Halloween, c'est dans dix jours, mes amis ! Aussi, entre deux préparations de costumes pour cette soirée, me suis-je dit que c'était l'occasion ou jamais de revenir sur cette émotion profonde et viscérale très répandue dans les jeux vidéo : la Peur, avec une majuscule.

J'avoue, les zombies, les fantômes, il y a longtemps qu'ils ne me font plus peur. Le vétéran de 'House of the Dead' et autres '28 Jours Plus Tard' que je suis est depuis longtemps blasé des menaces mortes-vivantes. En fait, les zombies de jeux vidéo ne me sont plus vraiment *effrayants*, menaçants certainement, mais pas au point de provoquer une réaction de terreur.

Quand on y réfléchit, on se rend compte finalement du fossé qu'il y a entre la peur induite par les jeux vidéo et la vraie peur, celle de la vraie vie. Car ce qui nous terrorise vraiment, ce sont des événements réels comme une araignée qui vous remonte la jambe, un intrus qui pénètre par effraction dans votre maison, ou un accident de voiture interrompant votre quotidien. Ca, ça fait vraiment peur.

Du coup, ne serait-il pas logique que les jeux vidéo reprennent cette caractéristique ? Par exemple, une chose qui me ferait vraiment peur ne serait pas un quelconque croquemitaine interrompant mon sommeil au milieu de la nuit, mais quelqu'un, un inconnu, pénétrant dans ma maison, pour une raison là aussi inconnue. A ce titre, les gens, les vrais, sont plus effrayants que les démons, les morts-vivants et autres entités maléfique tout simplement parce que les vrais gens existent réellement.

Du coup, pourquoi les jeux vidéo du genre horrifique sont-ils systématiquement centrés sur la lutte contre des menaces surnaturelles ?

Alors que les développeurs n'hésitent jamais à implémenter la violence à outrance, il aurait été plausible de voir surgir des jeux basés sur un concept aussi simple que des gens faisant du mal à d'autres gens. Certains jeux en sont très proches, comme Bioshock, mais même ce dernier reste ancré dans un univers fantastique.

Si vous avez vu des films comme 'C'est arrivé près de chez vous' ou "Henry, portrait d'un serial killer', vous vous rendez bien compte que la véritable horreur ne vient pas d'une quelconque menace surnaturelle : souvenez-vous de la séquence de Henry où il pénètre dans une maison avec un compère et assassine toute la maisonnée (une scène similaire se retrouve dans 'C'est arrivé près de chez vous', dans un registre plus humour noir). L'horreur ici ne vient pas avec des effets spéciaux, mais de la réalité perçue : parce que c'est arrivé et que nous savons que c'est arrivé (près de chez vous, peut-être), le spectacle suscite la terreur.

C'est un genre d'horreur "sèche" que j'opposerais à la classique horreur "grasse" pleine d'hémoglobine et de faux membres en plastique.

Les jeux vidéo du coup prennent une approche complètement différente. A contre-courant de la majorité, des exceptions comme Heavy Rain cherchent à provoquer cette sensation de menace réelle : souvenez-vous de la séquence du rêve de Madison, où elle est soudain attaquée par des inconnus chez elle, par exemple. Le jeu, bien qu'un thriller à la base, emploie des ficelles proches de l'horreur sèche alors que les jeux classés Horreur actuellement (Resident Evil, Silent Hill et alii) sont plutôt du genre à multiplier les effets sonores bruyants et les créatures affreuses propres à des attractions de fêtes foraines...

Du coup, je me dis, pourquoi si peu d'horreur sèche dans les jeux vidéo ? Sans doute pour la même raison que l'horreur grasse existe : le divertissement. En effet, il y a un facteur important qui génère la sensation de peur dans l'horreur sèche : c'est l'impuissance. L'impuissance face à la menace, au danger. Or, imposer cette sensation d'impuissance dans un jeu n'a rien de fun, bien au contraire.

Ce qui signifie, horreur !, que les jeux vidéo seraient dans leur essence même incapables de produire un effet de terreur allant au de là de la surprise ou du dégoût, loin, très loin de la vraie peur viscérale. Cela dit, les artifices existent bel et bien, et ils sont très nombreux. C'est juste qu'ils resteront du niveau de l'horreur grasse, et n'iront pas jusqu'aux tripes.

Voici, en vrac, quelques unes des nombreuses méthodes qu'emploient les développeurs pour véhiculer la peur.

La surprise

L'une de mes premières expériences de peur dans un jeu vidéo remonte à un grand classique : Doom 2. Je ne sais plus trop quand mais à un moment donné, vous ouvriez une porte et soudain, un horrible démon vous surprenait derrière. Je me souviens que mon coeur fit un bond dans ma poitrine et qu'il me fallut quelques instants après avoir liquidé le monstre pour reprendre contenance.

De tous les artifices, je pense que c'est le plus courant, et ma foi, le plus efficace. Beaucoup de jeux incluent ce genre d'événement qui vous prend au dépourvu et donc vous fait bondir ne serait-ce qu'un peu dans votre siège, tout comme au cinéma. Un autre exemple typique est l'attaque des chiens dans Resident Evil qui vous sautent dessus de derrière une fenêtre. Le problème de cet artifice est que si l'on en abuse, le joueur finit par s'y habituer et l'effet de peur est perdu pour la suite.

