Depuis quelques temps il se passe un truc. Porté certainement par l'avènement du web 2.0, ce fameux truc se généralise sur cette génération de machines, et ce n'est pas anodin. Ce truc, c'est la proscription systématique du Joueur par la Presse lorsque celui-ci dénonce et lève la voix sur les déviances générées par cette industrie en pleine mutation. Une mise au ban qui se retrouve également, mais à moindre mesure il nous faut en convenir, chez les éditeurs et développeurs. Les Joueurs sont ils donc de parfaits abrutis ? La presse vidéoludique est elle devenue La Garde Prétorienne des Editeurs? En résumé : Pourquoi le Joueur semble aujourd'hui si seul?

Evidemment dans ce billet je reviendrai sur le cas actuel de Diablo 3, mais pas que. Car ce problème ne date finalement pas d'hier, mais la puissance d'une sortie Blizzard n'ayant d'égal que le retentissement de sa critique, l'opprobre jetée sur les joueurs par la Presse m'a poussé à réagir, simple joueur anonyme que je suis. Je parlerai donc également de la politique de DLC de Capcom, des online pass, et une petite couche gratuite sur Origin ou les DRM d'Ubisoft... Et quand je parlerai de la presse je m'appuierai sur Gameblog car c'est un site que j'aime, une rédaction que j'aime, ce qui rend le sentiment d'injustice qui est le mien peut être un peu plus vibrant.

 

Quelqu'un a dit un jour, acheter un jeu est un acte militant. En effet; et le record historique de réservations de Diablo 3 sur Amazon, tout comme la foule impressionante faisant la queue sur les Champs Elysées pour s'offrir le précieux tant attendu depuis douze années... Tout ceci montre bien que les joueurs attendaient fébrilement ce titre. Les gens se sont déplacés sur les champs en masse pour "être là". Pour vivre ça. Des centaines de personnes sont venues, déguisées pour certains, tous ensemble alors qu'ils auraient pu commander tranquillement le jeu sur battle.net, pour une simple raison : Le Jeu Vidéo, c'est Beau. Parce que les Joueurs ont confiance dans le talent de Blizzard de faire d'excellents jeux, ils ont répondu présent.

Mais malheureusement, malgré son expérience inégalable sur World of Warcraft, Blizzard n'a pas prévu que les joueurs soient si nombreux à se connecter. Vraiment? Malgré les chiffres de réservation? Oui on pourrait se demander comment Blizzard a fait pour ne pas prévoir la vague qui allait déferler sur leurs serveurs, mais le problème n'est même pas là : En obligeant le joueur à être connecté pour profiter de l'Intégralité du jeu qu'il a acheté, ce problème de connexion devient alors bien plus important. J'imagine facilement une famille lambda s'offrant le Blu Ray d'Avatar à sa sortie, puis alors qu'ils le lancent dans le lecteur, un message s'afficherait sur leur télévision pour les informer qu'ils ne peuvent pas regarder le film. J'imagine mal ce père de famille responsable, posé un dimanche soir sur son canapé, face à un écran noir, se disant très calmement "ah dommage, peu importe, au dodo et demain on reprend une fastidieuse semaine de travail". Tout comme le joueur qui a attendu des heures sur les champs pour avoir son jeu, qui l'a acheté avec ses deniers, se voir refuser l'accès de l'intégralité du produit qu'il a acheté à cause de la "négligence" du fabricant du dit-produit, est une raison légitime pour le consommateur de se plaindre. 

 

Les Joueurs ont donc râlé. Soit. Mais aujourd'hui râler n'a plus aucune valeur, puisque le web 2.0 est une grande réunion de râleurs. Le vaste web est rempli de forums qui sont autant de séances de doléances face à un trône vide. L'idée serait donc de croire que, puisque les joueurs râlent pour un rien, ils n'auront jamais l'intelligence de protester pour une raison légitime. Les Joueurs Honnêtes et Militants sont donc rangés dans le même sac que les haters et autre troll. La grogne de Diablo 3 proviendrait elle du même sein qui a nourrit la revendication puérile de la "vraie fin de Mass Effect 3" ? Loin de là. 

