Comme j'aime à le répéter, j'adore les slice of life. Ces tranches de vie, ordinaires tout en étant drôles, ces sujets d'une banalité telle que les voir évoqués vous semble improbable, ce temps qui est écoulé non pour un scénario mais pour passer à un autre moment, une autre histoire, une nouvelle conversation que vous auriez pu avoir. Cet amour du slice of life me vient de Lucky Star, un animé qui ne laisse pas indifférent, qu'il soit adulé ou détesté, et dont je reparlerai certainement dans un futur article. Car en parlant de cet animé, en me renseignant à son sujet ou tout simplement en cherchant les influences de certains gags ou références, une certaine prédominance d'un animé en particulier est apparu : Suzumyia Haruhi no Yuutsu, ou La mélancolie de Suzumyia Haruhi dans nos contrées francophones.

Un titre qui ne paye pas de mine, mais néanmoins la curiosité étant un de mes points faibles, j'ai décidé de le visionner. Et grand bien m'en a pris, car SHNY est une de ces perles de l'animation, original jusqu'au bout des doigts, bien réalisé et jusqueboutiste dans sa vision. A vrai dire, SHNY est un ovni, et rien que sa diffusion fut excentrique. Que diriez-vous donc de disséquer cet ovni avec moi ?

Malgré son statut d'ovni, SHNY a bien été produit par un studio et mis en scène par un réalisateur, en l'occurrence le studio Kyoto Animation (FMP Fumoffu et Second raid, K-on!) et Tatsuya Ishihara (Kanon, Tenchi Universe, Clannad). Les 14 épisodes de la 1ere saison furent diffusés à partir du printemps 2006, la 2ème étant quant à elle diffusée en 2009 en même temps qu'une rediffusion de la 1ère saison. Je parlais de diffusion excentrique, en effet si les trois premiers épisodes furent diffusés normalement, le reste des épisodes a été... mélangé. D'ailleurs le dernier épisode diffusé n'est pas le dernier chronologiquement, ce qui peut être considéré comme un des défauts de la série car le "vrai" dernier épisode est bien meilleur. La plupart des épisodes sont indépendants, tout en ayant en mémoire et en progression le déroulement du scénario global. Attendez-vous néanmoins si vous le visionnez dans son ordre de diffusion original à avoir un épisode en deux parties séparées par un ou deux épisodes. Les deux expériences, désordre et ordre, sont intéressantes, la première correspondant plus à l'esprit de la série, la deuxième structurant l'ensemble et faisant moins puzzle. Si vous souhaitez regarder suivant l'ordre chronologique, suivez simplement les indications de Haruhi lors de l'annonce du prochain épisode (oui oui, le truc que personne ne regarde après l'ending).


Le SOS-Dan au grand complet !

Les graphismes de SHNY étaient à son époque à la pointe de l'animation. Des traits précis, des couleurs claires, des décors et arrière-plans travaillés, mais surtout une animation qui donne vie aux personnages, et pas seulement dans le sens où celle-ci est fluide. Je parle souvent de doublage ou d'OST apportant une dimension supplémentaire au caractère d'un personnage, mais l'animation a rarement à voir dans ce domaine là. C'est pourtant ce que Kyoto Animation a réussi à faire : une animation vivante, vibrante, fluide, et adaptée à chaque personnage. Tout dans leurs mouvements, la façon dont ils bougent, témoigne de leur vitalité, de leur état d'esprit, leurs émotions... Yuki possède une animation aux gestes presque cliniques, exempte de tout geste inutile, là où Haruhi sera au contraire exubérante, nous présentant des mouvements amples, exagérés, à la limite du surjoué.


Me serai-je trompé d'animé ?

