Non mais là ça va plus quoi, si maintenant Anfa' (oui je parle de moi à la troisième personne du singulier, et alors?) se met à faire des critiques de films, il lui manque plus qu'à faire des vidéos-tests, des strip, et des unboxing et là c'est bon, vive Mooooossieur multifonctions, celui qui fait tout mais qui fait rien de bien ! Alors déjà pour commencer tu m'parles meilleur mon gars, c'est quand même mon intro' hein.

Et deuzio (oui ya pas eu de primo, et alors???) c'est pas souvent que je vais au cinéma pour aller voir un film récent ! Pourquoi j'y vais pas souvent? Excellente question Virginie, et bien j'ai envie de te dire que ça n'a rien à voir avec le prix exorbitant des tickets qui frise l'indescence et la pornographie financière; ni à cause d'un marasme ethnocentrique aux relents capitalistes qui moule toute la production cinématographique internationale en une même vinaigrette fadasse sans imagination. Non. La raison est bien plus horrible et bien plus importante : Mon cinéma fait des économies sur la clim', ce qui fait que je perds 2L de flotte en sueur lorsque je vais voir un film ! ! Voilà...

Je suis donc allé voir La Planète des Singes : Les Origines; ou Rise of the Apes. Cet énième prequel et autre tentative de Reboot qui plait tant à un Hollywood qui range depuis dix ans les nouvelles Ip dans les tiroirs des propriétés intellectuelles, pour profiter d'une décennie de rafraichissements et de recyclage d'anciennes franchises. J'avais au préalable maté le trailer du film, et je dois avouer que j'étais des plus réticents à rentrer dans la salle, tant cette bande annonce m'avait refroidit. J'adore Weta Digital, je suis ultra fan de leur travail, mais ce que je vis dans cette bande annonce m'avait paru un peu en dessous de ce que peut produire le studio néozélandais. Non pas que les images de synthèses soient mauvaises, mais je pensais que six ans après King Kong, ils auraient pu faire bien mieux. Mais après tout, ces effets sont ce qui se finit tout à la fin de la postprod, donc peut être le résultat serait il plus probant dans la salle. 

 

J'aime la planète des singes, mon père étant un grand fan de cette franchise, j'ai du voir le premier des dizaines de fois avant d'avoir mon premier poil au menton. J'avais adoré les maquillages du remake de Burton, même si j'avai été profondément déçu par le film en lui-même (quand je pense qu'il n'est sorti que quelques mois avant le Seigneur des Anneaux...). Et donc au final je ne savais pas quoi attendre de ce film. L'histoire? Bah elle est racontée en quasi-intégralité dans le trailer, donc bon quand on se fait spoiler tout le déroulement du film par une bande annonce, c'est qu'on cherche autre chose de ce film. 

Néanmoins, il me paraissait très intéressant de voir la connexion que le film aurait avec ses prédecesseurs, vu l'explication qu'il semblait donner à la domination des Singes. Car, que ce soit dans le livre de Pierre Boulle, ou dans les films, cette domination vient d'une lente évolution des primates face au déclin de la race humaine. Dans Rise of the Apes, cette "évolution" vient de la manipulation génétique des Hommes sur des Singes Cobayes, c'est une différence somme toute légère mais qui amène à reconsidérer tout le discours du film. Intéressant. 

Coupable. C'est le sentiment qu'on ressent lorsqu'on regarde Rise of the Ape. Plus que tout autre film de la franchise, c'est celui là qui pointe le plus du doigt les travers de l'humanité. Point de guerre nucléaire, non, c'est un mal bien plus insidieux, beaucoup plus abstrait, et pourtant si réel qui sonne ici la fin du règne de l'Homme sur Terre. Ici les Singes ne sont en aucun cas les ennemis, ou les méchants; les Hommes sont responsables de leur propre irresponsabilité. A trop se prendre pour dieu, à n'accorder de valeur qu'à ce qui n'en a aucune, l'Humanité creuse sa propre tombe. Tel est le message qui transparait de ce film.   

