Depuis quelques années j'ai une indigestion de séries policières, je ne peux plus les supporter. Fidèle de 24 heures chrono devant l'Eternel, je n'ai pas pour autant oublié les ficelles grossières qui ont pollué la série, autant de preuves du marasme des scénaristes à proposer des intrigues originales, et même radicales. Autrefois fan des Experts Las Vegas, j'ai peu à peu décroché face à tous ses spin-off, où des laborantins se baladent arme au poing, où on nous vend des technologies futuristes totalement ridicules, alors que le sel de la série était de nous plonger avec malice dans le quotidien de l'ombre. Après m'être lassé de Cold Case et de ses flashbacks, NCIS ou autre Esprits Criminels, j'avais laissé tomber les séries policières US, Anglaises et encore plus Françaises... Jusqu'à ce qu'un écrivain vienne par hasard raviver ma flamme. 

Richard Castle est un écrivain à succès spécialisé dans les thrillers. La police s'intéresse de près à lui lorsqu'un tueur copie les meurtres mis en scène dans ses romans. Une fois cette affaire résolue, Castle va faire jouer ses relations pour suivre la détective Kate Beckett, sa nouvelle muse dont il s'inspirera pour ses prochains romans. Prenant place dans la belle ville de New York, Castle est donc une série policière légère, où l'humour et les relations entre les personnages sont bien plus mis en avant que l'intrigue elle-même. A comprendre par là, que lorsque des séries "sérieuses" tentent en vain de nous sortir des enquêtes en nous parlant de la vie des "enquêteurs", c'est souvent bancal car ça intervient un peu "comme ça" dans la série. Une tentative maladroite d'apporter de l'originalité en s'intéressant aux personnages. Dans le cas de Castle, nous parler des personnages, de leur famille ou de leur relation, est l'épine dorsale de la série, les enquêtes ne servant qu'à accompagner la réflexion, à dessiner implicitement la mentalité de nos personnages, et à creuser des relations de manière piquante et croustillante. 

A la tête de la série se trouve le duo Castle/Beckett. Le romancier et la flic, le fanfaron et la bosseuse, le doux rêveur et la plate réaliste. Lorsque Castle parvient à s'imposer dans la vie de l'équipe de Beckett, celle-ci le voit comme un parasite, un gamin gâté qui ne fera que la ralentir... L'occasion de nous proposer des scènes comiques où l'écrivain fera devenir chèvre la belle détective. Mais cette relation ne se cantonne pas à montrer un boulet qui emmerde un héros, c'est beaucoup plus dense que ça. Car on apprend dès le pilot, que la belle (je l'ai déjà dit mais c'est vrai quand même) Beckett est une fan absolu de Castle, depuis des années. De son côté, Castle trouve en Beckett une femme de caractère, délicieusement indépendante, une inspiration pour ses romans qui va le rendre, on peut le dire, amoureux d'elle. Donc, de façade nous avons une relation "chien et chat" somme toute assez banale, mais s'ajoutent à cela les arcs de la fan absolue, et de la muse dont on tombe amoureux. 

La force de ce duo, outre l'écriture excellente dont il jouit, vient de l'alchimie entre les deux acteurs, Stana Katic et Nathan Fillion. C'est toujours difficile de faire porter une série par un duo homme/femme, car plus que le talent des scénaristes, il faut aussi trouver deux acteurs qui "vont ensemble" et qui arrivent à dépasser le stade du jeu d'acteurs, pour vraiment briller à l'écran. Et là, c'est juste la bonne surprise de ces dernières années, tout simplement. Voir Katic et Fillion jouer ensemble dans Castle, c'est retrouver la magie du duo, ces scènes anodines qui ont une saveur délicieuse pour vous, tout simplement parce que les regards, les mimiques et la musique de ces dialogues font qu'on en redemande, en souriant bêtement devant notre télé. 

Mais Castle ce n'est pas "simplement" une flic et un écrivain qui résolvent des affaires de meurtre, c'est aussi à la fois la famille de Richard Castle, et la famille "professionnelle" de Kate Beckett. Du côté de l'écrivain multimillionnaire, on retrouve la fille de ce dernier, une petite rousse maline comme son père, aussi énergique que sa mère (Castle a divorcé deux fois), et une fine analyste qui parvient souvent à provoquer "l'éclair de la révélation" chez son père lorsque celui-ci bute sur une affaire. S'ajoute à cette petite famille la mère de Rick, Martha; ancienne actrice de renom, elle squatte chez son fils en tentant de décrocher une pièce à Broadway, ou l'alliance d'un riche et vieux croulant. Et pas de père, car le pauvre Richard n'a jamais connu son père (ce qui ne manquera pas de devenir une intrigue lorsque certaines ficelles seront trop usées).