Cet amalgame pourrait être simplement maladroit et finalement anecdotique. Mais aujourd'hui, j'ai de plus en plus le sentiment que "la voix des joueurs" est trop souvent dissimulée dans le panier des haters. A croire qu'entre les fanboys que nous connaissons bien sur Gameblog.fr, et les haters qui ne nous sont pas moins inconnus, il n'y aurait pas de juste milieu. Le Joueur ne devrait il donc militer qu'avec son porte feuille? Tu payes et tu fermes ta gueule, ou tu ne payes pas et tu fermes également ta gueule? Drôle de principe.

De même qu'il est incorrect de croiser la Bronca des Joueurs avec une sorte de hype élitiste qui viserait à dénigrer ce qui marche. On évoque cette hype également sur les récents Call of Duty, et elle existe je ne la nie pas. Mais elle concerne la majorité du temps des joueurs qui n'ont pas le jeu. Les gens n'achètent pas un titre au prix fort le jour de sa sortie pour le simple plaisir de lui chier dessus. Là nous parlons de gens qui attendaient Diablo 3, qui sont probablement des fans de cette franchise et de Blizzard en général; des gens qui ont acheté le jeu et qui tremblaient d'envie d'y jouer. Certains ont probablement posé un RTT pour s'offrir deux jours de plaisir intense, une pause salvatrice dans leur quotidien morose... Et la suite nous la connaissons. 

Parce qu'on réduit trop facilement "Les Joueurs" à des ados immatures qui n'ont que pour seul plaisir de râler sur tout et n'importe quoi; qu'on occulte le fait que sur cette génération, les joueurs ont utilisé les armes qui étaient à leur portée pour faire entendre leurs protestations sur des dérives qui se généralisent de plus en plus, et face auxquelles ils se sentent de plus en plus seuls. Pour tout cela l'ambiance délétère entre la presse et son lectorat me semble bien triste aujourd'hui.

Cette fausse sanction de la note utilisateurs de Metacritic est anecdotique. Même sur jv.com, les notes utilisateurs ne sont la plupart du temps qu'un combat vain entre fanboys et haters afin d'équilibrer la note d'un jeu. Demandez son avis à un joueur, et il vous le donnera même s'il n'a pas le jeu, ça n'a aucune valeur statistique. Les joueurs n'ont pas mal noté Diablo 3 parce que le jeu n'est pas bon, mais pour protester face à une pratique déviante qui, lorsqu'elle rencontre un problème, vous empêche tout simplement d'utiliser le logiciel pour lequel vous avez dépensé de l'argent. 

Et c'est visiblement une des principales critiques posées par la Presse contre les Joueurs. Nous ne jugeons pas des qualités intrinsèques d'un titre, mais nous le jugeons dans son entierté... C'est sensé être une critique? Je me félicite de voir les joueurs se braquer face à l'extinction programmée des livrets, aux DRMS défaillants et invasifs. Je me sens proches des joueurs qui se lèvent d'une seule voix pour dire non quand Electronic Arts veut scanner notre disque dur avec Origin, ou quand Capcom veut nous faire payer un contenu déjà présent dans le disque que nous avons acheté. Nous avons connu par le passé un jeu solo avec la mention "connexion internet requise", et c'était Half Life ². Et oui, il nous imposait de nous connecter pour enregistrer le titre. Mais une fois enregistré, cette aventure solo nous était ouverte, et nous ne souffrions d'aucune déconnexion ou d'un quelconque lag dans notre partie solo. Aujourd'hui nous franchissons une marche supplémentaire qui dégrade l'expérience de jeu. Car il faut bien se rendre compte qu'une société aussi puissante que Blizzard, avec son expérience du jeu en ligne, n'était pas de taille à gérer cette restriction. Ce Colosse monumental a vraissemblablement eu les yeux plus gros que le ventre. J'espère que la grogne des joueurs sur ce point portera ses fruits, en dissuadant les autres éditeurs de reproduire le même schéma, pour s'éviter ce genre de soucis.

 

Les joueurs utilisent les moyens qui sont les leurs pour faire entendre leur voix, tout comme certains sites rendent leur blacklistage public afin de faire pression sur un éditeur pour qu'il fasse machine arrière sur sa décision. Et si pour la première fois depuis la création d'UFC que choisir, des joueurs sont venus en masse soumettre leurs critiques, c'est parce qu'aujourd'hui ce message n'est d'une part plus relayé par la presse, mais qu'ils sont surtout devenus les pestiférés d'un média qu'ils aiment tant. Et ce fossé entre la Presse et les Joueurs se creuse de plus en plus.

