Les Mayas ont prophétisé la fin du Monde pour le 21 décembre 2012, mais ils n'ont pas vu la fin du Point le 27 novembre. Comme quoi on peut se planter d'un canard à un autre. Si les réactions concernant cette fameuse tribune du Point ont été légion, et diverses, je les ai néanmoins trouvées disproportionnées face à ce petit pet d'esprit d'une vieille dame dépassée par le sujet, qui voyait là la simple opportunité de sortir de la pige afin de s'offrir pour les fêtes, au choix, un sac à main contrefait ou une dernière piqûre de collagène. Beaucoup de joueurs sont montés beaucoup trop vite au créneau, alors même que cette dame ne fut même pas soutenue par ses pairs. Un non-évènement venu d'un autre siècle auquel nous avons donné, à mon goût, beaucoup trop d'importance.

De là naît cette petite réflexion, et si nous laissions ces vestiges d'une pensée surannée finir paisiblement leur vie, en attendant calmement de voir notre génération s'installer ? 

Finalement tout est histoire de point de vue, de perspective temporelle. Et effectivement, lorsque j'ai lu cette petite diatribe diarrhéique de Madame Claire Gallois, j'ai eu le sentiment d'être transporté à la fin des années 90, face à l'inquiétude grandissante de la presse généraliste en réponse à la montée en puissance des jeux vidéo. Aussi amusé qu'après m'être replongé dans une rediffusion d'Apostrophes pour y entendre les propos d'un autre âge d'un Maurice Bardèche, j'ai eu un sourire ma foi stupéfait face à ce papier « Jeux Vidéo : Permis de tuer ».  Que de vide rédactionnel il faut bien le dire, au mieux peut on admirer le talent d'acrobate de l'auteur pour remplir six paragraphes avec cinq phrases éculées régulièrement ces vingt dernières années.

Il y aurait tellement à faire, tellement de sujets importants et intéressants sur lesquels débattre. L'absence d'une opposition de travailleurs face au syndicat des éditeurs de jeux.  L'omnipotence des éditeurs qui amadouent de plus en plus les blogueurs depuis que certains des meilleurs deviennent peu à peu une force critique plus légitime que la presse  professionnelle... Des sujets polémiques, il y en a, mais quel gâchis de perdre du temps et des mots pour un tel néant d'investigation et une telle fade pensée.

C'est parce que certaines personnes n'ont plus l'âge de redevenir curieuses ; c'est parce qu'on offre à certaines de ces personnes une tribune où elles peuvent s'exprimer sans garde-fou ; qu'il faut patienter encore un peu. La génération Nes remplace peu à peu les enfants du rock et de l'amour libre, ceux qui à leur époque ont également essuyé les foudres d'une autre génération. Nous aussi, ludophiles, nous serons un jour de vieux cons face au nouveau phénomène dont nos enfants seront férus. Mais aujourd'hui, quand je lis un papier qui parle de la violence du jeu vidéo, et qui ne va pas s'intéresser à la pertinence d'un PEGI, mais qui va faire des connexions douteuses sur les psychopathes contemporains... Je préfère ignorer, rire peut être, plaindre surtout.

Si j'avais eu l'internet d'aujourd'hui lorsque j'étais jeune collégien, sans doute aurais-je pris le clavier pour exprimer ma colère, sans prendre le temps de la réflexion. Et c'est aussi une part non négligeable dudit problème ; si internet permet à Madame Gallois de propager son torchon avec la rapidité d'une chaude-pisse, il permet aussi à tout un chacun de rajouter un peu de gras et de nourrir la bête. Si l'un va mûrir et tempérer ses interventions, l'autre va un jour triste nous quitter et emporter avec lui des préjugés que nous n'aurons jamais su lui retirer.

Finalement, le joueur adulte n'est pas très éloigné de Madame Gallois. Lui trouve dans les jeux vidéo la chance de rester jeune d'esprit, curieux de tout, et dans le partage de ce médium. Madame Gallois quant à elle cherche également à rester jeune, en essayant de traiter un sujet de notre temps, sans avoir la jeunesse d'esprit pour s'y intéresser fondamentalement. De même qu'elle essaye en vain de conserver la jeunesse d'un corps qui ne fera que faner, comme nous tous. Le jeu vidéo n'offre pas de permis de tuer, tout comme la chirurgie esthétique n'offre pas le permis de rajeunir ; alors laissons nos corps flétrir et ouvrons nous à la jeunesse de l'esprit. Donnons nous le permis de jouer, vivons et laissons mourir les âmes fatiguées qui nous jugent à l'ombre de la montagne.

Un jour viendra où notre président de la république ne se sentira pas obligé de préciser qu'il ne joue plus lorsqu'on lui demande quel jeu vidéo il préfère. Un jour viendra où nous aurons des intellectuels pour qui le jeu vidéo est une source culturelle aussi recevable que le cinéma ou la musique. Un jour viendra où nous serons vieux et fatigués, mais dans nos maisons de retraite, il y aura toujours quelques octogénaires pour se faire une petite partie de windjammers avant la compote de quatre heures. Mais pour aujourd'hui, contentons nous d'ignorer ces râles de plus en plus lointains, et offrons à la Cité un débat plus pertinent.