Du côté de Beckett, on retrouve ses deux "adjoints", Esposito et Ryan, véritables Laurel et Hardy de la police de NY. Inséparables, toujours à s'engueuler comme un vieux couple, ces deux compères (Joués par Jon Huertas et Seamus Dever) servent à accentuer la relation entre Beckett et Caste, par des petites remarques, des regards, des blagues... Mais ils ne sont pas bloqués au rang de faire-valoir, et quelques épisodes leur sont réservés, ce qui est toujours intéressant, et surtout, jamais bancal. Impossible de parler de l'équipe de Beckett sans évoquer la sublime Lanie, médecin légiste coquine parfaitement consciente de l'attirance entre le duo principal. Celle-ci, interprétée avec gourmandise par la belle Tamala Jones, est là pour résumer en deux phrases les conditions du meurtre, et ainsi permettre à l'équipe de démarrer l'enquête. Ce rôle est assez classique aujourd'hui, c'est pourquoi la mentalité coquine de Lanie est la bienvenue, mais à mon sens elle mériterait un peu plus d'éclairage à l'avenir. Pour finir, le chef Montgomery (Ruben Santiago-Hudson), capitaine de police black dans le plus pur style 70th. Mais le chef noir bedonnant qui passe son temps à gueuler a évolué aujourd'hui, et devient un quinqua' noir mince qui impose le respect et l'obéissance par une petite phrase posée, ou un simple regard. Ces seconds rôles de qualité gravitent autour de Kate Beckett, célibataire, indépendante, belle, difficile à cerner.. Mais qui traîne derrière elle un lourd passé. Sa mère a été assassiné sauvagement lorsqu'elle était petite, et le meurtrier n'a jamais été retrouvé. A l'instar de Bruce Wayne et nombre de héros, ce traumatisme a forgé l'avenir de Kate, destinée à rentrer dans la police pour retrouver le meurtrier de sa mère. Cette intrigue flotte durant toute la série, avec son lot de découvertes, que ce soit sur l'enquête, mais également pour mieux nous faire comprendre qui est Kate Beckett. 

Mais pas d'enquête s'il n'y a pas de meurtre! Et là pour le coup, avec la multichiée de séries policières sur le circuit, on est en droit de craindre des redites, des "lieux-communs" ou une platitude malheureuse. Et bien en trois saisons, la série ne m'a toujours pas déçu sur ce point! Evidemment je suis conscient d'être un spectateur conquis par le reste, et j'imagine bien mon indulgence face à des retournements de situations prévues depuis le début de l'épisode... Mais en même temps il est bien rare aujourd'hui qu'une intrigue policière me réserve ses surprises jusqu'au bout (j'en gâche le plaisir à mes proches au point de balancer les répliques en avance, car elles coulent de source pour un apprenti scénariste comme moi). Cependant, le fait qu'un des personnages principaux soit un écrivain, ça change tout!

Alors que l'excellent Lie to Me ou le très moyen (selon moi) Mentalist s'orientent du côté de la détection du mensonge, des manies et tics de l'être humain, Castle lui est un théoricien. Souvent dans la série, il se met à fantasmer sur toute l'histoire du meurtre, à partir des quelques premiers indices; et à chaque fois ce fantasme trouve sens pour les enquêteurs. Evidemment Castle n'a pas toujours raison, mais ça c'est pour son fantasme; car lorsqu'il s'agit de la résolution finale, c'est souvent lui (et très souvent lui et Beckett en même temps) qui trouve le chaînon manquant. En tant qu'écrivain, Castle est aussi extrêmement cultivé sur nombre de sujets, car il les a étudié pour un ancien roman. Ce côté "John Doe" permet à l'information de venir rapidement et de manière fluide dans l'intrigue, sans passer par le sempiternel "coup de fil" des experts invisibles qui apportent en un "Oui? Ok merci" 50 tonnes d'informations. Les intrigues sont toujours variées, et arrivent souvent à être originales par le sujet qu'elles embrassent : science fiction, fantaisie, théorie du complot.. tout un panel de sujets juteux pour un écrivain, qui ont le talent de se tenir dans la logique, la cohérence du réel, et la rythmique liée à un épisode de série. Pour parler aux geek, on peut noter plusieurs références à des jeux vidéos, à l'univers du steampunk, ou de multiples références ciné et télé bien geek! 

Néanmoins la série ne peut lutter face à certaines ficelles, comme le second rôle connu dont on sait qu'il n'a pas été payé pour lire 2 lignes au début de l'épisode, ou certains inserts qui en disent long comme un gros plan à première vue inutile (mais rien n'est inutile dans une série) d'un témoin, et tout un tas de routines de tournage qu'on perçoit et qu'on arrive à aimer malgré tout. 

Avant de conclure, il est important de souligner l'intérêt cross-média d'avoir un héros écrivain... Car depuis peu les romans de Richard Castle sortent en librairie. J'ai commandé le premier tome "Vague de Chaleur", et je vous en ferai un billet pour vous en parler plus en détails. C'est toujours agréable lorsqu'on aime un personnage de fiction, de se retrouver avec un tel objet en main. Une sensation curieuse et délicieuse de crédibiliser la fiction. Et c'est assez rare pour que je le souligne, mais j'aimerais vraiment voir cette franchise en jeux vidéo, car l'humour est bien trop rare sur notre média pour qu'on le laisse passer! 

 

Castle est un de mes plus gros coups de coeur depuis LOST. Comme Lost je ne l'attendais pas du tout, je ne savais même pas de quoi ça parlait. De bonnes intrigues, une réalisation impeccable et calme (marre des montages épileptiques de CSI), un casting vraiment parfait... Si vous n'avez jamais vu Castle, jetez vous dessus, et même si c'est une série policière, regardez la dans sa chronologie, car ce sont avant tout les personnages qui sont au coeur du show d'ABC. La troisième saison vient de cloturer son année 2010, en rajoutant une feature vraiment géniale, dont je m'impatiente déjà d'en voir les conséquences en Janvier prochain!