J'ai presque fait tous les jeux de la série Call of Duty. J'avais déjà beaucoup aimé Medal of Honor Allied Assault sur PC quand les ptits gars bossaient alors pour 2015.Inc et EA. Alors lorsqu'ils se lancèrent dans une nouvelle franchise PC avec leur nouvelle boite Infinity Ward, j'ai plongé, et j'ai adoré. Pendant des années, Medal of Honor reprenait la formule surannée de GoldenEye 64, alors que sur PC la référence était Half Life. C'est cette époque, cette effervescence dans le design du FPS qui nous fit sincèrement apprécier la série Call of Duty. En 2002, adopter une orientation plus linéaire, plus scriptée, plus spectaculaire, c'était nouveau et ça offrait des situations vraiment prenantes. Nous sommes en 2012,  et lorsque le générique de fin de Modern Warfare 3 se lance, une question me pique : Depuis quand faut il autant de gens pour pondre une soupe pareille? 

Infinity Ward n'existe plus. C'est mort, y'a plus un rat dans la boutique. Tout le monde connait l'histoire, les grands fondateurs du studio se sont barrés avec leurs meilleurs éléments, ou plutôt sont retournés sous la protection d'EA. Anecdote tout de même croustillante, puisqu'en 2002 ils se barrent pour fonder leur propre studio et faire des jeux de guerre comme ils l'entendent, aidés par un Activision qui leur dit "viens avec moi gentil développeur, je vais pas te faire faire du MoH tous les ans moi, tu seras libre avec moi". Puis alors que les mecs veulent laisser CoD pour lancer une franchise Modern Warfare, le tonton Acti qui lui dit "oui, mais non". Et puis le développeur du jeu le plus vendu au monde qui a d'un coup l'outrecuidance de demander un petit retour sur salaire de cette rivière de brouzoufs qu'ils ont apporté dans la gorge adipeuse de ce bon Robert K.... C'était l'ultime goutte d'eau qui allait secouer la grande franchise vidéoludique. Alors que le sparing partner Treyarch devient peu à peu le chouchou du patron qui lui octroie plus de budget, l'instigateur de la série ne cesse de se vider de ses talents, tout en devant pondre son paquet de lessive bisannuel. Alors forcément, quand tu vois que le récent Sledgehammer est venu se faire la main en épaulant un Infinity Ward cancéreux, tu te dis que la boucle est bouclée. EA récupère Respawn Studio par les anciens de COD, et Acti récupère Sledgehammer Games par les anciens de Dead Space. Tout ça pour essayer de tempérer ma critique, en mettant en lumière les difficultés rencontrées durant la production de ce Call of Duty : Modern Warfare 3. 

Mais attention, comme l'a dit un grand monsieur de l'industrie, un mauvais jeu qui ne sort pas peut devenir un bon jeu, mais un mauvais jeu qui sort restera un mauvais jeu. Et parce que Call of Duty est une grosse machine qu'on ne peut retarder, les problèmes rencontrés durant le développement ont certainement joué un rôle sur la qualité finale du titre. En revanche, il serait injuste d'offrir à Modern Warfare 3 un quelconque traitement de faveur. C'est la galette que j'ai entre les mains que je teste, comme n'importe quel joueur lambda. Et le joueur lambda, il n'est pas convié par l'éditeur pour se goinfrer de petits fours et se remplir la panse de boisson chic, pour au final parler de tout sauf de jeu vidéo. Le joueur lambda il ne reçoit pas de press kit de la mort qui tue. Le joueur lambda, s'il est un tant soit peu fan de fps et de la série Call of Duty en général, comme moi, il a probablement un budget "jeu vidéo" qui est loin d'évoquer la mythique corne d'abondance. Le joueur lambda il doit faire des choix, privilégier un jeu plutôt qu'un autre, car en day one ça coûte cher. Et si je comprends totalement la fameuse pression sociale qui incite les collégiens et lycéens à avoir la même console que leurs potes, et les mêmes jeux multi; je ne comprends absolument pas (façon de parler) comment Modern Warfare 3 a fait pour passer entre les mailles de la critique, tant il est inférieur aux standards actuels, et à sa place de leader incontesté du marché.

