M'étant offert le DVD de Madame Butterfly il y a quelques temps, je m'étais donc fait plaisir en revoyant cet opéra que je n'avais pas vu depuis des années. Le spectacle était superbe, comme on se doit de l'attendre de la part d'un tel opéra. Côté scénario par contre, ce ne fut pas très compliqué - comme relativement souvent dans la plupart des opéras, la trame se résume souvent en deux-trois phrases... Du coup, cela m'a amusé de me dire que la comparaison avec les jeux vidéo n'est pas forcément si embarassante pour ces derniers : certes, j'ai déjà connu des scénarios encore plus simplistes, mais côté narration et mise en scène, certains titres dépassent largement la moyenne des opéras (genre, La Fille du Far West, du même auteur, autrement plus risible que la noble Butterfly).

Le fait est que, lorsque l'on juge de la qualité d'un opéra, le scénario importe finalement peu : j'exagère sans doute mais ce qui importe dans un scénario d'opéra, c'est un fil conducteur permettant de relier une série de scènes diverses où les personnages peuvent soudain se mettre à chanter à tue-tête. Le fait que je trouve Madame Butterfly plus réussi que la Fille du Far West ne provient pas de la faiblesse scénaristique de ce dernier, au contraire le scénario n'a même rien à voir : la trame dans les deux cas a joué son rôle, c'est juste que la *musique* m'a moins plu.

Et puis plus récemment, je suis allé à Londres, paradis des comédies musicales. Pour l'exemple, je parlerai de We Will Rock You, entièrement basée sur des chansons du répertoire de Queen. Là encore, le scénario était à la limite du ridicule (dans un futur où la musique est opprimée, un élu vient libérer le monde avec du bon vieux rock anglais), mais là aussi, le scénario ne constitue rien d'autre qu'un prétexte pour une série de numéros musicaux excellents et entraînant...

Ce qui nous amène aux jeux vidéo. Si des formes artistiques aussi établies et respectées que les opéras et les comédies musicales peuvent se permettre de reposer sur des scénarios rachitiques pour véhiculer des oeuvres génialissimes, pourquoi cela ne serait-il pas la même chose pour les jeux ? Ma petite soeur joue au Professeur Layton sur Nintendo DS et ma foi, la scénario est là aussi assez risible (en tout cas du même niveau que la Fille du Far West...) mais là aussi, ce dernier n'a été qu'un instrument pour introduire la série d'énigmes excellentes qui truffent le jeu. Et quand je dis excellentes, je ne plaisante pas, tout le génie du jeu est justement d'offrir à ces énigmes un écrin d'images, animation et de musique tout simplement superbe.

Evidemment, je ne proposerai pas cette seule caractéristique des opéras et des comédies musicales comme un modèle général pour l'ensemble des jeux vidéo : les jeux vidéo non-narratifs sont tout aussi pertinents que de la musique non-narrative et abstraite, nous amenant à redécouvrir à quel point le jeu vidéo est un art aux facettes multiples - au point qu'il est au final capable d'apprendre et de s'enrichir en s'inspirant de toutes les autres formes d'art... Ce qui me fait dire que tout n'a pas encore été inventé dans le jeu vidéo, qu'il faut encore pousser encore et encore les expérimentations

Bien sûr, comme je l'ai mentionné dès le départ, la qualité scénaristique des opéras varie énormément, jusqu'à égaler en complexité et intérêt les meilleurs jeux vidéos (je pense par exemple au Ring de Wagner). La plupart des trames d'opéras cependant se contenteront d'être simple, conscientes qu'elles n'ont qu'un rôle de support pour permettre à la musique, la vraie vedette, de pouvoir s'exprimer totalement.

L'image devrait être la même avec les jeux vidéo : un jeu peut très bien fournir un excellent gameplay tout en traitant les autres éléments de manière plus ou moins sérieuse... Finalement, des élements comme le scénario ou les graphismes ne doivent-ils pas servir d'écrin pour ce qui constitue l'essence du jeu vidéo - le gameplay ?