Eh bien cela faisait une petite paye que je n’avais pas publié quelque chose sur ce blog. Si cet espace virtuel était susceptible de prendre la poussière, nul doute qu’il faudrait y passer un sérieux coup de chiffon.

Je passe par ici pour poster une petite vidéo que je viens d’achever de monter (assez laborieusement, convenons-en) sur Poison City de Tetsuya Tsutsui, mangaka également responsable des mini-séries Manhole et Prophecy. Du lourd, donc.

Dans Poison City, TsuTsui met en scène Hibino jeune mangaka en passe de percer grâce à la parution de son manga zombie-apocalyptique, appelez ça comme vous voulez, intitulé « Dark Walker ». Le problème d’Hibino est de publier cette œuvre dans un japon fictionnel de 2019, un Japon censé accueillir les Jeux Olympiques. Dans cette optique, les instances gouvernementales se prêtent à une sorte de purge artistique visant à lisser l’image du Japon (à croire que le pays du soleil levant avait besoin que l’on redore son blason). A travers ce manga en deux tomes, on suit donc les pérégrinations du mangaka, préoccupé par ce qui se passe. Son inquiétude est la nôtre. Ses remises en question également. La littérature peut-elle tout permettre. Peut-on créer « n’importe quoi » au motif qu’il puisse s’agir d’art ou d’œuvre de fiction ?

Si cette thématique originale est prise à bras le corps par Tsutsui, c’est en partie parce que ce dernier s’est heurté à la censure. Une autorité avait en effet déclaré Manhole comme néfaste. Un jugement que l’auteur évoque en postface de Poison City et qu’il déplore amèrement.

Une très bonne lecture, assez unique en son genre. Un dessin clair, léché, comme Tsutsui sait nous en proposer depuis quelques années maintenant. Une œuvre intrigante également par sa structure narrative puisque des planches de « Dark Walker » sont introduites dans Poison City. Une mise en abîme qui peut mener à la confusion, confusion voulue et ingénieuse. Le personnage principal de « Dark Walker » escorte une fille immunisée contre le virus qui a ravagé la terre. Cet homme veille à la protéger à l’aune de ce qu’elle représente : le salut du monde, une possibilité d’échappatoire, de vaccin, en somme un ultime espoir. Comment ne pas y voir une métaphore du manga qu’Hibino prend à bras le corps, travaille, réfléchit et désire protéger coûte que coûte. Une intrigue en cachant une autre, on se demande si Hibino finira par céder et frelater son œuvre, la pervertir, la dénaturer. Et s’il se soustrait à la censure, que risque-t-il ?

Une œuvre sur la liberté d’expression et de création, un débat en soi sans fin, traité de façon intelligente ici, par le biais d’un genre qui ne s’embarrasse pas si souvent de ce type de problématique.