Salut tout le monde !

Pour mon premier article, j'ai décidé de marquer le coup et de mettre à l'honneur un des jeux qui m'a le plus chamboulé ces derniers temps. Il faut dire qu'avec son atmosphère unique, il est impossible de ne pas être marqué par la personnalité de ce titre. Dès les premiers pas dans l'univers on sent, on ressent, qu'on ne joue pas seulement à un jeu : on vit une expérience.

Le jeu à peine lancé, on remarque avant tout le menu simplifié au maximum annonciateur d'un style épuré. Épuré est bien le mot car en quelques secondes, nous voilà dans la peau d'un jeune garçon s'éveillant, et on découvre seul les mouvements possibles qui ne vont être qu'avancer, reculer, sauter et interagir avec le décor (ce qui finalement s'avère être largement suffisant pour un titre de plate-forme).

  

Ainsi, à peine réveillé, le garçon se met alors à avancer dans une forêt. Ce décor est intrigant. On n'y entend aucune musique, seul les craquements de l'herbe sous ses pas brisent le silence. On n'y voit aucune couleur, juste des troncs noirs baignés de lumière blanche, la brume masquant le fond du bois. Le garçon lui même n'est qu'une silhouette parmi les autres, distingué par ses yeux, deux points blancs brisant la monotonie des ombres.

La luminosité varie, l'écran vacille, l'univers semble instable, irréel. On se rappelle alors un nom : Limbo. On pense alors aux limbes.

Mais alors le garçon est-il mort ? Rêve-t-il ? Peut-être erre-t-il dans son propre inconscient. Tout y est flou. L'omniprésence des ténèbres ou encore l'absence de visage nous indique que ces souvenirs ne sont que bribes, s'estompant peu à peu. Le garçon continue d'avancer.

A mesure qu'il progresse dans cet imbroglio de cauchemars il se retrouve confronté aux terreurs peuplant l'imaginaire enfantin, ces peurs communes et profondes le harcelant sans cesse tel un leitmotiv morbide.  

Il a peur du noir. Et dans ce monde constitué de ténèbres où le danger nait de l'ombre même la lumière le trahi, elle ne suffit pas à le protéger et à chasser ses angoisses.

Il a peur de l'eau. Trouble, sombre et omniprésente, il y sera inexorablement attiré par les profondeurs obscures.

Il a peur des autres. Ils se ruent sur lui, hostiles au moindre contact. Pourquoi lui vouer une telle haine ? Impossible à savoir, il ne peut pas leur parler.

Il a peur des arthropodes. Les insectes ont des proportions gargantuesques, leurs ailes provoquent un vrombissement menaçant. Mais l'araignée est pire.

L'araignée vit dans les ombres. Véritable incarnation des cauchemars, némésis implacable, l'araignée traque l'enfant. Il fuit mais n'avance pas. Il doit l'affronter pour la vaincre. Il meurt, encore.

Le garçon meurt souvent. Mais ce n'est pas si grave, il est vrai qu'un enfant peine à se représenter le caractère définitif de la mort. Peut-être est-ce pour cela que la mort n'est pas une libération, une finalité. Après tout si l'inconscient ne croit pas en la mort, elle n'existera pas.

Tel un supplice infernal digne de la mythologie grecque, le garçon est condamné à se voir mourir, encore et encore, pour avancer. Mais à quoi bon ? Sait-il ce qui l'attend au bout du chemin ? Quel désir obscur motive sa quête ?

Mû par on ne sait quelle force mystérieuse, l'inlassable héros commence à quitter le décor tortueux et sauvage de la forêt. Une roue à engrenage, une machine se dresse devant lui. Il doit la mettre en marche. Plus qu'une envie, cela apparaît comme une obligation. Le garçon fait tourner la roue, la machine fume, un bruit mécanique assourdissant envahit l'espace, un éclair éblouissant déchire le ciel, la pluie commence à tomber. Rien n'a changé mais tout semble différent. Le garçon vient-il de grandir ?

Continuant son périple, le garçon voit le paysage se modifier aux alentours. D'abord imperceptible, l'inexorable changement devient envahissant. Les courbes deviennent droites, les cercles deviennent angles et le silence devient vacarme. Un vacarme industriel.

Du métal s'entrechoque, des scies tournent, des gerbes d'étincelles éclairent les ténèbres. Cela ne ressemble en rien à ce qu'il connaissait, à ce dont il s'est habitué. Aurait-il lutté si dur pour enterrer ses démons dans le but de s'enfermer dans un monde pire encore ?

Non. Tout n'est pas encore machinerie. Il persiste encore des flancs de colline, des petites étendues d'herbes éparses. Il s'y raccroche. La nature se fait rare, puis inexistante. Le garçon est seul maintenant. Seul face aux machines dévorantes qui se sont approprié son innocence.

Il n'y a plus de cauchemars, plus d'inconnus, plus d'insectes. Mais le garçon comprend que ce dont il avait peur n'était pas le plus effrayant. Ses mouvements deviennent calculs, ses déplacements se font mécaniques et répétitifs. Pour sa survie il doit agir comme les appareils, bouger avec eux. Il ne réfléchi plus, cette machine étrangère a envahi son inconscient.  

 

Cet univers semble se jouer de lui. Le garçon veut en sortir mais existe-t-il une sortie ? Est-elle encore loin ? Alors que les dangers se font de plus en plus présents, que les énigmes se font de plus en plus complexes, soudain la fin surgit, froide et inattendue. Elle qui semblait être un but apparaît pourtant comme la manifestation du destin, une absurde libération. Il lui aurait été impossible d'y échapper. Peut être est-ce comme ça. La mort.