L'animation ne fait pas tout, et Kyoto Animation nous le rappelle : un animé est comme n'importe quel film ou série, la cinématographie et la photographie (même si on devrait sans doute lui donner un autre nom dans ce cas là) apportent énormément à une œuvre, comme beaucoup de flops du cinéma français pourraient nous le rappeler. Point de vue, angles de vue, effets spéciaux, effets de caméra, CG, SHNY joue la carte de l'originalité en faisant appel à des techniques non conventionnelles dans les animés, ajoutant encore à l'atmosphère particulière de l'œuvre. Chaque scène semble avoir été pensée et travaillée minutieusement, comme dans un film, ce qui paraît improbable pour un animé, étant donné le nombre de scènes composant une série.


Encore un plan sans accroc...

Des scènes différentes, vous allez en voir un paquet, que ce soit ce premier épisode montrant le "film" d'Haruhi, à ces tropes flagrant comme l'équipe de base ball qui gagne miraculeusement ou encore le meurtre dans une pièce close, habituels dans les films/séries/mangas. Ce qui va sûrement vous étonner dans cet animé, c'est tout simplement la narration. SHNY est bourré de narration, que ce soit entre ou pendant les dialogues ou l'action. Cette narration est effectuée par le principal personnage, qui n'est pas Haruhi comme aurait pu le faire penser le titre, mais Kyon, total opposé de Haruhi. Cette narration est particulièrement appréciable et est l'un des gros points forts de la série, Kyon étant sarcastique au possible et doté d'un esprit caustique exacerbé. Blasé, démotivé et agissant comme un frein pour les délires d'Haruhi (enfin, il essaye de la freiner, tout en sachant que ce ne sera pas possible), il est l'anti-héros parfait pour compléter Haruhi, la mettant en valeur comme personnage central (et pas principal) de la série.


...et la réaction habituelle de Kyon, facepalm powa !

Bon je vous parle d'Haruhi par-ci, Haruhi par là, va peut-être falloir que je la présente. Encore une fois le titre est mensonger, la petite Haruhi n'est pas mélancolique, déprimée ou suicidaire. C'est au contraire une pile atomique débordant d'énergie, et surtout jamais à court d'idées saugrenues en tout genre. Haruhi est une élève brillante et une sportive accomplie, mais du côté social on repassera. Car elle sait ce qu'elle veut, et refuse de laisser des choses comme des règles, des émotions, la morale ou encore les conventions se mettre sur son chemin. Si Haruhi est à l'écran, c'est bien simple, sa présence domine la scène grâce (à cause ?) à son excentricité. A tel point d'ailleurs, que les autres personnages en deviennent des vecteurs comiques, rôle qui au final leur convient parfaitement, seul Kyon échappant à ce rôle "forcé". Si les autres personnages ont leurs révélations ou encore un petit arc le temps d'un épisode (sans Haruhi pour des raisons que je ne spoilerai pas), leur développement est pour ainsi dire quasi inexistant, ce qui pourrait être un défaut. Et qui n'en est pas un au final, car lorsqu'on a le tableau global, on se rend compte qu'il pourrait difficilement en aller autrement. Notre série est donc centrée sur Haruhi, pour Haruhi, par Haruhi. C'est le seul personnage que l'on pourra qualifier de complexe, et dont le développement existe, sans pour autant vous être jeté à la face comme peuvent le faire tant d'autres. Sa progression est subtile, soulignée uniquement par la narration (toujours by Kyon) et des faits et gestes subtils.


Yuki, fidèle à elle-même

Les autres personnages, à savoir Itsuki, Mikuru et Yuki, sont de bons gros clichés des familles, avec la fille à lunettes qui passe son temps à lire sans dire un mot, la fille mignonne à forte poitrine et le beau gosse charmeur. Heureusement pour nous, derrière ces stéréotypes se cachent quelques secrets qui vont donner tout son sens au côté science-fiction de la série. Mikuru est par ailleurs sujette à beaucoup de "fan service", même si celui-ci est au service de l'humour, voire se pose en parodie au fan service, plutôt qu'au service de la vente de coffrets DVD.


Même les filles aiment le fan service maintenant !

