Lundi 27 septembre s'est terminé The Pacific sur Canal+. La série produite par Steven Spielberg et Tom Hanks (et une armée d'autres personnes) se voulait la suite spirituelle de l'excellente Band of Brothers, est ce le cas? 

Dix heures durant, The Pacific nous aura conté l'odyssée de deux Marines, Robert Leckie et Eugène Sledge, deux simples soldats faisant leur devoir dans l'enfer vert des îles du pacifique, perdant peu à peu leur innocence, et faisant face aux limites de l'humanité. Ces deux récits sont liés par le destin d'un homme devenu héros de guerre dans son pays, John Basilone. Vous l'aurez compris, The Pacific se détache très nettement dans sa narration de Band of Brothers. Ici on ne suit pas toute une compagnie, de son entrainement à sa démobilisation, tout est beaucoup plus flou, tourné sur l'évolution de deux gosses, ne connaissant rien de la vie et qu'on envoie à l'autre bout du monde pour tuer des japs

Ces deux soldats sont interprétés à l'écran par deux têtes connues (pour moi en tout cas), James Badge Dale que vous avez pu voir dans la troisième saison de 24 heures chrono (Chase Edmunds) et Joseph Mazello, le petit Tim de Jurassic Park. Ils sont rejoints par Jon Seda (Basilone), habitué des seconds rôles dans diverses séries et films. Mais c'est surtout Rami Malek qui a retenu mon attention, me faisant penser à Benicio Del Toro dans sa jeunesse, l'interprète de Snafu m'a véritablement impressionné. La force et la solitude qu'il parvient à donner à son jeu est digne des meilleurs acteurs des Emy.  

Comptant pas moins de trois épisodes sans bataille, The Pacific occulte de nombreuses parties de l'Histoire, préférant s'attarder sur les personnages et leur évolution face à l'horreur de la Guerre. Ainsi les batailles d'Iwo Jima et Guadalcanal ne sont pas retranscrites dans leur intégralité, et des mois de bataille sont parfois résumés en quelques barres griffonnées au crayon sur une vieille bible. Ceux qui ne dormaient pas en cours d'Histoire peuvent très bien suivre le déroulement, comprendre les déplacements des troupes, mais vis à vis du niveau déplorable des jeunes américains sur leur propre Histoire, il sera assez difficile pour eux de réaliser véritablement le périple de ces jeunes hommes. J'en viens même à me demander si toute l'histoire de Basilone n'a pas justement été inclue dans la série pour que les jeunes aient au moins un repère historique. 

Ce sentiment d'ignorance s'explique en partie par l'immersion dans le quotidien des personnages, qui ne savent rien ou presque de ce qui se passe. Afin d'apporter quelques clins d'oeil historiques, on pourra retrouver des questions comme " Mais pourquoi les japs ne se rendent pas?" afin de souligner le fanatisme de l'Empire du Soleil Levant, ou bien des rumeurs telles que "Il parait qu'on a utilisé une nouvelle bombe, ça a détruit une ville en une seconde" afin de parler de la Bombe d'Hiroshima. Alors que Band of Brothers était plus pédagogique dans la présentation du conflit, et du déroulement de la guerre, The Pacific adopte une toute autre approche, plus psychologique, plus violente moralement. Oui, moralement, car bien souvent durant les batailles, vous ne verrez aucun japonais. La plupart du temps les soldats courent, tirent devant, se mettent à couvert, essuient des tirs de mortiers, mais très souvent on ne voit pas l'armée japonaise. L'horreur de la guerre est peinte d'une manière plus vicieuse, plus marquante, comme une vache morte polluant un trou dans lequel les Marines s'approvisionnent en eau, ou la découverte de cadavres dans la terre d'Okinawa pendant qu'Eugène creuse son trou.. Il y a également des images très violentes, comme un cadavre japonais dont il manque la moitié du crane, dans lequel Snafu s'amuse à jeter des cailloux. Ce genre de scènes est très peu présent dans BoB, et appuie de façon viscérale la souffrance mentale que pouvaient ressentir ces soldats. 

The Pacific n'est pas Band of Brothers 2, il est une toute autre vision d'un même conflit, une approche différente, mais tout aussi poignante. Il ne faudrait plus qu'une série de 20 épisodes, utilisant les qualités de ces deux séries afin de faire le plus grand chef d'oeuvre de la télévision. Plus intimiste, plus lente, et à la fois plus dérangeante que BoB, The Pacific est à avoir à tout prix dans sa collection, car au delà des 150 000 000 $ de budget, c'est avant tout une magnifique contribution au devoir de mémoire que Steven Spielberg et Tom Hanks nous ont offert. Merci