Les Colons de Catane, Carcassonne, Horreur à Arkham : si ces noms vous disent quelque chose, c'est que vous devez être un amateur de jeu de plateau - et cet article vous est dédié.

Si au contraire, ils ne vous disent rien, ou encore si vous connaissez mais avez été rebuté par leur prix ou leur complexité, ne vous inquiétez pas, cet article est aussi pour vous.

De nos jours, les jeux de plateau que l'on dit "à l'allemande" restent un loisir de niche, confinés qu'ils sont dans les rares magasins spécialisés dans le jeu de société (et donc rangés au milieu des jeux de cartes et autres jeux d'échecs) ou dans les boutiques de jeux de rôle (et donc perdus au milieu des jeux de figurines et des bouquins de jeux de rôle).

Mais les choses commencent à changer.

Tout ce qu'il faudrait pour voir des foyers entiers passer leurs soirées autour de la table à jouer ensemble, c'est que les éditeurs passent au digital.

Que vous trouviez l'idée intrigante ou complètement hérétique, voici selon moi la révolution du jeu de plateau est non seulement à venir mais inévitable - sans parler de l'iphone et de l'ipad qui ont déjà entamé cette révolution.

Les jeux de plateau sont chers.

Un de mes amis iphonophile m'a récemment montré l'application de Carcassonne sur son téléphone : vendue à 4,99 euros, ce n'est pas grand chose en comparaison des 30 à 40 euros qui constitue la moyenne du prix du jeu dans sa version physique. Et même Carcassonne est relativement abordable : des jeux comme Agricola ou Horreur à Arkham poussent plutot vers les 50 euros...

Evidemment, la version physique de ces jeux vous en donne tout de même pour votre argent. L'une des caractéristiques typiques des jeux à l'allemande est de fournir de beaux produits, avec des accessoires de qualité (pions en bois, jetons en carton épais, etc.). Malgré tout, le prix reste une barrière certaine.

En virant digital et en réduisant les coûts de production de ces jeux au tirage déjà limité, les éditeurs de ces jeux pourraient baisser les prix de manière drastique. Le prix total d'Horreur à Arkham et de ses extensions pourraient ainsi passer de plus de 200 euros à une fraction minime de cette somme.

Les jeux de plateau sont trop compliqués.

Si vous avez pu à un moment ou un autre observer une partie d'un jeu de plateau à l'allemande, votre premier souvenir sera certainement la complexité apparente de ce type de jeu : l'abondance de pions, d'information, de points de règles et d'exceptions aux règles sont typiques, et même un véritable amateur devra souvent relire à deux fois le manuel avant de bien saisir toutes les mécaniques !

C'est une problématique habituelle de ce genre de jeu. La plupart du temps, les règles commencent à être intégrées après une session de jeu ou deux, mais elles peuvent être incroyablement complexes à première vue. Du coup, vous ne pouvez décemment en vouloir aux gens de s'enfuir en courant après dix minutes à observer une partie d'Horreur à Arkham ou du Trône de Fer...

Même les jeux les plus accessibles comme les Colons de Catane peuvent paraître compliqués auprès d'un public habitué au cluedo et au monopoly. Les règles de ces derniers tiennent aisément au dos de leurs boites : les règles d'Horreur à Arkham prennent quant à elle un livret de 24 pages. 24 pages ! On dirait le manuel d'un téléphone dernier cri... Et tout cela sans compter les règles des extensions et autres errata, la plupart du temps publiés en ligne.

A l'opposé, mon premier contact avec l'application de Carcassonne sur iphone fut un exemple de clarté. Un tutoriel clair me guida tout au long des premières actions dan le jeu jusqu'à ce que je me sente suffisamment en confiance pour faire mes propres choix. Si tous les jeux étaient livrés avec une guide interactif aussi simple et bien fait, la galaxie des joueurs de jeux de plateau ne serait pas aussi petite. Ou du moins, beaucoup de gens ne fuiraient pas en courant devant la complexité apparente de ces jeux.

Les jeux de plateaux sont contraignants

La plupart du temps, lorsque mes amis et moi préparons une session d'Horreur à Arkham, il nous faut environ un quart d'heure pour la seule préparation : il faut retirer les pions de leurs containers, les distribuer, faire de même avec les cartes, puis placer les pions, le reste des cartes, la banque... Il y a une certaine élégance (relevant du trouble obsessionnel compulsif) à mettre en place tous les éléments du jeu sur la table, mais j'avoue que cela tue un peu la spontanéité. Essayez de faire ça avec des gens qui n'ont jamais joué et vous perdrez toute leur attention au bout de deux minutes.

Avec un jeu en version digitale, tout ce travail de manoeuvre est éliminée. La version physique d'un jeu comme Small Worlds contient plus de 200 petits éléments à trier et distribuer avant de pouvoir jouer. Dans la version pour ipad, vous n'avez qu'à appuyer sur le bouton "New game".

Et là je ne parlais que de la mise en place. Le suivi du jeu par la suite impose souvent de suivre un certain nombre d'éléments allant des points de victoire, de l'avancée des tours, des éventuels jetons ou cartes de pouvoir gagnés en passant par les pénalités, bonus, et autres effets spéciaux. A vrai dire, me croirez-vous si je vous dis qu'un gars est allé jusqu'à inventer une appli sur iphone juste pour suivre le score dans des jeux particulièrement comliqués mais populaires du même genre ? (au passage l'appli s'appelle très justement Score).

A l'inverse, un jeu dans sa version digitale n'aura pas ce genre de contrainte : le score peut être tenu automatiquement par la machine au fil du jeu, sans risque d'erreur (ok, la possibilité de tricher sans être vu peut aussi être un attrait du jeu de plateau après tout). La version iphone de Carcassone vous indique même la répartition de vos points parmi les routes, les champs, les constructions... Ce genre de suivi automatisé allège les contraintes propres au jeu de plateau.

La révolution a déjà commencé

Autant être franc, les jeux de plateau sous forme digitale ne répliqueront jamais l'expérience d'un vrai jeu avec plateau, pions et cartes. Malgré tout, ils peuvent aisément s'en approcher, avec l'avantage d'être beaucoup plus accessible.

Quand vous jouez une partie de Small Worlds sur ipad, il vous suffit de glisser le doigt sur les pions virtuels. Le jeu s'oriente automatiquement selon à qui c'est le tour de jouer, de sorte que vous n'avez pas à constamment tourner le plateau pour assurer une bonne lecture du jeu. Et enfin, lorsque la partie est terminée, le jeu vous calcule directement les points et désigne le gagnant, en toute impartialité.

Peu ou prou, l'expérience de jeu reste finalement intacte, et cela pour un sacrifice modique quand on y pense. De plus, ces versions digitales sont le moyen idéal pour introduire une personne au genre : une fois initiée aux Aventuriers du Rail dans sa version digitale, pourquoi ne pas acheter la version avec le joli plateau ?

P.S. : Cet article signe les six mois de la rubrique ! Trop fou ! Je ne pensais pas que je tiendrais le rythme après six mois mais pari tenu : rendez-vous dans six mois pour fêter le 5ème article ! ;)