Au commencement d'une nouvelle ère, il y a dix années de ça, j'ai vécu une expérience exceptionnelle dont le souvenir est aujourd'hui encore bien vivace et pour cause : mon âme a été transférée à l'intérieur d'un jeu vidéo. Oui, vous avez bien lu « à l'intérieur ». Et aucune rédemption n'a été possible avant la fin du chemin. Mon âme fut tour à tour stupéfiée, émerveillée, en proie au démon, piégée.

Ce fut pourtant l'âme sereine que j'insérai le disque 1 de The Nomad Soul dans le lecteur de mon Pentium III. Je découvre illico le deal proposé par Kay'l 669, individu psyché speedé probablement fort bien accoutré si l'on se réfère aux collections automne hiver de l'an 3496. Je me souviendrai à jamais des paroles qu'il a prononcées :


NomadSoul1« J'ai beaucoup de choses à te dire et très peu de temps. Je m'appelle Kay'l. Je viens d'un univers parallèle au tien. Mon monde a absolument besoin de ton aide. Toi seul peut nous sauver. J'ai réussi à ouvrir une brèche entre ton univers et le mien. Avec ta machine, tu peux la traverser et vernir nous aider. Mais pour pouvoir le faire, tu dois transférer ton âme dans mon corps. Acceptes-tu ? Appuie sur un bouton si c'est « Oui » mais décide-toi vite, car le temps presse. 


 

 

(entrée en matière plutôt véloce et excitante, vous en conviendrez... je suis un peu acculé ceci dit)

- J'accepte

- Je savais que je pouvais compter sur toi. Maintenant, concentre-toi...

 

NomadSoul2

En quelques instant, je sens sauter le verrou de mon âme, la laissant errer et glisser peu à peu pour devenir... une âme nomade.

Une, deux secondes... et le transfert d'âme s'est produit...

 

 

 

Je me vois plonger dans une
faille spatio-temporelle pour voler au secours du monde de Kay'l que je ne
connais pas. Je prends à peine conscience de cette autre dimension, choqué par
l'incarnation inopinée de ce nouveau corps, que l'expérience tourne court, ou
presque. Une forme monstrueuse débarque et attrape mon visage pixellisé, nouvel
antre de mon âme, pour le vider de son contenu.

NomadSoul3Je dois vous avouer que
l'aspect retors, peu recommandable de la créature m'a profondément marqué. Je
vois encore aujourd'hui la tête de ce sale criquet géant communiste dans mes
pires cauchemars.

Mais « Ralph Baer » merci [dieu du JV, à l'origine
de toute création]  je suis sauvé par la
patrouille impromptue d'un mécagarde - également communiste je présume - qui
chasse le malfaisant.

 

 

La ville s'offre alors à moi, effrayante mais fascinante... j'ai envie d'y rester, de la découvrir, d'y vivre, ne serait-ce que le temps d'une partie. Chaque pas vers elle résonne en moi, me terrifie, me galvanise. Se rappelle alors à moi la consigne de Kay'l : « passe d'abord à mon appartement ».

Je m'en vais donc gaiement, bien décidé à consulter un
psy-tech car décidément ça va pas très bien dans ma tête à ce moment là.


NomadSoul5

NomadSoul6

Après quelques vagabondages et quelques
questions aux autochtones (à qui il semble bien que ce monde pixellisé
est le vrai monde réel !) je me décide à appeler un Slider (ou taxi service) via mon MK400 (ou Blackberry du futur) pour rejoindre le domicile de Kay'l... ou plutôt mon domicile.

NomadSoul8Et arrivé sur place : OUAAaaaa ! Trop class' mon appart' ! Je voudrai bien le même en vrai, toutefois avec un peu plus de mobilier et peut-être ma touche personnelle pour la déco. Sinon c'est le top dans le genre «
appartement du futur ». Tour du propriétaire... un salon, une chambre, des toilettes, une salle d'entrainement au combat (normal) une cuisine avec 3 anneaux qui flottent dans l'air (encore normal). Ces anneaux me
permettent de sauvegarder et retransférer mon âme vers la loque située
de l'autre côté de l'écran (toujours on ne peut plus normal :) je vous
assure on s'habitue).


