Cet article marque un espèce de tournant dans cette chronique du vendredi. Je pensais au départ partir sur des présentations d'artistes chaque semaine, en alternant les époques pour éviter une certaine redondance.

Sauf que je me suis rendu compte d'une chose. L'art japonais est extrêmement riche, et en faisant ainsi, je risque de me perdre moi même. Ensuite, je me suis rendu compte, en faisant mes recherches, dans les catalogues d'expo, les bouquins, internet, que ce qui m'intéresse le plus, c'est le contexte, les idées d'un mouvement, et pas un artiste en particulier, sauf pour les piliers, qui fonctionnent indépendamment.

L'art japonais est relativement mal renseigné en France, les informations sur les artistes, et surtout les images, sont compliquées à trouver. Je préfère donc avoir une rubrique qui durera moins longtemps, mais avec des articles plus denses, mieux renseignés, plus complets.

A partir de maintenant, j'adopterai un ordre chronologique, afin de ne pas vous perdre dans le contexte historique complexe de certaines périodes (rapports aux mouvements occidentaux, après guerre, politique...).

N'hésitez pas a faire des critiques, ça aide toujours à avancer.

Bonne lecture.

Quand cette chronique sur l'art japonais touchera à sa fin, j'enchainerai sur une rubrique consacrée à l'art chinois, puis l'art du Moyen Orient. Et peut être australien tient, nous verrons.

Episode 8: Le yôga

Que l'on se comprenne bien. Le yôga n'est pas la gymnastique du corps que l'on pratique dans les parcs. Le terme yôga, en japonais, désigne la peinture d'influence occidentale. Il naquit avec la création de l'école des beaux arts par le ministère des travaux publics. L'école ouvrit ses portes en 1876, et trois artistes italiens furent invités pour y enseigner, Antonio Fontanesi, Giovanni Capelletti et Vincenzo Ragusa. L'école accueilli une soixantaine d 'étudiants, pour des formations de 3 à 6 ans. Fontanesi quitta le Japon en 1878, ainsi que plusieurs étudiants, qui ne supportèrent pas son départ.

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 Une oeuvre de Fontanesi

Le yôga est principalement connu grâce à trois artistes.

Le premier, c'est Asai Chû.

Il est né en 1856 a Chiba. Il prit le nom de Chû en 1872, lors du premier recensement national. Il reçoit une éducation classique (lettres chinoises et confucianisme), et fut l'un des élèves les plus doués de Fontanesi. Dans les années 1880, il renforce sa pratique sur le contact avec la nature, en peignant des sujets simples, quotidiens, dans des tonalités brunes, avec une forte matérialité de la peinture, qualifiée parfois de goudronneuse (yuni-ha en japonais).

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Très attiré par le réalisme, il a beaucoup utilisé la photographie pour réaliser ses peintures. Cependant, il ne se contente pas seulement de plaquer ses compositions sur les clichés. Asai fait un travail de recomposition , clarifie l'espace, hiérarchise les sujets.

Voici quelques unes de ses oeuvres:

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Dans les années 1880, on assiste à une forte remise en question du yôga, le style est exclu des beaux arts de Tokyo en 1883. Les possibilités d'exposition sont difficiles, les financements permettant aux artistes de partir à l'étranger sont rares. Malgré tout, les liens entre la peinture japonaise et française continuent d'être forts, part l'intermédiaire d'Hôsui Yamamoto, qui à travaillé avec Léon Gérome, et rencontré Victor Hugo et Théophile Gautier.

Le deuxième artiste très représentatif du yôga, Kuroda Seiki.

Il quitte le japon en 1884 pour aller étudier le droit à Paris, et décide de se consacrer à l'art en 1887, en suivant sa formation auprès de Raphaël Collin. Kuroda revient au Japon en 1893, et devient le symbole du mouvement Shinpa (Nouvelle Ecole), qui ouvrira la voie à l'impressionnisme japonais.

C'est lui qui va initier le retour au premier plan du yôga, en étant nommé professeur au beaux arts de Tokyo, en 1896.

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La peinture de Kuroda est incroyablement ancrée dans la culture japonaise. Et tout cela à cause d'un petit village dans le sud de l'île de France, le bien nommé Grez sur Loing. Il fut découvert par Kuroda en mai 1888, et il y séjourna quelques mois.

Kuroda était le fils d'un baron du nouvel empire, et il découvrit, dans ce village, une nouvelle réalité: la terre, les champs, la nature, les maisons et les femmes européennes.

Pendant plus de 20 ans, peintres, écrivains et poêtes japonais se succèdèrent dans ce village français, à la recherche d'une nature physique et sensuelle. Kuroda découvrit aussi Paris, la capitale des arts, et le naturalisme, style mineur en france mais extrêmement important au Japon à la fin de l'ère Meiji.

Kuroda est donc un artiste emblématique car il confirme la maitrise des techniques occidentales et laisse poindre l'avènement d'une nouvelle ère, dont je vous reparlerai bientôt.

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Le début du 20e siècle correspond à un fort engouement pour la peinture à l'huile et l'aquarelle au Japon. Sous l'influence du naturalisme et du modernisme, on assiste à l'arrivée d'une nouvelle génération de peintres, notamment Aoki Shigeru.

Aoki est originaire de Kurume, et entre en 1900 aux beaux arts. Il travaillera avec Kuroda, et ne laissera que peu d'oeuvres, à cause d'une santé difficile, mais restera comme un artiste majeur du yôga, avec ses couleurs saturées et ses traits saillants, qui influenceront beaucoup les romantiques japonais.

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