Les effets sonores répétitifs

Les sons ont une influence importante en tant que véhicule d'émotion, et la peur peut aussi en bénéficier. Souvenez-vous de Sonic, de cette crispante musique qui se jouait soudain lorsque le hérisson commençait à manquer d'air sous l'eau - je n'ai jamais entendu de musique plus stressante. Rien de mieux pour se mettre à paniquer et laisser mourir le petit héros bleu.

Au de-là d'un effet de tension, des bruits d'ambiance tels que râles, frottements, hurlements fournissent une ambiance suffisamment tendue pour rendre des jeux comme Silent Hill et consorts extrêmement stressants.

Les effets sonores programmés

Les psychologues parmi vous doivent connaître le terme de conditionnement psychologique : en l'occurrence ici, il s'agit d'associer un événement effrayant à un stimulus sonore spécifique, son ou musique. Dès lors, la prochaine fois que l'on entend ce son, l'esprit devient anxieux du fait de l'association qui a été faite entre ce son et l'événement.

Dans les jeux vidéos, on utilise ce genre d'association typiquement pour marquer la présence d'un boss par exemple : dans Resident Evil 3 : Nemesis, lorsqu'on entendait le thème musical de la Nemesis, on savait qu'il était quelque part dans la zone. Idem pour la série des Silent Hill.

Evidemment, ce lien entre émotion et musique n'est pas utilisé que pour la peur mais peut être associé à une pause relaxante ou à une victoire (je sais pas vous mais ça me fait ça avec le thème de la victoire des Final Fantasy...), permettant ainsi de jouer sur toute une gamme d'émotions.

Les vibrations

Les vibrations de la manette sont un grand classique pour exprimer au joueur un effet de choc littréalement physique, mais comme pour les effets de surprise, il ne faut pas non plus en abuser. Silent Hill 2 avait fait une excellente utilisation de ces vibrations en simulant un léger battement de coeur indiquant le niveau de santé de votre personnage (mon niveau de tension augmentant avec le rythme cardiaque des vibrations...).

L'obscurité

Qui n'a jamais eu peur du noir ? L'effet ici ne se limite évidemment pas seulement aux ténèbres mais couvre tout ce qui peut limiter la vision, comme le brouillard à la Silent Hill par exemple. Tout ce qui vous empêche de voir clairement d'où les ennemis peuvent surgir permet de créer de la tension, une forme d'inquiétude permanente qui, lorsqu'elle vire à la paranoïa, signe le succès des développeurs.

Les enfants

Par convention, dans les films d'horreur, on ne touche pas aux enfants ni aux animaux - parce que ce sont des symboles d'innocence. Dès lors, lorsqu'un jeu les met en scène de façon horrifique, préparez-vous à de bons instants de malaise. Je me souviens d'une séquence de Max Payne avec la petite berceuse qui se jouait par dessus des cris de bébé et le hurlement d'une femme. Sachant que le cri des bébés est en soi l'un des sons les plus inconfortables qui soit, les développeurs n'ont donc guère eu de difficulté pour nous perturber... Un autre exemple dans le genre est à nouveau dans Silent Hill avec l'utilisation des petites filles...

Le glauque

Il n'y a rien de mieux pour rendre un jeu effrayant que d'y mettre des éléments tordus et perturbants, basé sur le principe du contre-nature mais la frontière entre horreur sèche et horreur grasse est délicate et l'on tombe très vite dans le grandguignolesque. L'exemple archétypal reste le zombie : de simples clichés désormais, il est difficile désormais de sentir perturbé quand on en voit un. Cependant, si le jeu vous donne un peu de background supplémentaire en vous montrant que le zombie était quelqu'un de normal auparavant, qu'il avait une vie normale avec une famille, etc., alors le fait de lui tirer une volée dans le crâne au shotgun devient tout d'un coup beaucoup plus dérangeant...

Si un développeur parvient à obtenir cet effet, alors c'est gagné.

Ce qui ne marche pas

Beaucoup d'artifices supposés provoquer la peur ne fonctionnent pas, ou plus très bien. Au contraire, certains de ces artifices peuvent même ruiner l'expérience. Parmi ceux-ci, je peux citer en vrac :
- les cinématiques supposés faire peur, mais qui ne font en général que briser la continuité dynamique du jeu
- une mauvaise maniabilité : qui peut apprécier un jeu d'horreur quand vous devez vous tordre les doigts pour tirer sur un zombie ?
- Trop de second degré : des dialogues et tirades qui en font un peu trop risquent au contraire de ruiner complètement l'ambiance horrifique, virant dans le burlesque de l'horreur grasse.
- le multijoueur : la peur joue sur le sentiment d'isolement. Si vous êtes tout un groupe à jouer dans le salon, ça ne marchera pas...

Alors, qu'en pensez-vous ? Un jeu peut-il provoquer une sensation d'horreur véritable ?