 

Modern Warfare 3 n'est pas beau. Mais il est fluide. Oui, mais il n'est pas ouvert. Mais il est fluide. Si vous osez dire que Modern Warfare 3 est bien en deçà du niveau de qualité actuel, ce qui est à la limite de la honte pour le leader du genre, attention, on va vous dire "mais il est fluide". Effectivement, le jeu tient ses 60fps constants que seuls 10% de la population arrivent à percevoir réellement. En même temps on a qu'à développer sous Unreal Engine 2, ça sera sûrement méga fluide aussi. Quand je pense à un Forza 4 qui démonte la rétine et tourne lui aussi à 60fps, ça me fait marrer. Alors oui, ça c'est un troll gratos. je sais. Plus sérieusement, le moteur date de 2008, et il n'a pas connu une évolution très marquée. Au mieux note-t-on une amélioration dans les lumières et les réflexions d'objets. Au-delà de cette mise à jour, le taulier du jeu de guerre n'a pas la parure de blockbuster de son époque. C'est comme si Transformers 3 sortait avec des effets spéciaux dignes d'une mauvaise série Z sur NT1. Si on croque ces divertissements comme un pop-corn sucré, ce n'est jamais pour un scénario profond, mais pour un moment de pur entertainement décérébré qui nous en mette plein la gueule. Mais là non, ce n'est pas le cas. Modern Warfare 3 a pourtant une certaine ambition visuelle, il tente de grands panoramas apocalyptiques, des destructions parfaitement gratuites dans le but louable d'être simplement spectaculaire... Mais c'est daté les mecs. Vous auriez pu tenter un peu de bodyawareness, mais non, même pas. Ou plutôt, et c'est ça le pire, pas tout le temps.

Dans plusieurs séquences du jeu, vous allez pouvoir voir vos mains, vos pieds, et la mise en scène sera assez intelligente pour vous plonger dans l'action. Tout ceci, c'est la partie "cinématique" de Call of Duty, qui était utilisée à la base pour des séquences trépidantes (souvenons nous, émus, de la scène du tank qui nous fonce dessus dans le premier opus!). Quand on ne joue pas vraiment, donc. Le reste du temps, lorsqu'on vous dit "baissez vous" ou "sautez par dessus", vous n'avez même pas un petit mouvement de caméra vous donnant un soupçon d'impression d'exister dans le décor. C'est juste hallucinant. Même en étant un brin tolérant, tu peux te dire "oui bon ils allaient pas créer un nouveau moteur pour la fin de gen", c'est vrai c'est pas comme si Ubi avait fait évoluer Dunia et Anvil pour Far Cry 3 et Assassin's Creed 3, ou que EA avait lancé le Frosbyte 2 avec Battlefield 3. On pourrait également parler du Glacier 2.0 d'Io Interactive, du Creation Engine de Bethesda, de l'ID Tech 5 de RAGE... Il faut croire qu'être la poule aux oeufs d'or de fin d'année permet à un développeur de ne faire aucun investissement pour maintenir, technologiquement parlant, sa franchise à niveau. 

Le Solo de Modern Warfare 3 n'apporte rien de nouveau. Que ce soit dans le gameplay ou les situations en jeu, vous allez vous demander si vous n'avez pas déjà joué au titre tellement les situations sont repompées d'épisodes antérieurs. C'est effectivement le risque lorsqu'on sort un épisode par an et que le maître mot demeure "Ne change pas les habitudes du consommateur". Là, aucun risque d'être perturbé ! Même pour un vétéran comme moi qui n'a loupé que le troisième et cinquième épisode (de Treyarch, normal), j'ai pourtant un affect pour les persos de Modern Warfare ! J'ai adoré le premier opus, j'ai trouvé l'histoire prenante du début à la fin, les situations excellentes, le rythme ultra maîtrisé... Et du MW2 je n'avais retenu que certaines idées couillues, notamment celle de placer le théâtre de guerre sur le sol américain, mais au final ce deuxième épisode m'avait déçu. Et donc, après un agréable Black Ops très généreux et vraiment original... Mon Dieu ! Mais je ne trouve sincèrement RIEN à sauver de ce solo de Modern Warfare 3 ! C'est Mauvais. Je n'en ai plus rien à foutre de la destinée de Price, Ghost, et tous ces visages familiers depuis quatre années déjà. L'histoire n'est pourtant pas confuse, elle est même simpliste : c'est la troisième guerre mondiale parce qu'un terroriste russe a un soucis à régler avec la terre entière. Pour le coup c'est un nouveau Gravrilo Princip, rien de très irréaliste donc. Ce dernier épisode de la trilogie conclut bien mal l'histoire lancée il y a semble-t-il si longtemps. D'une part on voyage beaucoup trop pour rien, à un rythme mal géré qui nous fait perdre le fil. Un problème de rythme qui se ressent encore plus lorsque les développeurs veulent nous faire vivre des situations plus intenses que spectaculaires.... Le moteur cale, et on se rend compte que la voiture de sport qu'on avait commandée n'est finalement qu'une épave toussotante aux joints effrités. 

