Zemeckis, Spielberg, Jackson, Cameron.. Les gros noms d'Hollywood semblent véritablement enthousiastes face à la technologie de la Performance Capture. Outre les métamorphoses que cette méthode va engendrer si elle devient normalisée, la question se pose sur la force à long terme de ce procédé. En effet, utiliser la performance capture protège-t-il le film des affres du temps? 

 

La technique : 

Au début de cette technique, les acteurs arboraient une jolie combinaison en lycra moulant, truffée de capteurs réfléchissant pour les caméras autour du studio (motion capture de base donc), mais également des mini-capteurs collés sur les différents muscles de la peau pour une capture faciale. Outre cette vilaine apparence de guirlande de noël, ces mini-capteurs pouvaient gêner l'interprétation.

Mais depuis Avatar, et bientôt Tintin, ces capteurs ont presque totalement disparu, et laisse place à une petite caméra posée juste devant le visage, et qui enregistrent le mouvement de tous les muscles du visage, en se référant à des micro-marques. Allégeant les expression de l'acteur et favorisant donc l'interprétation, cette technique est une vraie bénédiction pour le réalisateur, car c'est du temps en moins pour poser les capteurs, une vision plus claire du jeu de l'acteur durant la "prise", et la précision d'une caméra placée à quelques centimètres du visage! 

 

Mais surtout, la principale révolution qu'apporte cette caméra, c'est le tracking des yeux ! En effet c'est probablement la plus grosse difficulté dans la performance capture, avec les mouvements des cheveux et des "extrémités graisseuses". On l'a remarqué dans Avatar, le regard des Naavi était criant de vie, contrairement à ses prédécesseurs. 

 

Une utilisation sans limite d'imaginaire : 

 

La grande force de la Performance Capture reste avant tout la libre interprétation du jeu, pour un panel de résultat inimaginables. Que ce soit les Avatars, Jim Carrey dans Scrooge, ou bientôt Serkis dans Tintin, on remarque que la même technique, les mêmes environnements et conditions de travail, nous amène à des design si différents, si personnels, que la seule limite reste l'imagination du créateur.

 

On peut adopter un style semi-cartoon

 

Ou un style réaliste

 

Cette liberté se retrouve également dans le choix des plans, grâce à une caméra virtuelle, qui a enregistré les déplacements des personnages, et les a intégré dans un modèle alpha du décor. Le réalisateur peut alors se balader librement dans son studio de capture, avec une caméra en main qui lui retranscrit l'image de l'environnement virtuel. Grâce à cette méthode qui s'apparente à la prévisualisation 3D d'une scène (qui remplace peu à peu les story boards), les équipes peuvent réaliser des rushs virtuels d'une scène, trouver des angles de qualité, faire des plans "à l'épaule" pour donner une meilleure immersion... Etc...etc.. 

 

 

Grâce à la performance capture, le jeu ne subit plus de coupures intempestives dans une même scène. Plus besoin de refaire une prise pour un nouveau plan, d'attendre un rayon de soleil ou la fin d'un orage. Terminé la conception des décors, les problèmes de costumes.. Avec cette technique on va à l'essentiel : l'émotion des acteurs, et l'imaginaire du créateur. 

 

Un film éternel? :

 

C'est une question que je me pose sincèrement. Si on regarde de vieux films à la Harryhausen avant l'arrivée des effets numériques, ou tout simplement l'évolution de la 3D qui rend certains films rapidement vieillots car les effets font datés, on se rend compte qu'avec la performance capture, on pourrait ne plus avoir à se soucier de ce genre de problèmes.

Prenez Star Wars par exemple, qui s'est vu offrir une version remastérisée avec l'amélioration des effets, l'ajouts de scènes avec éléments 3D... etc.. Mais ce rafraîchissement n'a pas mis les costumes, décors et coiffures au gout du jour. Ce qui est d'autant plus marquant quand on regarde le contraste avec la prelogie. Mais avec la Performance Capture, rien n'empêche un film de ressortir 10 ou 20 ans plus tard, avec décors et 3D remis à neuf, et la possibilité pour les équipes de complètement retourner le film pour y incorporer les nouvelles modes de mise en plan (shacky camera, long travelling, mouvements irréalistes..etc). 

Le revers de la médaille reste évidemment la crise que rencontreraient les départements costumes, maquillages, et décorateurs, qui devront se mettre à l'ordinateur, et revoir intégralement leur manière de travailler. Un autre soucis que pose cette technique, relève de la préproduction, et de la réflexion sur le film par le réalisateur. Si celui-ci n'a plus besoin de penser son film au préalable, imaginer les plans, la lumière.. S'il se contente de faire jouer ses acteurs dans son module, en se disant "on verra après pour la mise en scène".. On risque de voir des films peu inspirés, ou qui seront au final faits par des techniciens, et non des artistes. 

J'aimerais demander à James Cameron, Robert Zemeckis ou au duo Spielberg-Jackson, s'ils sont intéressés, et les studios avec, par la possibilité de refondre leur oeuvre dans plusieurs années, pour un rafraîchissement graphique, voir même filmique, en conservant le jeu de leurs acteurs d'il y a plusieurs décennies. 


 

 

Si aujourd'hui la performance capture reste marginale et sûrement coûteuse, il est fort possible qu'à l'avenir elle se démocratise pour des raisons évidentes de moyens et de budget. Loin de moi l'idée de choisir un cinéma traditionnel à cette révolution numérique, mais c'est une véritable question qui se pose : sommes nous prêt à voir de la performance capture partout? Lorsqu'on ne sera plus en mesure de déceler un véritable humain de sa représentation 3D, et qu'on ne regardera plus ces films comme des prouesses visuelles, mais juste comme un film banal, changerons nous notre vision de ce média, ou est ce finalement une évolution naturelle de ce métier ? 

 

 

Quand je vois la liberté que cette technique peut apporter à un artiste, qui n'a plus à se soucier de contraintes physiques, qui peut choisir un style cartoon ou réaliste à son film, une mise en scène réaliste ou complètement fantaisiste et irréelle.. Je me dis que le changement est en marche, et que de nombreuses idées autrefois impossibles vont pouvoir se concrétiser.. Je pense par exemple à une adaptation de la BD BlackSad et finalement à toute adaptation de bd ou de comics, et je me dis qu'on a encore beaucoup à voir, et à apprendre...