"La littérature consiste à traduire les cris et les chuchotements de ceux qui suffoquent, privés de mots... En écrivant ce roman, je me suis senti dans la position de celui qui se voit confier le soin de traiter seul les ordures. »

Ryu Murakami

Ryu Murakami, à ne pas confondre avec son génial homonyme Haruki Murakami (auteur de livres aussi magiques que Kafka sur le rivage, La ballade de l'impossible ou 1Q84), est né en 1952 à Sasebo. Faisant partie des romanciers prenant la relève des plus grands écrivains japonais du XXe, tels que Mishima, Dazai, Akutagawa ou Kawabata, il se démarque et fait sensation au japon dès son premier roman, "Bleu presque transparent", publié en 1976 et vendu à plus d'un million d'exemplaires. Le roman donne la parole à une jeunesse japonaise déboussolée, hantée par son histoire tragique, et ses valeurs rigides. Un seul message est transmis dans ce roman: No future. Et il se matérialise dans une overdose de sexe, de violence, d'alcool et de drogue. Sa prose transcris à merveille les naufrages d'un peuple à la dérive, plongée dans ses cauchemars.

"Miso Soup", c'est un peu la même chose. Un japan psycho terrifiant, mêlé à une activité sexuelle écœurante et crue. Voici le résumé que l'on trouve sur la quatrième de couverture:

Kenji, un jeune Japonais de vingt ans, gagne sa vie en guidant des touristes dans le célèbre quartier louche de Kabukichô, à Tôkyô. C'est en compagnie de Frank, un client américain, qu'il parcourt durant trois nuits les lieux de plaisir de Shinjuku : trois nuits de terreur auprès d'un meurtrier inquiétant avec qui il joue au chat et à la souris. Ce roman court et percutant laisse une sorte d'amertume, un goût métallique pareil à celui du sang qui imprègne ces pages minutieuses décrivant l'agonie d'un monde sans âme et voué à la solitude.  

Ce livre est tériblement dérangeant. Par son sujet tout d'abord. Un policier dans le milieu du tourisme sexuel japonais, ça vous donne une ambiance particulière. On parcours tous les lieux de plaisir de Shinjuku, les peep-shows, les bars à strip tease, les loves hôtels, les prostitués dans la rue...

Mais tout le roman tourne autour de la psychologie des personnages, de leur coté dérangeant. De ce gaijin complétement fou et mythomane, d'un Kenji manipulé et en stress permanent.

Kenji est un jeune homme japonais banal, contraint travailler comme guide dans Tokyo la nuit, et ses lieux de plaisir, afin de s'assurer une paye décente. Il à une petite amie, dont j'ai malheureusement oublié le nom, qui est compréhensive attentionnée et inquiète pour lui. Son client pour trois nuit, les trois nuits de la narration, c'est Franck, un américain, qui veut découvrir les plaisirs du tourisme sexuel. L'intrigue prend place juste après le meurtre d'une jeune prostituée à Kabukicho justement. Elle à été violée, puis découpée en morceau, et ses membres éparpillés dans une poubelle. Ce meurtre trouble profondément Kenji, et le carctère louche de Franck ne fais rien pour le rassurer. Mythomane, dérangé, à la limite de la folie, Franck parle de manière compulsive, automatique, et il arrive parfois qu'il déblatère de longues tirades sans ponctuation, à un rythme effréné. Il se contredit sans cesse dans ce qu'il dit. Kenji vient alors à penser que ce personnage est le probable meurtrier. Jusqu'au moment ou il le voit sortir un billet taché de crasse et de sang pour payer une prostitué. L'intrigue monte crescendo dans la folie et l'horreur. Un bout de peau collé sur une porte en signe d'avertissement, des dialogues à double sens, et surtout, un massacre traumatisant. Vraiment traumatisant. Un peu comme du Maxime Chattam, mais version japonaise.

Mais tout cela est il réel? On peut se poser la question parfois, au vu des scènes atroces qui surgissent et des pensées  dérangées de Franck, d'autant plus que la frontière entre fiction et réel est un thème récurent de la littérature japonaise. Les actes d'un tueur en série ne sont ils pas, par essence, irréels, ou sont ils des symptômes exacerbés d'une réalité? "Miso Soup" détourne les règles du « thriller à la Seven » pour nous parler du monde moderne et des monstres qu'il crée.

Trois nuits. Trois nuits d'horreur, avec des passages a vomir de dégout. Une scène atroce au niveau des descriptions et des images. Des personnages torturés, une vision ultra réaliste du commerce du sexe et de ses dérives. Il est très compliqué de parler d'un livre pareil. Personnellement, j'en tire deux bilans. C'est un excellent contraceptif, et une transcription parfaite d'un monde chaotique, d'une déchéance dans la nuit.

A ne pas mettre entre toutes les mains.