Mouvement d'avant garde oblige, cet article ne sera pas très visuel. Vous comprendrez pourquoi si vous lirez.

Akushon: La perte de l'identité japonaise.

Le mouvement Akushon est fondé en 1922, et est composé d'un noyau d'artistes dont plusieurs revenaient d'un voyage en Europe. Ces voyages les ont donc grandement influencés, car ils leur ont permis de découvrir cette réalité si différentes de celle de leurs ainés. Les artistes d'Akushon vont être très attiré par l'art occidental, peut être trop, au point que leur œuvre va souvent se résumer à des plagiats d'œuvres européennes. Nakahara Minoru, par exemple, va, de manière assez honteuse, plagier George Grosz, sur le style, le sujet, la composition, tout.

 

La plupart des artistes d'Akushon ne vont pas tenter d'intégrer une touche japonaise dans leurs œuvres, se contentant de copier les occidentaux (Asano Mofu avec Archipenko par exemple). Les japonais auront tellement honte de cette période de mimétisme que peu d'oeuvres seront conservés et exposé.

Akushon montre comment le trop fort engagement politique japonais va finalement causer un affaiblissement de son art, affaiblissement qui va créer des réactions, comme avec le mouvement que je vous présente maintenant, Mavo.

 

Mavo

"Nous osons proclamer, sans peur et sans reproche: Humanité, pensée, société, débutent et trouvent les manifestations finales dans l'histoire des mouvements artistiques!

Voyez vous mêmes, regardez Mavo!

Toutes les pulsations de la vie, dans l'architecture, le théatre, la poésie, la danse, la peinture, la sculpture. Un corps unissant tous les différents élements de son être va jusqu'au bout de l'intelligence, de la passion et de la volonté: Mais dans quelle mesure peut il fusionner librement?

Voyez vous même! Regardez Mavo!

Mesdames et messieurs! Vivez dans l'esprit Mavo! C'est un accomplissement vers l'absolu infini!"

Murayama Tomoyoshi, dans le premier exemplaire de la revue Mavo

L'art japonais d'avant garde, avec le futurisme et Akushon, était plus un moyen de maintenir les contacts avec l'occident, et ses mouvements révolutionnaires, que de faire réellement de l'art.Un groupe va prendre le contre pied de cette tendance, et ce groupe, c'est Mavo.

Il est fondé le 18 juin 1923 par Yanase, Murayama, Kadowaki, Oura et Ogata. Yanase Masamu est l'initiatrice du militantisme prolétarien de Mavo. Née en 1900 a Matsuyama, elle est fasciné par Van Gogh et la société du fusain. Elle devient peintre à 14 ans, et fréquente les ateliers des beaux arts et des aquarellistes tokyoïtes. Ce n'est que vers 1918 qu'elle mettra son art au service de la caricature et de l'illustration.

 

Murayama Tomoyoshi est lui né à Tokyo en janvier 1901. Élevé dans une famille chrétienne, il fit des études de philosophie en parallèle de son travail de peinture, dont il présenta les premiers résultats en 1917. En 1921, il part pour l'Allemagne pour étudier les origines du christianisme. Très attiré par le Dadaisme de Schwitters et le constructivisme russe de Malevitch, Archipenko et Lissitsky, mais également par Nietzsche, Murayama va développer durant se voyage sa vision du monde et son projet artistique.

De retour au Japon, il est convaincu de la nécessité d'une transformation radicale de son pays, et se met à penser l'art comme le laboratoire d'un monde nouveau. Mavo s'inscrit dans la démarche Dada, mouvement de la même époque en Europe, avec des artistes comme Hausmann et Schwitters. Les dadaïstes essayent de supprimer le sens de l'art, car le sens à crée les atrocités de la guerre. C'est pour cela que le mot Dada ne signifie rien.

Mavo ne signifie rien non plus. De plus, il est apparemment difficilement prononçable, en raison de l'apparition tardive du son "v" dans la langue japonaise. Le tremblement de terre de Kanto, le 1er septembre 1923, eu un impact terrible sur les mentalités du peuple japonais. Le séisme tua de nombreuses personnes, et rasa des quartiers entier de Tokyo et Yokohama. Les artistes d'avant garde se sentirent brusquement concernés. leur désir de faire table rase du passé avait été exaucé par les forces de la nature, mais matériellement. Ils cessèrent donc toute envie de révolte romantique, et Mavo brisa les barrières entre les différents arts: arts plastiques, danse, théatre, musique, littérature, édition et architecture.

En 1923, nous sommes donc bien loin du désert culturel des années 2000. La première exposition de Mavo eu lieu entre le 28 juillet et le 3 aout 1923. Le groupe y présentais des tableaux et des assemblages. En juillet 1924, Mavo lance sa revue éponyme. 4 numéro paraitront en 1924, et 3 en 1925. On y trouve des essais, des reproductions d'œuvres, des poèmes, des traductions, des jeux typographiques...

Tokyo étant partiellement détruit, les questions d'architectures devinrent un des sujets de travail primordial de Mavo. Ils soumirent plusieurs projets à l'exposition des plans de reconstruction de la capitale, mais peu de photographies furent conservées. Les reproductions ou témoignages des œuvres de Mavo sont rares, d'autant plus que le groupe s'exprimait beaucoup dans le théâtre et l'art corporel.

L'art de Mavo est un art de l'expérience. Ces expériences permettent de rompre avec un certain nombre de valeurs jugées bourgeoises, à commencer par le génie et le savoir faire. Elles devaient aider l'homme à se débarrasser de toute tentative iconolâtre et ouvrir la voie à un monde ou chaque individu trouverait dans la solidarité une source de richesse et d'épanouissement. Mavo, c'est aussi la tentative d'un art total qui fusionne toutes les dimensions de l'esprit et de la matière. Mavo, c'est un art qui restitue le pouls du monde.

Et en 1925, au japon, c'est du jamais vu.