 

 

Mais de toute façon je n'ai rien compris, ou plutôt je refuse de voir la vérité, sur la véritable identité de Modern Warfare 3. MW3 c'est le pendant shooter de Fifa : L'itération annuelle d'un jeu multi populaire. Entre le retour du mode Spec Ops, pastille arcade vous permettant de jouer en coop à de petites missions tirées du solo, lui-même tiré du solo de l'épisode précédent; le mode Zombie sans Zombie parce que ça appartient à Treyarch donc on va l'appeler Survie, et l'amélioration d'un multi éculé mais performant... On peut le dire, je suis persuadé que certains acheteurs de Modern Warfare n'ont jamais lancé le solo du jeu. C'est encore une chance qu'il tienne la place centrale des trois modes de jeux. Le pire c'est qu'il y a des jeunes joueurs, en dessous de la norme pegi, qui vont me dire que je suis con, que COD c'est le multi avant tout... Et là j'ai envie de pleurer. Je repense à mes courses haletantes dans un champs de Normandie à passer d'un trou d'obus au cadavre d'une vache... A ma traversée de la Volga sous les assauts des avions nazis, alors que mes camarades russes s'enfoncent dans les ruines glacées de Stalingrad... Une Autre Epoque, et objectivement, elle était bien plus intéressante.

Si je reconnais à MW3 d'être plutôt généreux en contenu multijoueurs, avec l'ajout également du fameux ELITE, je ne ressens même pas l'envie de m'y attarder. Pourtant j'ai essoré comme pas possible le multi du premier Modern Warfare, et plus que de raison je trouve. Mais là, non. Comme beaucoup de joueurs, dont certains étaient de grands fanboys de COD; le multi de 2011 est pour moi celui de Battlefield 3. Et pour le coup Battlefield c'est une licence créée avant tout pour le multi, à grande échelle qui plus est. Mais si Call of Duty est devenu un jeu multi avant d'être un jeu de guerre, c'est parce que ça rentre dans la stratégie d'Activision d'aliénation du joueur pour en faire une donnée statistique pérenne pour ses actionnaires. Le jeu en ligne c'est l'assurance que les joueurs soient connectés, c'est une fausse compétition qui gratifie tout le monde de mini rewards à intervalle régulier afin de nous donner à tous un sentiment de progression satisfaisant, nous créant l'envie, encore et toujours, de poursuivre "notre dur labeur" pour débloquer toujours plus de récompenses et ainsi continuer d'alimenter les bilans financiers d'Activision en statistiques de fidélisation du consommateur. 

Et le souci, c'est qu'en tant que joueur lambda, donc, je suis las de cette proposition. Pour des raisons similaires, le dernier Fifa que j'ai acheté c'est le 2008. Lorsqu'on n'a pas un budget alloué aux jeux vidéos très élevé, on fait des choix. Et bien moi, en tant que ludophile curieux et gourmand de nouvelles propositions, et bien je n'ai pas envie de contribuer à cette soupe annuelle. Je n'en ai plus envie, avant même de ne pas en avoir les moyens. Que le grand public craque pour ce grand spectacle bâclé et lui pardonne ses défauts flagrants de rythme et de technologie, peu importe. Le Grand Public crée aujourd'hui les grands succès commerciaux, et c'est comme ça dans tous médias. En revanche ce qui me choque, c'est la complaisance de la presse face à cette pâle copie du plus gros blockbuster de l'année. Un titre qui tire à ce point le niveau vers le bas alors qu'il devrait porter haut les couleurs du ludisme dans le monde, au-delà même du message qu'il tente en vain de véhiculer, un tel titre devrait faire l'objet d'un audit sans concession aucune, et un audit qui poserait un état des lieux bien navrant. Infinity Ward n'est plus, et ça se voit. 

 

Call of Duty : Modern Warfare 3 n'est pas un bon Modern Warfare, ni un bon Call of Duty, et finalement un jeu bien médiocre. Derrière les difficultés de son développeur fantomatique se cache une recette éculée à laquelle on rajoute un peu trop de sel chaque année. Cette année est celle de l'écœurement. Je n'ai pris aucun plaisir à détester ce titre, loin s'en faut. Moi le fan de la série, moi qui aime le bon script lorsqu'il est bien placé, je range ce MW3 avec les mauvais, ceux auxquels normalement je ne joue pas. Le Spin Off contemporain d'Infinity Ward a perdu à chaque épisode en qualité ce qu'il a gagné en ventes. Je n'ai même plus envie d'en parler, ce test est pour moi l'occasion de dire Non. Non à une formule qu'on ne fait pas évoluer. Et surtout, non, non, et non; comment peut on mettre d'excellentes notes à un titre à ce point dépassé?!