Yan Pei Ming est né à Shangai. C'est un artiste au passé trouble, comme beaucoups d'artistes chinois, et cela va forcément se ressentir dans son oeuvre, ici, ses peintures. Nous sommes au début de la révolution culturelle, Shangai est une ville dynamique, son père travaille dans un abatoir en banlieue. La ville est un fantastique melting pot, les portes sont toujours ouvertes, les gens se rencontrent. Ming rencontre un docker qui peint des portraits de Mao. C'est le déclic.

La révolution culturelle, et la censure, bat son plein, et arrivent les horreurs et les déportations. Mais Ming, lui, en dit ceci: 

"J'étais tout petit. Je l'ai vécue, vraiment, extraordinnairement bien. Un souvenir: A coté de chez nous, il y avait une famille assez bourgeoise, avec une belle maison au toit rouge, une toute petite cour et un jardin. C'était minuscule, mais à l'époque, cela nous faisait rêver. Nous, nous en étions exclus par des barbelés. Un jour, les gardes rouges se sont tout approprié. Nous avons pu entrer, enfin! Nous ne pensions pas à la douleur des autres, nous étions ravis. "

Ming se met à peindre. A faire des copies. Et son talent est vite reconnu. Il reproduit des tracts, des affiches de propagande. Il fonde tout seul ses ateliers de peintures, devient peintre de propagande, réalise de grandes représentations de Mao dans des écoles, des usines. Mais en rouge, toujours en rouge. Logique. Le rouge, c'est la peinture combative, la peinture dynamique. La couleur nationale aussi, celle du communisme. Sa première peinture en noire et blanc sera en 1976, à la mort de Mao. Et si la scène artistique pékinoise va exploser à cette date, à Shangai, il ne se passe rien. 

 

 

Ming part pour Paris en 1980. Il à vingt ans. Timide, paralysé, il ne parle jamais, la peinture devient donc un moyen d'exterioriser. Eh oui, en peinture, la matière devient langage. Et cette arrivée en France est plus que boulversante, tant les deux sociétés et surtout les visions du monde sont opposées. Mais il va renconter un artiste qui va énormément l'aider, Bertrand Lavier. Ming va peu à peu grimper les échellons. Et va exposer dans les plus grands lieux (biennale de Venise, Centre Pompidou, Villa Médicis, Biennale de Lyon, et même le panthéon).

La peinture de Ming est une peinture d'énergie. Et il teste toutes ses techniques sur des portraits de Mao. Cet homme, il le malaxe, le boxe, le magnifie, le défait, le caresse, le gifle, le détruit. Mao est devenu son laboratoire, après avoir été son idole. La peinture de Ming est finalement plus une reflexion sur la matière et l'énergie que sur le sens de l'image. Ses peintures sont fortes, impactantes, matérielles, monumentales. Juste belles, peut être. Des fois, il faut oublier le sens pour juste regarder le style. C'est ce que je fais souvent avec les oeuvres de Ming.