteront que vous vous soyez fait la main sur des slimes
de moindre envergure afin de grimper un peu en niveau. De même, il ne sera pas
rare de courir à travers la campagne à ce dessein et ce durant plusieurs
heures, juste afin d'affronter un boss qui, jusque là, vous avait paru
insurmontable (Aaah... Empyréa !). Cette tendance à constamment devoir
augmenter de niveau est certes un des aspects old-school les plus poussés, mais
également des plus poussifs, car l' « upgrade » de l'équipe
répétitif et finalement peu constructif, devient vite lassant.

En ce qui concerne l'évolution,
de nombreuses armes et armures seront proposées au joueur tout au long de
l'aventure. Mais ce dernier pourra également se risquer à créer son propre
équipement. Car le roi Trode possède dans sa caravane (que l'on traine durant
toute l'aventure, ultime vestige de ce qu'il reste du royaume perdu) une
alchimarmite. Comme son nom l'indique, cet étrange récipient permet au joueur
de créer des éléments les plus variés qui soient. Qu'il s'agisse d'équipement,
d'accessoires ou d'objets divers. Ces mélanges ne se font pas au petit bonheur
la chance. Car faut déjà trouver les objets, qui souvent se révèlent être assez
rares (même si certains sont commercialisés), puis connaître les recettes. Or
celles-ci vous seront données au cours de l'aventure, en parlant à des
personnes, mais aussi en consultant les nombreuses bibliothèques qui seront sur
le chemin du joueur.

QUELLE EST BELLE LA LIBERTE

Car ici, l'exploration est à
l'honneur et il faudra scrupuleusement adresser la parole à toutes les
personnes présentes dans les diverses villes et ce afin de simplement
progresser ou d'obtenir des objets bonus. De même, il faudra briser tous les
pots, fouiller tous les sacs, ouvrir armoires et coffres, lire tous les livres
si l'on veut jouir du jeu de façon optimale.

L'aventure est longue, très
longue et promet de nombreux rebondissements qui ne manqueront pas de
surprendre le joueur. Celui-ci voguera à travers la terre, la mer, mais aussi
le ciel afin de parvenir à rompre le sort qui laisse le roi Trode et sa fille
prisonniers de leur apparence. Vestige du traditionalisme le plus exacerbé, on
notera que l'aventure ne s'achève jamais sur un écran de Game Over contraignant
le joueur à reprendre son dernier point de sauvegarde. Et pourtant, le joueur
tombera forcément sur le champ de bataille, mais celui-là sera ressuscité à
l'église du coin, s'affranchissant ainsi, par ce procédé, d'un certain
pourcentage de ses deniers.

Dernier mot enfin et non des
moindre concernant la bande sonore du jeu. Les voix, ici dans la langue de
Shakespeare, ont savamment été choisies et retranscrivent avec justesse les
diverses phases du jeu. Certains regretteront que leur héros ne pipe mot de
l'aventure et si certains d'entre eux lui trouveront de ce fait un manque de
charisme, d'autres tendront davantage à considérer ce mutisme comme charmant ou
mystérieux... Les goûts et les couleurs. Au niveau musical, Koichi Sugiyama n'a
plus rien à prouver. A l'origine de toutes les soundtracks de la saga, il livre
ici un travail magnifiquement interprété par le Tokyo Metropolitan Symphony
Orchestra. Des harmonies majestueuses qui flattent les esgourdes lorsque l'on
traverse les vastes étendues du monde, aux thèmes plus angoissants joués dans
les donjons, le jeu ne souffre aucune baisse de régime à ce niveau.

 

Pour son arrivée sur le vieux continent, Dragon Quest a su s'imposer comme une référence
incontournable du jeu de rôle à la japonaise et, à ce titre, on ne saurait que
trop féliciter Level-5 pour avoir
transformé cet essai en coup de maître. Affichant un système de jeu des plus
classiques, ce jeu est également doté d'un design irréprochable et le travail
d'Akira Toriyama possède un cachet que même un
Blue Dragon, malgré sa technique supérieure, peine à
égaler. Si le jeu, de par sa difficulté évolutive et son aspect vraiment 'à
l'ancienne' saura rebuter, on ne saurait que trop conseiller aux joueurs
réfractaires de passer outre et de se laisser prendre dans une aventure qui
vaut vraiment le détour. En Somme,
Dragon Quest : l'Odyssée du Roi
Maudit est un incontournable et
constitue ce que les puristes nomment un 'must have'. A posséder ne serait-ce
que pour parfaire sa culture vidéoludique.