Fort heureusement, ce supplice n'est jamais servi trop lourdement, ni trop légèrement d'ailleurs. Le spectateur est tout simplement placé face à la réalité des singes cobayes, des thérapies génétiques, à la maltraitance animale... Même si parfois on peut regretter certains dialogues ou réactions un peu trop dans l'ambiance "les humains c'est tous des connards", tout cela reste en majorité assez intelligent pour que cette sensation de malaise vienne naturellement au spectateur. En deuxième lieu, la faute qui amènera à la perte des Hommes est peut être un poil survolée et ne représente pas un enjeu pour les protagonistes. C'est dommage, mais il faut avouer que le traitement qui lui est donné est finalement plus réaliste. Faire du mal destructeur de notre espèce un danger invisible et inattendu, est à la fois astucieux et terrifiant. 

Mais La Planète des Singes ça ne parle pas que de la chute des Hommes, bien au contraire. Ce film raconte avant tout l'histoire de César, un être qui doit sa différence à la folie des hommes, et qui ne sait pas qui il est. Interprété avec force par Andy Serkis, César est le personnage principal de Rise of the Apes. Plus que la cruauté de certains hommes, ce qui va motiver le parcours de César, c'est sa solitude. Il ne fait partie d'aucun monde, et ce rejet va le pousser à créer son propre camp. 

Techniquement je n'ai pas pris de baffe, comme je le disais précédemment, Weta Digital a du avoir un manque de temps ou de moyens pour perfectionner son travail. Il faut dire que pour le coup ils avaient beaucoup de singes à modéliser, ceci pouvant peut être expliquer cela. Mais en fin de compte, je pense que le soucis vient de cette fameuse uncanny valley. Les Yeux, voilà le problème. Les yeux des singes dans Rise of the Apes sont trop expressifs. On pourrait se dire que César n'est pas un singe comme les autres, ce qui est vrai; mais même les autres singes, qui eux sont tout à fait normaux, ont le même problème : leurs yeux sont trop voyants. Il suffit de voir la qualité du pelage, des mains ou de la peau, pour se rendre compte que ce qui cloche vient du regard. La vie, voilà ce qui manque à ces êtres, voilà ce que les génies de Weta n'ont pas réussi à insuffler à tant de créatures 3D. Evidemment certaines séquences sont assez hallucinantes de réalisme, je pense notemment à un orang outan totalement hallucinant, à croire qu'il n'est finalement pas en 3D. Mais la bonne surprise vient du fait qu'au bout d'une demi-heure, on ne se soucie plus de ces considérations techniques, tant le travail sur l'émotion de César est réussi. Restera simplement à la fin un petit pincement de déception sur un gap qui n'a pas vraiment été franchi.

Les Singes volent donc la vedette aux Humains, même dans l'interprétation, puisque le duo Franco/Pinto est à peine travaillé, étonnant ! En revanche, on sent clairement que l'intérêt a été porté sur les relations avec le père. Que ça soit James Franco avec l'incroyable John Lightgow, ou même entre Franco et Serkis. Tout est question d'héritage, et le chemin du fils n'est qu'une repercution de la vie du père. Franco est un scientifique reconnu qui cherche à guérir la maladie d'Alzheimer dont souffre son père, et César va s'émanciper d'un père qui ne lui a jamais donné une véritable identité. Le travail est juste, implicite la plupart du temps, une véritable bonne surprise pour un film de ce genre. 

 

Après mes premières craintes suite au trailer, c'est donc agréablement surpris et un brin séduit que je sors de cette salle encore une fois bien trop suffoquante. Rise of the Apes est donc une préquel particulièrement intelligente, une relecture très actuelle, qui arrive à nous bousculer sans pour autant être une leçon de morale trop lourde. Andy Serkis maîtrise son sujet et domine un James Franco pourtant en bonne forme, et une Freida Pinto totalement effacée. Le travail de Weta Digital est à saluer même s'il est évident qu'avec plus de moyens et de temps ils auraient pu améliorer plusieurs choses pour effacer le plus possible cette fameuse uncanny valley. Au final, il me semble avoir assisté à un des meilleurs Reboot ever, à la fois très respectueux de son héritage, mais assez indépendant pour proposer une nouvelle voie. Bravo.