Quand vous entendez dans un test de Final Fantasy XIII-2, que FF13 a reçu un accueil mitigé de la part des joueurs, parce qu'il a été avant toute chose mal compris... A croire que si nous n'aimons pas un jeu, ce n'est pas parce qu'il est décevant ou mauvais, mais parce que nous, cons de joueurs, ne l'avons pas compris; c'est déjà bien évocateur.

Lorsque vous entendez un journaliste de la presse vidéoludique, raconter son périple dans un endroit qu'il n'avait pas visité depuis longtemps, à savoir un magasin de jeux vidéo, et expliquer d'un air candide à quel point les prix pratiqués l'avaient choqué.. C'est à se croire dans le film Aladdin quand Jasmine découvre le Monde derrière les murs de son Palais. 

Lorsqu'on parle de "pinaillage des joueurs" en parlant de la politique de DLC de Capcom, et de l'absence d'un contenu sur la version 360 pourtant indiqué dans le livret du jeu...

Oui, visiblement les Joueurs vivent dans un monde bien différent. Et parce que nos achats sont des actes militants, lorsque nous militons en faveur du bon jeu en donnant notre argent à un développeur plutôt qu'un autre; lorsque nous lui apportons notre soutien et notre confiance, c'est notre droit et presque de notre devoir de consommacteurs que de protester face à des pratiques qui visent à briser ce lien de confiance. Blizzard fait partie des sociétés parmi les plus proches de leurs fans, et à aucun moment les joueurs ne remettent en question le talent de Blizzard pour faire de grands jeux et proposer un service réactif. Mais le fait est que le choix d'imposer aux joueurs de Diablo 3 d'être connectés en tout temps à internet, comme s'il s'agissait d'un mmo, est la source d'un problème créé par le développeur qui nuit à l'expérience et à cette relation de confiance. Et si Ubisoft a fait marche arrière sur sa politique de DRM, si Electronic Arts a fait marche arrière sur les capacités invasives d'Origin, si même Capcom aujourd'hui change son fusil d'épaule face à une politique des DLC honteuse; j'espère de tout mon coeur que La Voix des Joueurs sera à nouveau écoutée et qu'il n'en sortira que du bon pour tout le monde. 

 

A titre personnel je n'ai pas acheté Diablo 3, car l'impossibilité de se connecter, puis les lags en jeu solo, je les ai expérimenté durant la bêta, et mon acte militant fut de ne pas souscrire à ce système, malgré l'envie de me plonger dans ce titre. Je ne jette malgré tout pas la pierre à ceux qui ont néamoins craqué pour le titre, car il était une fois de plus légitime de penser que la bêta et les stress test auraient pu et du éviter cet eccueil. Aujourd'hui alors que les éditeurs envoient de plus en plus leurs jeux à des blogueurs, des testeurs dit amateurs qui font pourtant des millions de vues sur chacune de leurs vidéos; la presse spécialisée ne sera bientôt plus l'unique pont entre les joueurs et les développeurs qui peuvent nous atteindre directement via Twitter, Facebook, ou les blogueurs que nous suivons. Qu'adviendra-t-il de la presse lorsque le joueur n'aura plus besoin d'elle pour s'informer, et lorsque les éditeurs n'auront plus besoin d'eux pour faire la promotion de leurs titres à venir ? Nous sommes tous conscients d'être dans une époque charnière de ce média, mais ce n'est pas qu'une question de matériel. Dans une époque de changements aussi cruciale que celle que l'industrie vie en ce moment, il est normal de voir des dérives et des erreurs, et c'est par la voix de la protestation tout comme celle de l'acceptation que les normes à venir du média vont se forger. Aujourd'hui les Joueurs se sentent bien seuls lorsqu'il s'agit de protester face à ces dérives, mais ce n'est pas une raison pour se taire et rentrer dans le rang. Votre ticket de caisse est votre bulletin de vote, mais le militantisme ne s'arrête pas à la porte des urnes.