Fin bref, si je vous parle de ces personnages (et sans spoil attention !), c'est tout simplement car à partir de ces concepts plutôt réchauffés, les seyuu (les doubleurs japonais) parviennent à insuffler vie à ces personnages et à donner à chacun du caractère. Les quelques lignes de la taciturne Yuki sont parfaites, ce petit ton sec, sans fioritures, lui correspond parfaitement. Le doubleur d'Itsuki arrive à mettre juste ce qu'il faut d'obséquiosité dans son intonation pour lécher les bottes sans en avoir l'air. Quant à Mikuru, je me demande encore comment la doubleuse a réussi à lui donner ce ton constamment sur le point de fondre en larmes, ce qui colle à son rôle de "souffre douleur" d'Haruhi. Le doubleur de Kyon arrive à lui donner ce ton caustique sans trop d'effort, et le travail sur Haruhi parvient à faire ressortir toute l'énergie du personnage. On est dans le grand art de ce côté là, les doubleurs ont réussi à égaler les graphistes.
L'OST lui ne m'a pas particulièrement marqué, de la musique de fond assez conventionnelle pour de l'animé. L'opening est plutôt sympathique et prenant, et l'ending Hare hare yukai est devenu une référence en peu de temps, Lucky Star et même League of Legends en reprenant sa fameuse danse. Allez petit bonus pour vous, une petite vidéo montrant de vraies personnes la dansant :P

L'opening, Bouken Desho Desho par Hirano Aya :

L'ending, Hare Hare Yukai par Hirano Aya également :


Hare Hare Yukai, c'est surtout sa chorégraphie bien particulière <3

Les plus observateurs auront remarqué que j'ai parlé de science-fiction, en effet SHNY, sous ses airs de "comédie romantique au lycée" est avant tout une œuvre fantastique, peuplée d'aliens, de gens venant du futur et d'ESPers... enfin de quelques-uns tout du moins. Là encore, contrairement à Onegai Teacher, Tenchi universe ou mon très cher Gintama, pas de vaisseaux volant en plein jour ou d'explosions psychiques à tout les coins de rue dès le premier épisode. Comme d'habitude on suit le point de vue de Kyon, l'humain basique et pragmatique qui a du mal à accepter ce surnaturel (eh oui, il ne l'accepte pas de suite, pour lui tout ça n'existe pas !). On a donc une approche subtile vers un monde fantastique qui se découvre peu à peu, pour finir par des révélations qui vont chambouler l'univers de Kyon et donner un final plutôt magnifique (le final chronologique, j'entend).
Difficile de parler de ce côté science-fiction sans le spoil, je préfère donc ne pas m'aventurer plus loin, et je ne citerai donc pas les deux écoles d'interprétation de l'anime, celles-ci débattant justement de la révélation dont je vous parlai, et autour de laquelle tout le concept de SHNY se pose.


Fallait bien attirer le chaland !

La saison 2 quant à elle présente des épisodes sympathiques mais pour moi pas au niveau de cette 1ère saison, son plus gros défaut étant ces huit épisodes sur une boucle temporelle, épisodes presque similaire mis à part quelques subtils changements. Si il est amusant pendant les deux premiers de chercher les différences, deux ou trois épisodes auraient à mon avis dû suffire à boucler cet arc, qui du coup vous incite à faire de l'avance rapide dans ces épisodes, voire même à les passer tout simplement. Les autres épisodes présentent la création du film constituant le tout premier épisode de la série, ce qui les inclut chronologiquement entre certains épisodes de la saison 1, fait pas vraiment gênant puisqu'ils restent assez indépendants.

Au final, La mélancolie de Suzumyia Haruhi n'aura eu de mélancolique que le nom, nous emportant dans un univers original et fantastique déguisé en notre bon vieil univers. Un voyage agrémenté par un narrateur blasé, mais heureusement accompagné d'une acolyte avec qui le chemin ne peut être qu'extraordinaire. Vous êtes blasé des animés, lassés des éternels stéréotypes ? Faites quelques pas avec Haruhi, et revenez m'en parler après vos 14 épisodes !