NomadSoul7Je sors de la cuisine et là, direct, je me fais braquer par... euh... mon
épousée (il parait) qui « ouf » m'a finalement reconnu et me saute dans
les bras. S'ensuit une petite conversation à base de « Où c'est que
t'étais fourré depuis 4 jours » etc.  qui a le mérite de poser
l'intrigue, ainsi que la deuxième pierre émotionnelle à l'expérience.
En fin de discussion, je ne suis pas stupide, je vois bien que la petite sort du salon pour se diriger vers la chambre.
Intrigué (ouais... ok... on voit bien le genre d'intrigue) je la suis.
Elle sur le lit, je m'allonge à ses côtés en toute simplicité, comme
s'il m'avait suffit de presser la touche « Enter » de mon clavier pour
le faire. Euh... et après je ne m'en souviens plus très bien... je ne sais
pas pourquoi, il y a comme un blanc...

Le retour de mon âme se passe sans heurt, et je retrouve
aisément ce corps, ces mains crispées, ces yeux exorbités, cette bouche
dégoulinante de bave. En revanche, il me manque quelque chose, mais quoi ? ... une partie de moi y est restée... Et plus je vais progresser dans
l'aventure, plus je vais être piégé par ce jeu. Mais ça, c'est une
aventure qu'il vous appartient de vivre par vous-même...

 

Mais... pourquoi nous infliger cet article ???  :)

 

Heavy Rain fait couler beaucoup d'encre depuis sa sortie.
Tout le monde se plait à donner son avis sur le jeu, et parfois au passage, sur
son "ébauche", Fahrenheit.

Tout ça m'a bien donné envie de revenir aux sources...

Si Fahrenheit est un jeu à part et m'a fait vivre quelques uns de mes meilleurs
moments de "petit gamer" (les 3 premières heures principalement !), The Nomad
Soul, première tentative de Quantic Dream et de David Cage, mérite bien plus
que ce statut d'œuvre de jeunesse dont on pourrait innocemment l'affubler.

J'irai d'ailleurs bien plus loin : la première marche vers une révolution
vidéoludique
 n'est pas Heavy Rain (pour
qui elle a été proclamée autant à juste titre que pour des raisons marketing) :
c'est The Nomad Soul...

L'obsession de Quantic Dream était alors de tout rendre possible : monde ouvert
et exploration, interaction avec un maximum d'éléments de l'environnement,
phases de shoot, phases d'enquête, phases de combat et apprentissage de
techniques de combats, dialogues avec choix multiples, plusieurs personnages
jouables avec leurs propres caractéristiques, bref... du  gameplay ! (je
crois bien entendre s'étouffer les détracteurs de Cage, non ?) Même s'il
est vrai au final que la plupart de ces points n'était pas maîtrisé, je n'ai
aucune envie de vous en donner le détail.  Tout cela n'a simplement jamais
nui outre mesure à mon expérience, repêchée au delà de toutes espérances par
d'autres aspects plus éthérés voire indéfinissables.

David Cage soulignait dans une interview la naïveté de cette démarche de
pastiche... Possible que l'on puisse en parler de la sorte. Mais qui s'est
risqué à telle entreprise depuis The Nomad Soul ? Pas grand monde...

Bien plus que cette variété, c'est l'atmosphère qui se dégage d'Omikron (monde
où se déroule The Nomad Soul) qui vous prend à la gorge, qui vous absorbe. J'ai
fini Heavy Rain. Ce jeu est somptueux, il m'a marqué voire pire, il m'a
traumatisé à certains égards, mais rien de comparable à ce que j'ai pu ressentir
il y a 10 ans (déjà !) avec The Nomad Soul.

The Nomad Soul est une expérience inoubliable qui porte l'imaginaire,
transcendée par une OST signée Bowie (ah enfin on en parle !), ainsi que -
on ne souligne jamais assez - par un sound design ahurissant. Oyez amis gamers,
qui jamais n'avaient vu Omikron, laissez-vous tenter par The Nomad Soul,
laissez-vous engloutir par Anekbah, Jaunpur et Lahoreh : vous pourriez bien
être surpris par le travail de Quantic...   

Quelques screens maison pour finir ! The Nomad Soul n'est pas un jeu à la 1ere
personne mais permet de basculer sur cette vue ponctuellement, et ça
fait de meilleures "photos" !

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